Travail, salaires, retraites... Rétablir la vérité sur la situation en Grèce

jeudi 6 décembre 2018.
 

Les mesures économiques prétendues "libérales" imposées à la Grèce par l’Union européenne et le FMI ont des conséquences socialement ignobles et terribles qui doivent être connues.

3) Grèce : la vie réelle et des contrevérités détruites (31 juillet 2015)

La Tourmente grecque » : mortalité infantile + 43 %

Le taux de mortalité infantile a progressé en Grèce, depuis le début de la crise, de 43 %. C’est à ce taux que l’on reconnaît le niveau de développement d’un pays. La Tourmente grecque, film de Philippe Menut, rappelle cette triste réalité, et bien d’autres, qui montrent que la Grèce sert de "cobaye" aux spéculateurs.

Le réalisateur, Philippe Menut, a été journaliste à France 2 et à France 3. Ce film, débuté en 2012, est régulièrement actualisé. Il décrit la crise humanitaire, véritable "guerre économique et sociale" : 30 000 sans-abri à Athènes, retraites réduites de 25 %, budget de la santé amputé du tiers, chômage multiplié par 3, services publics sinistrés. Alors que les prix sont ceux de Paris ou de Londres, les salaires sont ceux de Bulgarie. Le salaire minimum est à 480 €, 40 % des Athéniens ont passé le dernier hiver sans chauffage.

On accuse les Grecs de ne pas payer d’impôts, alors même que les impôts sont prélevés à la source (ce qui n’est même pas le cas de la France). Ce sont les armateurs qui ne payent pas d’impôts, ce qui a grandement donné cette image d’une Grèce non imposée, mais la troïka n’y voit pas d’objections.

On reproche aux Grecs de ne pas travailler : or ce sont eux qui travaillent le plus en Europe [je vérifie sur AlterEcoPlus : c’est vrai, ils travaillent en moyenne 40,6 heures, plus que l’Allemagne, 35,3 et que la France 35,7, qui notons-le au passage travaille donc plus que l’Allemagne].

On parle de corruption : en fait, par définition, elle n’est pas connue, mais serait comparable à ce qui existe ailleurs. Rappeler la dernière guerre agace : mais tout de même, il faut savoir que 400 000 Grecs sont morts de faim à cette époque. L’occupation allemande a été terrible : les Grecs ont résisté et des milliers d’entre eux ont été massacrés en représailles. A l’époque, l’Allemagne a empruntés, à la Grèce, 54 milliards d’équivalent euros actuels et a fait payer aux Grecs les frais d’occupation. Le commentaire du film dit que l’Allemagne aurait une dette envers la Grèce de 162 Mds€.

Selon Médecins du Monde, le taux de mortalité infantile a augmenté de 43 %. C’est à ce taux que l’on mesure l’état de santé et de développement d’un pays. Une baisse de ce taux est significatif de la tragédie que traverse ce pays [je rappelle que le démographe Emmanuel Todd, en 1976, dans La Chute finale, a prédit la chute de l’URSS parce qu’il a découvert que son taux de mortalité infantile avait cessé de baisser et que même ce taux remontait]. Les avortements sont en hausse de 30 %. Plus d’1/3 de la population est sans protection sociale. On réutilise les médicaments des malades décédés.

Le budget de l’éducation nationale s’est effondré. Plus de 1000 écoles primaires et secondaires ont été fermées. Des enfants s’évanouissent à l’école à cause de la faim.

Des chantiers navals ont fermé, tous les dockers sont désormais des intérimaires. Le port du Pirée a été bradé aux Chinois (Cosco) pour 500 000 €, pour en disposer pendant 35 ans. Les Conventions collectives ont été rendues caduques. Sur contrainte de la Troïka, des femmes de ménage des ministères ont été licenciées ce qui a provoqué des manifestations monstres aux gants (de ménage) rouges. La télévision ERT a été fermée : 2600 employés licenciés, qui, refusant ce diktat, ont autogéré la télé (réouverte avec Syrisa).

45 îles grecques ont été vendues, bradées, dont 7 achetées par le Qatar (pour 3 millions d’euros). Certes, la Grèce est sensée avoir reçu 245 Mds€ depuis 2010 : mais l’économie grecque n’en a presque pas vu la couleur, car cela, comme on le sait, a été redistribué aux créanciers (banques internationales qui avaient prêtés à des taux exorbitants à l’État grec) : 48,98 % aux créanciers privés, 28,3 % aux banques, 22 % on ne sait pas (chiffres d’Attac Autriche). Les banques grecques contractaient des prêts auprès de la BCE au taux de 1 % et prêtaient à l’État grec à 20 % et plus.

Une journaliste de Bilan (média suisse) explique pourquoi la Grèce a été attaquée : car c’est un petit pays avec un petit marché obligataire : "c’était une opportunité évidente pour les spéculateurs". Un trader de Londres dit qu’il se couche tous les soirs en espérant la récession, compte tenu des profits qu’il peut en tirer. Le ministre de la culture de Tsipras dit que la Grèce a été un "cobaye".

Le film émet le souhait que les États européens puissent emprunter directement à la BCE et rappelle que, pour la France elle-même, si les taux des marchés n’avaient pas été à une époque aussi élevés et s’il n’y avait pas eu les baisses d’impôts des années 2000, sa dette ne serait que de 740 milliards d’euros (et non pas de 2040).

Philippe Menut, qui arrête son film à la victoire de Syrisa en janvier, va très prochainement sortir une version mise à jour. Mais il y a fort à parier que les fauteurs de ce Coup d’État financier, si la solidarité avec la Grèce n’est pas davantage affirmée en Europe, continueront à prôner sans scrupules l’écrasement d’un peuple. Sous nos yeux.

2) La Grèce sous la botte du libéralisme

1) Rétablir la vérité sur la situation en Grèce

« Depuis que la crise grecque fait les gros titres des médias bourgeois, il se répand quantités d’ histoires sur le fait qu’il y aurait de trop nombreux fonctionnaires, que la durée hebdomadaire du travail serait très courte, que les gens prendraient des retraites anticipées et seraient grassement pensionnés, et ainsi de suite, comme si tout cela constituait la cause de la crise. Pourtant faits et chiffres restent têtus et ce qu’ils racontent est totalement à l’opposé…

« Les militants de la Gauche européenne et du mouvement ouvrier international doivent savoir la vérité, mais malheureusement elle ne viendra pas des puissants médias. Les travailleurs grecs ont une durée moyenne de travail plus longue que le reste des Européens. La Grèce a aussi les salariés les moins rémunérés du secteur privé par rapport au reste de la zone euro...

« Le mythe des « travailleurs grecs paresseux"

« Le premier mythe développé dans cette campagne est en gros du genre : « Ces Grecs sont des gens paresseux, qui ne cessent de se mettre en grève sans raison, et qui se retournent alors vers les Européens pour qu’ils financent leur propre paresse".

« Les militants de la Gauche européenne et du mouvement ouvrier international doivent savoir la vérité, mais malheureusement elle ne viendra pas des puissants médias. Voyons quelques faits. Selon Eurostat (Bureau des Statistiques de la Communauté Européenne), les travailleurs grecs ont une durée moyenne de travail plus longue que le reste des Européens. Ils travaillent 42 heures par semaine alors que dans les 27 États membres de l’UE cette durée est de 40,3 heures et de 40 heures au sein de la « Zone Euro ». Voilà qui dissipe le mythe numéro un !

« Toujours selon Eurostat, la Grèce a aussi les salariés les moins rémunérés du secteur privé par rapport au reste de la zone euro ". En Grèce, le salaire brut mensuel moyen, y compris les cotisations de sécurité sociale et les impôts, est de 803 € ,[environ 700 £ ou 1063 US $], tandis que le plus bas salaire brut, par exemple en Irlande est de 1300 €, en France 1250 € et aux Pays-Bas 1400 €. Ainsi le mythe numéro deux ne résiste pas à une analyse sérieuse des données réelles.

« Une autre idée largement répandue est que si l’UE et le FMI n’étaient pas intervenus pour imposer des mesures strictes, les Grecs auraient continué avec bonheur à vivre avec des salaires toujours plus élevés. Or tout indique, selon le GSEE (Confédération Générale Grecque des Syndicats du Secteur Privé), que les programmes d’austérité déjà imposées par les gouvernements récents, avant même que n’éclate la crise actuelle, avaient déjà ramené le salaire réel moyen dans le secteur privé au niveau de 1984.

« Qu’en est-il de l’âge de la retraite et des montants des retraites ? Si l’on en croit les médias de la bourgeoisie grecque, les Grecs vivent dans une sorte de paradis pour les travailleurs, où ils peuvent tous prendre une retraite anticipée avec des montants vraiment confortables. En réalité, la moyenne d’âge au départ en retraite est de 61,4 ans, un peu plus élevée que la moyenne européenne qui est de 61,1 ans.

« Et que dire de ces confortables montants des pensions ? Selon le GSEE, la pension moyenne en Grèce est de 750 euros par mois, tandis qu’en Espagne elle atteint 950 €, en Irlande 1700€ et aux Pays-Bas 3200 €. En outre, ce chiffre est celui d’avant la mise en œuvre des nouvelles mesures gouvernementales, lesquelles font passer l’âge de la retraite de 65 à 67 ans tout en réduisant les pensions de 30 à 50%.

« En outre, selon le rapport annuel conjoint de GSEE et de l’ADEDY (confédération syndicale du secteur public) sur l’économie et les niveaux d’emploi en 2009, sur les quatre millions et demie de la population active, plus d’un million de travailleurs ne bénéficient d’aucune sécurité sociale ou de quelque autre forme de protection légale. Selon le rapport de la Commission de la Sécurité Sociale, créée par le Ministère grec du Travail, cette proportion atteint 30% de l’effectif total de la population active, tandis que dans le reste de l’UE, le pourcentage de travailleurs dans ces conditions ne dépasse pas 5 à 10% .

« Et à qui la faute ? Les cotisations sont censées être règlées par les patrons, qui en payent une partie eux-mêmes et le reste par les travailleurs sur leur salaire. Mais cela signifie que c’est en déclarant légalement les salariés et en payant des impôts sur les bénéfices réalisés. Les patrons préfèrent embaucher un nombre important de travailleurs en situation illégale, au « noir », et « économiser » ainsi à la fois sur les taxes dues à l’Etat et sur les cotisations. Si les patrons avaient payé tous les impôts dus au cours des dernières années, et s’ils avaient payé ce qu’ils étaient censés régler aux caisses de sécurité sociale, la situation ne serait nulle part aussi mauvaise qu’elle l’est aujourd’hui. Ce sont les capitalistes grecs et les investisseurs étrangers qui ont profité de cette situation. Mais qui faut il blâmer ? Les travailleurs grecs et les pauvres, bien sûr !

« Et par-dessus le marché, il existe aussi en Grèce ce phénomène d’environ 300 000 « faux travailleurs indépendants ». Ce sont les travailleurs qui en réalité ont été contraints de prendre ce « statut » de travailleurs indépendants. En réalité, ils travaillent pour un patron qui peut librement décider de la façon, de la durée, du lieu de travail, et des conditions de travail, et donc ce type de travail est essentiellement un emploi par un patron, mais avec l’avantage supplémentaire qu’il ne peut les renvoyer quand il veut,car formellement il est leur "client". Les patrons préfèrent ce type de rapport de travail parce que ces travailleurs ne sont pas considérés légalement comme des employés ; ils n’ont pas les mêmes droits que le reste de la classe ouvrière comme la mensualisation des salaires, les congés payés. Les employeurs peuvent les licencier librement, même sans aucune indemnité. Il nous faut encore ajouter à la liste les 200.000 employés à « temps partiel », dont la plupart travaillent à temps plein, mais qui sont payés à mi-temps.

« Dans la campagne de dénigrement, il a été question des effectifs soit disant pléthoriques des fonctionnaires grecs. Selon les données de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), les fonctionnaires représentent 22,3% de la main d’oeuvre , en France le pourcentage est de 30%, en Suède de 34%, aux Pays-Bas de 27%, au Royaume-Uni de 20% et en Allemagne de 14%. Ainsi nous pouvons voir que la Grèce est en réalité en dessous de la moyenne. Le fait le plus important, cependant, qu’il faut avoir à l’esprit est que 300.000 salariés du secteur public sont sous contrats temporaires, ce qui signifie qu’ils ont des salaires bien plus bas et des droits bien moindres.

« Durant ces dernières années en lieu et place de hausses de salaires pour les fonctionnaires, nous avons assisté au phénomène inverse. Selon l’ADEDY (Confédération des Syndicats de la Fonction Publique), le revenu réel total des fonctionnaires a baissé de 30% à la suite des réductions constantes appliquées depuis 1990. A la place, les gouvernements ont préféré accorder aux fonctionnaires des « indemnités » plutôt que des augmentations de salaires. Ces primes n’ont pas été incluses dans le décompte des salaires annuels ni prises en compte pour le calcul du montant des retraites à venir.

« De même la propagande bourgeoise continue à s’attaquer aux soit disant "13e et 14e mois de salaire », pour tenter de donner l’impression que les grecs bénéficient de salaires plus élevés que leurs homologues Européens. En réalité, ces "salaires" extras sont les primes de Noël (le 13e salaire), de Pâques et des indemnités (14e salaire), qui étaient versés séparément de façon fractionnée de façon à faciliter la croissance des dépenses de consommation et pour les vacances à des périodes particulières de l’année ; ceci dans un pays dont l’économie repose principalement sur le commerce et le tourisme. Avec les nouvelles mesures prises récemment par le gouvernement, les fonctionnaires et les retraités perdent à la fois ces deux revenus. Il faut aussi souligner que tous les montants de salaire, toutes les données chiffrées sur les revenus des travailleurs grecs énumérés ci-dessus comprennent ces "salaires" extras.

« Le mythe de l’ « opulence » des travailleurs grecs est finalement anéanti si l’on considère l’augmentation massive du coût de la vie. Tandis que les traitements et salaires sont parmi les plus bas dans la zone euro, les prix des produits de base n’ont cessé d’augmenter. Quelques exemples : un paquet de céréales coûte en moyenne 2,86 € en Grèce, 1,89 € au Royaume-Uni (51% moins cher qu’en Grèce) et 2,25 € en France (27% moins cher). Une brosse à dents coûte 3,74 € alors qu’au Royaume-Uni la même est vendue 2,46 € (52% moins chers). Un pack de boissons gazeuses coûte 3,1 € en Grèce, 2,76 € en Belgique, 2,3 en France et 2,68 au Royaume-Uni. L’exemple les plus frappant est celui de la tasse de café ou de thé : en Grèce, le prix moyen se situe entre 3 et 3,5 €, soit plus du double de la moyenne dans la plupart des pays européens.

« Bien sûr, pendant ce temps là, certains Grecs pourraient être accusés de vivre dans l’opulence, et même à des proportions inouïes en comparaison de l’Europe et du monde. Mais on ne les trouvera pas parmi les travailleurs. Pendant la première moitié de la décennie écoulée les capitalistes grecs étaient constamment aux trois premières places des classements sur la rentabilité au niveau mondial. Ainsi les banquiers grecs sont encore aujourd’hui ceux qui pratiquent les plus hauts taux d’intérêt en Europe. Ce n’est pas un hasard. Leurs profits viennent du fait qu’ils avaient tous à leur disposition une main-d’œuvre dont des salaires étaient les plus bas d’Europe. Et en outre, une partie importante de la main-d’œuvre travaillait au "noir", ce qui leur a permis d’amasser des sommes énormes du fait des impôts et des cotisations de sécurité sociale non payés…. »

NB. « Le Monde » nous apprend dans une brève que dès le début de la tourmente, les dépôts bancaires des oligarques grecs ont déjà pris le chemin de Londres…. Enfin ce même journal nous apprend :

« Le patron du FMI tient aussi à saluer l’attitude d’Athènes. « Je suis admiratif de l’extrême rigueur choisie par le gouvernement Papandreou qui a préféré de durs sacrifices immédiats pour sortir au plus vite son pays de la crise ».


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