Travail précaire, fatalité ou système organisé ? Gérard Filoche à Saint Affrique avec Attac le 21/10/2006

lundi 13 novembre 2006.
 

Pour répondre à cette question, Gérard Filoche démontre que les objectifs du Medef et des libéraux de tous partis sont très clairs : faire sauter toutes références aux conventions collectives pour imposer un nouveau Code du Travail (le rapport Chertier) qui interdit une limite de la durée du temps de travail(minimale ou maximale), qui calcule la durée du temps de travail sur la base de la seule présence du travailleur à son poste, qui instaure un contrat de travail dont les règles ne sont liées qu’à l’entreprise, qui installe le droit à licencier sans motif comme règle, qui créé le « compte épargne temps » pour casser la légitimité des congés payés, qui limite le droit de grève à la seule entreprise., bref un « code du travail » qui oublie, fait disparaître toute référence au droit, sciemment, pour se fonder sur une notion commerciale de contrat de travail interne à une entreprise donnée.

La stratégie suivie est claire, elle aussi : propagande et mensonges, torpillage de la représentation démocratique des élus et vote par ordonnance de textes de lois rédigées dans l’ombre (personnages non élus et quelquefois même condamnés ..) et non transmises au « public ». Faites une recherche sur internet en tapant les mots « ordonnance » et « Villepin » et vous aurez de quoi cauchemarder !! C’est la chanson d’Alain Souchon, on nous fait croire que la précarité est un état « naturel », « fatal » donc, et qu’il existe déjà partout et à tous les niveaux (Gérard Filoche rappelle entre autres, que 85% des contrats sont des CDI) ; que les conventions collectives empêchent les créations d’emplois ; créé de nouveaux mots qui cassent toutes notions au collectif du monde du travail. Mais le plus violent, c’est que ce nouveau code déjà écrit, prévoit que les élus ne légifèreront plus en droit du travail !!! et qu’ils seront remplacés par « les partenaires sociaux » , c’est-à dire qu’un Parlement élu démocratiquement sera remplacé par une notion non représentative ni démocratique pour légiférer sur l’organisation sociale de notre société !!! Il s’agit là tout simplement d’un projet de sabrement de notre ordre social.

Bref état des lieux

Gérard Filoche remarque que le droit au travail est le moins enseigné alors comment s’étonner que sous Fillon et De Robien le travail de nuit est maintenant possible pour les jeunes à partir de 15 ans !! Que ces mêmes jeunes dés l’âge de 14 ans peuvent faire des stages en entreprise en « alternance ...

L’Inspection du travail est née en 1892 et le Ministère du Travail en 1906. En 1910 il y avait 110 inspecteurs pour 3 millions de travailleurs et 3 grandes lois. Depuis le Code du Travail n’a pas fait que s’étoffer avec 8000 lois sans parler des décrets.

En 2006, le Medef et libéraux de tous poils s’attaquent au Code du Travail arguant que ce texte est « vieux », « obsolète », « inopérant » alors qu’il ne cesse d’être modifié depuis la fin du 19è siècle ! Que ce texte est trop compliqué, que dire alors du projet de Traité Constitutionnel Européen que les mêmes défendaient ! Que ce texte est trop peu connu alors que les mêmes font en sorte qu’ils soient peu enseigné ! Il se demande pourquoi on le voit pas mis en scène dans un feuilleton télévisé, les figures du curé de l’instit, du curé, de la proviseure, de l’infirmière, de la bonne soeur, du flic, existent bien, non ? alors pourquoi pas un inspecteur du travail ?

POSITION DU MEDEF et autres LIBERAUX

Parisot :

« La liberté s’arrête là où commence le Code du Travail »

« Les députés n’y connaissent rien à l’entreprise » (comprendre surtout pas de loi dans l’entreprise et position antidémocratique sur le représentativité des élus)

« La vie, l’amour sont précaires alors pourquoi pas le travail ? »

Ségolène Royal :

« Le contrat se substituera à la loi »

Gérard Filoche en conclut que les libéraux font en quelque sorte l’apologie de la barbarie, les hommes ne luttent-ils pas depuis la nuit des temps contre la précarité ?? Ce que le Medef et consorts libéraux veulent imposer c’est croire que TOUT EST PRECAIRE, notion malheureusement bien transmise dans les médias.

Il insiste sur le fait que le Medef a toujours lutté et lutte contre les conventions collectives pour appliquer à leur place des « contrats commerciaux » qui se négocient dans l’entreprise sans référence à un cadre collectif. Et que dans cette lutte, un des objectifs est de faire sauter les CDI en créant des nouveaux mots qui expriment le travail comme « séparabilité/employabilité/charges sociales », tout pour faire oublier LE DROIT.

Et bien comprendre que depuis les 35 heures, le Medef est entré dans une véritable guerre, l’ex CNPF n’avait-il pas déclaré en se convertissant en Medef, que « les tueurs étaient lâchés » ?

Tout est fait donc pour

REMETTRE EN CAUSE L’ORDRE PUBLIC SOCIAL, LE FAIRE ECLATER

Il rappelle que le Medef impose sans cesse des négociations au plus bas et met tout en oeuvre pour désorganiser l’ordre public social. Et que leur position est transparente comme les montrent les différentes déclarations de Mme Parisot :

« contre toute durée légale du travail »

« contre une retraite à répartition »

« contre le Smic »

LE TRAVAIL N’EST PAS PRECAIRE en FRANCE ET LE SALARIE EST FORT

Gérard Filoche insiste sur la propagande faite autour de la précarité et démontre par quelques chiffres que si la précarité avance, elle est très loin d’être une situation générale comme les libéraux et le Medef voudraient qu’on le croie.

Quelques chiffres qu’on nous cache :

- En 1945, 1 actif sur deux était salariés, en 2006 c’est 9 actifs sur 10

- 16 millions de salariés

- Compression des salaires entre cadres et ouvriers

- 85% de contrats en CDI en 2006 contre 95% en 1990 (on note donc une attaque mais le pourcentage reste très élevé)

- la durée moyenne des CDI étaient de 9 ans 7 mois en 1982 et en 2006 de 11 ans !

IL N’Y A PAS DE FATALITE ECONOMIQUE MAIS DES DECISIONS POLITIQUES

La situation du marché de l’emploi n’est pas le fruit de la fatalité mais bien le résultat de décisions politiques qui servent entre autres les objectifs du futur nouveau code du travail (rapport Chertier) en s’attaquant au droit.

Objectif 1 : Construire la précarité

- les précaires sont les jeunes, les femmes et les immigrés. A titre d’exemple : « le taux de chômage des jeunes frôlait les 23 % et qu’il reste l’un des plus élevés en Europe, que les jeunes sont confrontés à une succession de CDD de moins d’un mois, de contrats d’intérim de 15 jours ou d’une semaine et de périodes d’inactivité ou de chômage, mais aussi à des problèmes d’accès au logement en particulier dans les grandes villes, à des problèmes d’accès au crédit, et enfin à une protection sociale contre le chômage moins favorable que pour les autres salariés ». Au « total, les jeunes n’ont souvent de situation stable qu’à partir de 30 ans ».

- 17% temps partiel dont 85% de femmes et autant de d’exonérations de cotisations sociales (notons qu’en 1960 les femmes travaillaient à temps plein)

Objectif 2 : L’attaque aux règles du droit encadrant le licenciement c’est l’attaque à tout le droit du travail

Règles du droit encadrant le licenciement

Le CNE est l’attaque la plus violente puisqu’il n’y a plus de motifs à justifier pour licencier ! Or toute l’histoire du code du travail, les déclarations des droits de l’homme, l’OIT et son décret 158 construisent des règles du droit encadrant le licenciement. Et dans tous ces textes, il y a l’obligation d’un motif et la période d’essai est plutôt de 6 mois mais jamais de deux ans !! Si l’obligation à un motif au licenciement disparaît, les conséquences sont graves :

Comment défendre ses droits si on peut être viré sans motif ?

- c’est la porte ouverte pour le patronat à l’imposition d’heures supplémentaires

- c’est la porte ouverte à l’absence de représentation syndicale

- c’est la porte ouverte à toutes sortes de pressions et voire de harcèlement

Villepin ne parle t-il pas de « droit de travail ordinaire », de sécurité sociale professionnelle ?

Sarkozy lui invente la notion de « flex sécurité » ; dans le sens où nous devons être tous convaincus de la « naturalité » de la précarité, que nous serons toujours un jour l’autre reclassés et surtout qu’il ne sert à rien de se battre pour son emploi.

Objectif 3 : La flexibilité c’est faire travailler une personne le double en la rémunérant moins

Gérard Filoche rappelle qu’un des « énervements » les plus forts du Medef et des libéraux ce sont « les 35 heures » et la référence à toute idée de limite du temps de travail. « Chirac et Villepin ont tellement allongé la durée de travail réelle sur la semaine, le mois et l’année que la durée légale des 35 h est battue en brêche : diminution des taux de majoration des heures supplémentaires, contingent annuel d’heures supp’ autorisé porté à 220 h, comptes épargne-temps « rachetables » (congés payés supprimés et revendus à taux zéro), etc... Si bien que des millions de salariés travaillent davantage en gagnant moins, à la place de chômeurs qui n’ont donc pas de poste. Faites de vraies 35 h, baissez la durée maxima du travail de 48 à 44 h, rendez les heures supplémentaires plus coûteuses que l’embauche et limitez leur nombre autorisé, re imposez deux jours de repos consécutifs hebdomadaires, et vous créerez de vrais emplois pour tous. »

Durée du travail

Analysons le slogan de Sarko « la liberté de travailler plus pour gagner plus »

Gérard Filoche s’interroge, depuis quand un salarié peut-il décider de faire des heures supplémentaires ou tout simplement décider de son temps de travail ? Tous les contrats de travail comportent une durée fixe imposée au travailleur par le patron. Il n’y a pas de démocratie dans une entreprise puisque le salarié est subordonné à cette limite horaire dans son contrat : un travailleur ne peut donc pas choisir sa durée de temps de travail !! Faire sauter la subordination du contrat rend ainsi « responsable » le travailleur et enlève au patron toute obligation de devoir sur le sécurité, les conditions de travail ...

Durée maximale du temps de travail et heures supplémentaires

La durée maxi est de 48 heures, il existe donc la possibilité de faire 13 heures supplémentaires Fillon a fait passer le contingent d’heures supplémentaires de 120 heures à 230 heures ce qui revient pour le salarié à travailler plus mais à gagner moins et en plus on creuse le trou de la sécurité sociale.

Calcul de la durée du temps de travail

Gérard Filoche rappelle qu’au temps de Philippe Le bel, celui-ci avait instauré un temps du travail du lever du soleil au coucher du soleil. Au XXIè siècle, le ministre Fillon fait mieux et de nous raconter l’histoire du cadre itinérant lamda. Celui- se lève vers 4h30/5h00 du matin pour attraper un Eurostar à La gare du Nord vers 6h00. Puis il passe « 3 heures de congé »dans le train (slogan SNCF) et arrive à Londres à 9h00 pour commencer son travail « effectif » vers 9h30. Notre cadre repart vers 18h, passe « 3 heures de congé » dans le train, arrive à Paris 21h00. Il ne reste qu’à rajouter 1h/1h30 de transport jusqu’à chez lui où il arrive donc vers 22h/22h30.

Résultats des courses, notre cadre a bien travaillé plus mais gagné beaucoup moins !! Voilà donc le tour de force de Fillon ; étendre le forfait jour (rémunération forfaitaire) des cadres autonomes aux cadres itinérants puis maintenant aux cadres salariés.

Et Borloo, le ministre de « la cohésion sociale », de l’intégrer et de déclarer que le temps des déplacements, comme notre cadre à Londres, ou le temps d’habillement comme pour des métiers recquiérant des vêtements spéciaux, ne sont pas du temps de travail !!

Objectif 4 : casser les congés payés

Compte Epargne Temps (CET)

Toujours dans le mensonge sarkozien de travailler plus, gagner plus, on vous dit que vous avez le droit de prendre vos congés payés quand vous voulez et de les « capitaliser dans un Compte Epargne Temps » sauf que votre contrat subordonne votre temps de travail et que vous ne pouvez donc pas faire ce choix et qu’en plus vous devez obligatoirement prendre 12 jours de congés payés (Fillon). Ce CET peut paraître bien séduisant mais il va de pair avec l’annualisation et la flexibilité. En effet, le danger existe de refuser aux agents les jours de congés auxquels ils ont droit sous prétexte que le CET existe. Et le fait d’avoir passé la durée du CET de dix ans au lieu des cinq initialement prévus est loin d’être innocent. Résultat, le travailleur travaille plus et ouvre un compte rémunéré à taux zéro !!

Objectif 5 : casser le droit à l’expression politique

Le droit de grève

Sarko voudrait que le droit de grève soit limité dans le cadre d’une entreprise, pour des motifs liés uniquement à l’entreprise et cerise sur le gâteau que la grève soit voté avant à bulletins secrets...

La représentativité des syndicats

Sarko, toujours les mêmes, aimerait bien aussi que les délégués syndicaux ne soient plus désignés mais élus et que chaque syndicat obtienne une majorité dans l’entreprise pour y siéger. Cela équivaut donc à être élu avant même d’être nés ...

LE RAPPORT CHERTIER OU LA REECRITURE D’UN NOUVEAU CODE DU TRAVAIL où « LE CONTRAT L’EMPORTE SUR LE LOI »

Et oui ! Depuis 2005 Villepin, Chirac et les autres font réécrire le code du travail, le cachotier ... Pour cela, Villepin avait obtenu des parlementaires l’habilitation de vote par ordonnance !!. Et ce nouveau texte devait être voté dans la fournée CNE/CPE en mai 2006, par ordonnance. Mais au vue des évènements, Villepin et les autres n’ont pas présenté ce texte. Mais, mais, mais l’habilitation parlementaire se finissant, Villepin l’a donc réintroduite dans la loi sur l’intéressement et la participation à travers l’article 35 qui reconduit pour 9 mois (donc après les élections présidentielles et législatives, ...) cette habilitation de vote par ordonnance, ... L’histoire est donc loin d’être finie. Voilà le gros du gâteau, car « pour faire triompher le contrat contre la loi ». le Medef, lui, veut rendre la négociation sociale "obligatoire". C’est pourquoi Mme Parisot veut aller jusqu’à faire modifier l’article 34 de la Constitution :

« LE PARLEMENT LEGIFERE EN MATIERE DE DROIT DU TRAVAIL, DE DROIT SOCIAL ET DE PROTECTION SOCIALE »

deviendra

« LES PARTENAIRES SOCIAUX » LEGIFERENT » ;

et où il est indiqué que

« LE CONTRAT L’EMPORTE SUR LA LOI »

« Dans la nouvelle vision du Medef, la consultation obligatoire entre partenaires sociaux doit précéder automatiquement tout vote au Parlement. Pire, l’instance souveraine élue au suffrage universel devrait se voir privée de sa souveraineté sur les sujets concernant l’entreprise et ne pourrait plus qu’avaliser ce qui est sort des accords patronat-syndicats. Avaliser ou rien. C’est-à-dire que le Parlement perdrait son droit de légiférer en ce domaine, sauf pour entériner un accord que le patronat aurait accepté avec les syndicats. Le Parlement n’est donc plus souverain et nous entrons dans une République corporatiste.

Le corporatisme est, par excellence, un système antirépublicain où la force de groupes de pression sociaux l’emporte sur les droits universels, où, la toute-puissance d’un patronat appuyé sur des syndicats officiels et consentants prévaut sur celle de l’ensemble des citoyens. ». Chirac voudrait légiférer avant les élections et supprimer tout simplement le droit du travail et instaurer un autre ordre social.

Rappelons ce qu’est le système du « paritarisme ». Après 1945, les patrons avaient 11%, en 1966/1967 on arrive à 50% pour le patronat et 50% pour les travailleurs !! avec un million de patrons et 11 millions de salariés !! De quel « paritarisme » parle t-on ? Notons que la CFDT est d’accord sur le principe et nuance en ajoutant un délai de 3 mois de discussion pour que les partenaires s’entendent puis passage au Parlement !! Imaginons maintenant que le rapport Chertier est passé, et que les syndicats « partenaires sociaux » soient quelque peu « pressés » par le Medef, ..... quelle direction prendra la législation du travail ?

Voilà, Gérard Filoche conclut en insistant sur la lutte contre cette propagande de la « fatalité », de « la non politisation », des « échecs permanents de lutte » de la « gauche », de la « non représentativité des syndicats .... et rappelle quelques données :

85% de CDI (durée moyenne de 11 ans)

des syndicats forts (en 2003, on avait 6 fois plus de jours de grève qu’en 1995 par exemple)

les grèves CNE/CPE montrent une très forte mobilisation et politisation

en 2004 : 7% de vote en plus ; 20 régions sur 22 à la gauche

en 2005 le non au TPE à 55% 2006 le CPE

en 2006 les révoltes des banlieues ...

Le dernier livre de Gérard Filoche « La vie, la santé, l’amour, sont précaires. Pourquoi le travail ne le serait-il pas ? Jean-Claude Gawsevitch éditeur, 2006

Pour plus d’informations :

http://www.france.attac.org/a6015 CPE : Dix arguments de M. de Villepin et dix réponses, par Gérard Filoche. article publié le 23/03/2006 auteur-e(s) : Filoche Gérard

http://www.sud-industrie35.org/arti... Gérard Filoche - inspecteur du travail - démolit le CPE, un régal ! La Vidéo en streaming dimanche 9 avril 2006 par admin | Sur le Web : Communiqué anti-CPE no 13

http://www.legrandsoir.info/article... Le contrat doit il se substituer à la loi ? par Gérard Filoche. Imprimer cet article 20 octobre 2006

http://lesrapports.ladocumentationf... Pour une modernisation du dialogue social Rapport au Premier Ministre (108 pages ...) Dominique Jean Chertier 31/03/006


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