L’Europe pêche et mange le poisson des Africains

jeudi 13 mai 2010.
 

Bénéficiant de contrats de pêche très favorables, les navires-usines de l’Union européenne sont engagés dans une course folle au pillage des ressources des États côtiers africains.

Les rapports et avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) produisent souvent une expertise utile pour les décideurs politiques et économiques. Il est d’ailleurs regrettable que la lecture de ces documents dépasse rarement le cercle restreint des hommes et des femmes chargés de les voter en séance plénière. Certains de ces documents sont aussi à lire entre les lignes, tel l’avis sur la pêche présenté par Gérard d’Aboville en avril dernier. L’ancien rameur des océans est aussi un ancien député européen et un militant plus ou moins dissident de l’UMP. L’intérêt de son texte 
réside dans ce qu’il laisse apparaître sur les relations entre l’Union européenne et les pays africains s’agissant de la pêche et de la gestion des 
ressources. « À ce jour, l’Afrique reste un acteur qui pèse peu en 
comparaison d’autres continents  : 2,40 % des exportations mondiales en 2007 contre 47,7 % pour l’Europe,
30,1 % pour l’Asie et 18,51 % pour les Amériques. »

Le texte rappelle aussi que l’Union européenne exporte 2 millions de tonnes de produits de la pêche chaque année alors qu’elle en importe 6 millions. Pour satisfaire les besoins de poissons frais et congelés de la grande distribution, l’Europe importe beaucoup de produits pêchés ou élevés sous d’autres latitudes tandis que ses navires-usines pillent les mers du monde, et notamment les « zones économiques exclusives » (ZEE) de nombreux pays africains.

Certes, il s’agit d’accords « négociés » dont beaucoup doivent être reconduits d’ici à 2013. Mais ce pillage ne laisse que des sommes dérisoires aux pays qui l’acceptent. « Dès 1990, on dénombrait environ 88 navires européens pêchant dans les eaux des pays en développement, assurant l’approvisionnement de près de 25 % du marché communautaire. En 1997, la contrepartie versée par la communauté européenne dépassait les 295 millions d’euros », relève Gérard d’Aboville. Aujourd’hui, le pourboire versé par l’Europe aux États qui la laissent piller leur ZEE n’est plus que de 160,5 millions d’euros par an, « dont 150 millions d’euros à destination de l’Afrique de l’Ouest ».

En théorie les navires de pêche européens ne doivent puiser que dans le stock excédentaire des zones côtières des pays hôtes. Mais Gérard d’Aboville reconnaît que ces pays n’ont pas les moyens d’exercer des contrôles efficaces. « En tout état de cause, les conditions dans lesquelles les produits sont débarqués, souvent directement dans les ports européens, l’absence de données sur les rejets et les prises accessoires (…) mettent les États africains dans l’impossibilité pratique d’évaluer la ponction réelle sur les stocks et de corriger les sous-estimations trop systématiques inscrites au registre des déclarations de captures », peut-on lire dans l’avis voté par le Cese.

D’Aboville rappelle que, dans une résolution du 8 novembre 2001, le Conseil européen s’engageait « à tenir compte des objectifs de développement durable et de lutte contre la pauvreté dans la mise en œuvre des interventions réalisées au titre de la politique commune de la pêche qui sont susceptibles d’affecter les pays en développement ». Neuf ans plus tard son constat est le suivant  : « Le bilan sur le terrain demeure encore très en retrait par rapport aux intentions alors affichées et surtout aux résultats enregistrés  : surexploitation des stocks, déclin des industries locales de la pêche, baisse des revenus des pêcheurs, aggravation de la dépendance économique des pays d’Afrique à l’égard de l’Europe. » Sans commentaire !

Gérard Le Puil


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