Agences de notation... au service des marchés financiers

jeudi 13 mai 2010.
 

Malgré les difficultés méthodologiques et les conflits d’intérêts, les agences de notation, plus aptes à alimenter les crises qu’à les anticiper, restent un rouage central du jeu financier.

Avec la crise financière de 2008, puis celle sur la dette grecque, les agences de notation et leur nocivité éclatent au grand jour. Pourtant, elles sont loin d’être une création récente, puisqu’il faut remonter à 1909 pour qu’apparaisse la première société à attribuer des notes aux entreprises, la très célèbre Moody’s. Du fameux triple A pour les sociétés les plus solvables au F pour celles en défaut de paiement, le système est déjà en place, dès son lancement. Au milieu des années 1910, deux autres grandes agences de notation, Standard & Poor’s et Fitch, débarquent sur le marché. En 1918, Moody’s développe le « rating souverain », pour noter les États. Progressivement, la notation se développe, jusqu’à devenir incontournable pour les banquiers et investisseurs.

À elles trois, Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch se partagent 80 % du marché. Chacune d’elles utilise sa propre méthode pour évaluer les dettes des États, les actions, les obligations. « Une notation représente l’opinion d’une agence, à une date donnée, sur la capacité d’un émetteur ou d’une émission de titres à faire face en temps et en heure aux engagements financiers à terme », résume l’Autorité des marchés financiers française (AMF) dans son rapport 2007 sur les agences de notation.

Les entreprises paient pour être évaluées. Et c’est là que le bât blesse. Les crédits hypothécaires subprimes avaient la note maximale AAA. Ces crédits n’étaient pas garantis sur la capacité des particuliers à rembourser, mais sur l’augmentation de la valeur de leurs biens. Autant dire qu’ils n’étaient pas plus sûrs avant juillet 2007, quand leur note était maximale, qu’après, lorsque les agences de notation ont estimé qu’ils étaient des placements à risques. C’est l’arbitraire le plus total.

Dans le cas des États, la méthode est quelque peu différente. Ceux-ci ne paient pas. Lorsqu’ils empruntent sur les marchés, le taux d’intérêt dépend de la note accordée par les agences de notation. La note apprécie la solvabilité, c’est-à-dire le risque de ne pas rembourser. C’est ainsi qu’avec AAA, l’Allemagne et la France empruntent à un taux de 3 % environ. La dégradation de la note grecque a fait s’envoler les taux d’intérêt à plus de 10 %, un taux usuraire qui peut plonger un pays dans la spirale du surendettement. Évaluer la solvabilité d’un État relève également de l’arbitraire. Cela revient, de fait, à prédire la politique qui sera menée par le gouvernement, ou la possibilité qu’une aide d’autres États soit débloquée.

Les critères et les sources de revenus des agences de notation, sont de plus en plus mis en cause, au point d’être sous le coup d’une enquête du Sénat des États-Unis. « Les agences de notation (…) ont utilisé des modèles périmés et des données inadaptées. Elles étaient trop influencées par les banques d’investissement », s’inquiète Carl Levin, sénateur démocrate et responsable d’un souscomité du Sénat sur les racines de la crise financière. À l’été 2007, la dégradation de produits financiers toxiques aux États-Unis a placé le secteur immobilier dans la crise. Malgré leur perte de légitimité, les agences de notation profitent de la crise des États qu’elles évaluent. Ainsi, Moody’s a vu une progression de ses gains de l’ordre de 26 % au premier trimestre 2010. Près de 20 % du capital de Moody’s appartient à la holding financière Berkshire Hathaway, dont le président n’est autre que Warren Buffett, l’un des hommes les plus riches de la planète. Celui-ci déclarait en 2006 : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner. »

GAËL DE SANTIS ET CLOTILDE MATHIEU


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