Pour un parti mouvement (par Bruno Della Sudda, FASE)

mercredi 12 mai 2010.
 

Au cours de la seconde des deux séances de travail que les Alternatifs et les Communistes unitaires ont organisées les 26 et 27 septembre, Michèle Kiintz-Tailleur et Bruno Della Sudda ont introduit le débat Voici l’intervention de Bruno Della Sudda. POUR UN PARTI-MOUVEMENT

Trois remarques en guise d’introduction :

1. Le contexte est marqué par une crise profonde de la politique et de sa représentation, et cette crise n’est pas seulement française, elle se manifeste par une défiance très forte vis-à-vis du champ et des structures politiques, et par une abstention croissante, en particulier populaire, et le dernier scrutin présidentiel marqué par une forte participation est accidentel et n’indique aucune contre-tendance (comme le montre la décrue spectaculaire des effectifs de l’UMP et du PS dans les mois suivant le scrutin)

Cette crise multiforme concerne aussi syndicats et associations, elle touche également les partis issus du mouvement ouvrier et ceux de l’écologie : c’est bien sûr une crise du projet et de la stratégie pour la révolution, comprise ici comme changement fondamental de société Mais ce n’est pas que cela : c’est aussi une crise des structures et des pratiques, une crise du fonctionnement des partis, organisés de manière autoritaire et pyramidale, basés sur la délégation de pouvoir et la dépossession de la politique

Ainsi, en ce qui concerne les partis issus du mouvement ouvrier comme ceux de l’écologie, la crise de la politique et de sa représentation ne se réduit pas à des questions d’orientation politique, même si celles-ci demeurent très importantes : c’est une crise plus profonde, plus fondamentale

2. A cette crise correspondent le plus souvent, à gauche et dans les réseaux associatifs et syndicaux, trois types de réponses :

*

A : celle qui consiste à dire que le changement viendra du mouvement social et de lui-seul, comme substitut au champ de ruines qu’est le champ politique ; cette réponse parfois alimentée par l’anarcho-syndicalisme d’hier est nourrie et renforcée par une tendance lourde, celle d’un siècle de pratiques de manipulations du mouvement syndical et associatif par les partis du mouvement ouvrier (on pourrait en dire autant des partis écologistes mais leur histoire est bien plus courte et leur passif plus léger) : on se réfugie alors dans l’activité associative ou syndicale *

B : celle plus récente que la précédente qui consiste à s’appuyer sur les réseaux, particulièrement à l’œuvre dans l’altermondialisme avec pertinence et succès, et articulés à présent dans la plupart des structures associatives, syndicales et politiques, au fonctionnement habituel de ces structures *

C : celle, moins fréquente mais nullement disparue, qui consiste à réinventer « le parti », en le dotant d’une "bonne" orientation et d’une "bonne" direction, avec un effort de démocratisation quand même et d’ouverture à de nouveaux thèmes, mais toujours dans une logique pyramidale bien connue

On peut ajouter à cela que les deux premières réponses A et B intègrent largement, surtout la deuxième, la nouvelle culture en gestation dans l’altermondialisme : refus du parti-dirigeant, coopération horizontale, croisement des thématiques et des mouvements de contestation...etc

La réponse C est celle de la culture du passé, c’est celle du projet NPA

3. Faut-il considérer qu’il n’y a aucune autre réponse possible ? Nous ne le pensons pas : une autre réponse est possible, une autre réponse est nécessaire

Nécessaire : les mouvements sociaux, s’ils produisent parfois de la politique (parfois même davantage que la plupart des partis où, en général, on ne fait pas de politique), le font de manière sectorielle (ou spécialisée) et pas de manière généraliste ; les réseaux peuvent aider à faire de la politique mais ne peuvent se substituer ni à la démocratie active ni à l’ancrage populaire (ils sont menacés par de nouveaux phénomènes de délégation et de concentration du pouvoir) Les structures politiques sont donc irremplaçables, mais il faut les réinventer : on ne peut ignorer le bilan de faillite des partis traditionnels en terme d’autoritarisme, de bureaucratisation, de délégation de pouvoir et de dépolitisation des masses

Possible : au fonctionnement pyramidal, il faut proposer une alternative et inventer une autre forme d’organisation, le « parti-mouvement », qui assume la socialisation, la mémoire et l’ancrage populaire des partis d’autrefois, mais qui invente et ose même expérimenter à travers la forme du mouvement

Ce fonctionnement en mouvement, déjà expérimenté avec toutes leurs limites et leurs difficultés par de petites formations politiques en France et ailleurs, implique :

*

la rupture définitive avec le modèle (qu’il soit théorisé, ce qui est devenu rare, ou pratiqué, ce qui continue dans presque tous les cas) du « parti-dirigeant » auquel nous substituons les nouvelles pratiques de l’altermondialisme : coopérations horizontales entre associations, syndicats, forces politiques ; pluralité des mouvements de contestation du capitalisme ; articulation des contestations aux propositions alternatives

* la pratique la plus poussée de la démocratie interne et le primat des initiatives de la base, le travail en équipe et le remplacement des instances de direction par des instances de coordination et d’animation ;

* l’abandon définitif dans toute construction politique de la mise devant le fait accompli et du ralliement à ce qui est déjà décidé ailleurs et par d’autres. Le pluralisme originel est une option décisive non pas par choix tactique mais pour des raisons de fond : aucun courant ne peut à lui seul trouver les réponses aux immenses problèmes posés par la transformation de la société, c’est donc la convergence de plusieurs courants qui peut permettre de relever, avec d’autres encore, les défis qui sont devant nous

Sans ces nouvelles pratiques, ce pluralisme originel, cette démocratie jusqu’au bout, comment imaginer être en mesure d’élaborer ensemble aujourd’hui, et avec d’autres demain, le projet et la stratégie du changement de société ?

Bruno Della Sudda


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