Pour éviter de futures grandes pannes en Europe, il faut d’urgence revoir notre politique !

lundi 13 novembre 2006.
 

La coupure de courant que viennent de subir une dizaine de millions d’européens dans la nuit de 4 au 5 novembre 2006 souligne le sous investissement dans le domaine de la production et de la transmission électrique en Europe malgré les cris d’alarme répétés du RTE, par exemple.

Or des investissements considérables ont été faits au cours des dix dernières années, particulièrement en Allemagne (un total de 17 G Euros investis en 2003 qui devraient atteindre 45 G Euros en 2015), en Espagne et au Danemark, exclusivement sous forme d’éoliennes. Les éoliennes sont radicalement incapables de faire face à de brusques demandes de courant[1] (contrairement aux barrages hydroélectriques, aux centrales à gaz et aux centrales nucléaires modernes) et introduisent une fragilité accrue dans le réseau (citation du président du directoire d’E.ON Netz : "je ne crois pas que cette déconnection explique à elle seule la panne de samedi soir. Il est probable que les nombreuses éoliennes de cette région à la frontière de la Basse-Saxe et des Pays-Bas y sont également pour quelque chose").

Il est clair que les investissements dans l’éolien industriel viennent en compétition avec ceux qui auraient pu être faits dans des moyens de production mobilisables et dans le réseau. L’exigence déraisonnable de l’Union Européenne d’atteindre 21% d’électricité d’origine renouvelable sert de justification à ces énormes investissements passés et prévus dans l’éolien. Il est encore temps de la revoir

Sauvons le Climat vient de publier sur son site une longue analyse sur ce sujet. Outre les aspects que nous évoquons plus loin, il faut souligner que l’énergie éolienne, quels que soient ses avantages du point de vue environnemental, ne répond pas au problème majeur posé par la grande panne que l’Europe vient de vivre : la sécurité électrique. Même si l’on poursuit son développement, l’énergie éolienne n’apportera jamais de réponse satisfaisante au besoin de sécurité du réseau, parce qu’elle est aléatoire par définition : on ne peut pas compter sur elle.

Le programme éolien français : d’une utilité contestable, d’un coût pour la collectivité considérable mais très rentable pour certains.

Qu’il n’y ait pas ici de malentendu : " Sauvons le Climat " n’est pas hostile à l’énergie éolienne, en particulier lorsque sa mise en oeuvre permet de diminuer les émissions de gaz à effet de serre (par exemple dans les DOM-TOM et en Corse). Par contre, lorsque ce n’est pas le cas, comme en France continentale, nous ne saurions accepter que ses promoteurs trompent nos concitoyens en laissant entendre que ce l’est : les dépenses considérables envisagées pour le développement de l’éolien en France n’auront pratiquement pas d’influence sur le niveau de nos émissions, alors que les investissements correspondants feront défaut pour la mise en oeuvre, au niveau requis, de politiques efficaces de réduction de celles-ci.

C’est dans cet esprit d’analyse critique mais non hostile a priori aux programmes éoliens que nous dénonçons ici une politique dispendieuse et inefficace à l’égard du dérèglement climatique et de la demande d’électricité.

Le détail des arguments du présent communiqué peut être trouvé sur le site de "Sauvons le Climat".[2].

Le souci de réduire nos émissions de gaz à effet de serre s’est concrétisé, entre autres, par l’engagement du gouvernement Jospin d’amener la production d’électricité d’origine renouvelable à 21 % de la consommation totale d’électricité, dès 2010. L’énergie éolienne, la plus mature des énergies renouvelables, a donc focalisé toutes les attentions, en trois phases : d’abord le plan " Eole 2005 ", vite remplacé par le "régime spécial" d’incitation, copié sur la " loi EEG " des Allemands. Ce régime, décliné par l’ " arrêté Cochet " du 8 juin 2001, a obligé EDF à acheter l’électricité produite dans les " fermes éoliennes ", à un tarif unanimement jugé avantageux, voire juteux (plus de 2 fois supérieur au coût de production du kilowattheure nucléaire).

Suite au forcing opéré par le lobby éolien (le Syndicat des Energies Renouvelables (SER) et l’ADEME, notamment), le gouvernement actuel a pris une série de mesures :

La circulaire qu’adressèrent, le 19 juin 2006, le ministre de l’industrie et sa consoeur de l’environnement aux préfets afin qu’ils facilitent la création de Zones de Développement de l’Eolien (ZDE) dans tous les départements. L’"arrêté PPI" du 7 juillet 2006 du même ministre de l’industrie, fixant la Programmation Pluriannuelle des Investissements de production électrique au travers des objectifs suivants de mise en service, d’ici à fin 2015 : 17 000 MW d’éolien (pour un prix égal à celui de 9 EPR, mais une production annuelle de l’ordre de celle de 2,5 EPR), dont 4 000 en mer(13 000 MW, dont 1000 offshore dès 2010) , 2 000 MW d’hydraulique, 3 250 MW d’autres énergies " douces ", 6 100 MW de centrales fossiles( essentiellement pour faire face à la demande de pointe, mais émettrices de CO2) et les 1 600 MW de l’EPR de Flamanville. L’" arrêté Jacq-Jacq "du 10 juillet 2006, modifiant les tarifs de l’obligation d’achat de sorte que les professionnels de l’éolien industriel bénéficieront de revenus en hausse d’environ 25 %. Le SER se trouve, de facto, au chômage, toutes ses revendications ayant été satisfaites. L’arrêté Cochet a déjà conduit à la mise en service de quelque 800 MW éoliens fin 2005(voir l’article du " Point " du 4 août 2005, " Massacre à l’éolienne "[3]). La batterie de mesures 2006 a lancé une véritable ruée vers l’or éolien hexagonal de tout ce que le monde compte de banquiers et investisseurs en quête de placements " productifs ". Et pour cause : les rentabilités attendues ont été qualifiées, dès 2001, de " rentes indues " par le président de la Commission de Régulation de l’Energie, instance indépendante mais inutile, en l’occurrence. Il y a donc tout lieu de penser que ce programme d’investissement se réalisera[4].

Qu’en résultera-t-il ?

l’immobilisation d’environ 27 milliards d’euros pour la réalisation dudit programme, rendus indisponibles pour d’autres investissements plus éfficaces l’érection d’environ 10 000 mâts de plus de 100 mètres de hauteur un transfert de 4 milliards d’euros[5] par an au profit des opérateurs d’éoliennes, dès 2016, au détriment des consommateurs domestiques (qui verront leurs factures augmentées de près de 20% de ce seul fait) sans que ceux-ci en sachent rien, et, a fortiori sans qu’ils soient consultés. Et encore :

ce programme considérable suscitera, évidemment, la colère dans les campagnes, malgré les largesses des promoteurs à l’égard des décideurs locaux (élus, fascinés par la taxe professionnelle afférente, et propriétaires fonciers, dont les loyers s’envolent) et les mesures de dissuasion envers les opposants (loi du 16 juillet 2006 modifiant le Code de l’urbanisme et stipulant qu’une association locale ne pourra ester en justice contre tout projet, notamment l’implantation d’éoliennes, qu’à condition d’avoir été créée avant la demande de permis de construire) ; ce développement ne créera que de façon marginale des emplois permanents (4 000 pour la maintenance ), la plupart des machines venant d’Allemagne, Danemark, Espagne ou Etats-Unis, car la France n’a aucun constructeur à la hauteur des Enercon, REpower, Vestas, Gamesa ou General Electric cet énorme parc éolien ne dispensera pas de construire d’autres moyens de production (centrales à base de combustibles fossiles ou centrales nucléaires) car, en France, le vent ne souffle qu’un jour sur quatre ; et tout cela ne réduira pratiquement pas nos émissions de gaz à effet de serre puisque, actuellement, 95 % de notre électricité provient des centrales hydrauliques (13 %) et nucléaires (82 %)[6][7]. L’objectif gouvernemental sera peut-être atteint, en termes de pourcentage d’énergie renouvelable produite.

La qualité de notre air n’en sera pas améliorée pour autant.

C’est ainsi qu’une louable intention écologique donne(ra) lieu à une discrète mais énorme extorsion de fonds.

Sauvons le Climat " appelle à un moratoire sur la mise en oeuvre de l’Obligation d’Achat pour les nouvelles éoliennes, dans l’attente de l’organisation d’un débat national sur ce sujet.

Bien entendu, il devrait rester possible de construire des éoliennes mais sur une base purement volontaire, leur production étant vendue dans les conditions normales du marché.

Un tel débat permettrait, en outre, de rendre plus transparent ce secteur, particulièrement opaque.

Notes [1] Les " dispatchers " d’EDF qualifient l’énergie éolienne de " fatale " (à prendre quand elle vient), par opposition à l’énergie produite par d’autres centrales (fossiles, fissiles ou hydrauliques de réservoir) dite " dispatchable ". Dans l’équilibre production - consommation que RTE doit assurer à tout moment, quelles que soient les variations de consommation, l’éolien ajoute un aléa de production : il complique donc la donne, ce dont se plaignent d’ailleurs les gestionnaires de réseaux d’Europe Centrale, souvent envahis par les électrons excédentaires des " fermes " danoises ou allemandes.

[2] Sauvons le climat, Points de vue des signataires, Opinions et Réflexions, Analyse économique critique du programme éolien français

[3] Le Point du 4 août 2005

[4] Le Canard Enchaîné du 9 août 2006

[5] Calcul effectué sur la base d’une production annuelle de 46 TWh, dont 33 d’éolien terrestre payé 84 Euros 2007/MWh et 13 d’éolien offshore au prix de 133 Euros 2007/MWh. Nous avons déduit du prix d’achat forcé de l’électricité éolienne le coût du combustible nucléaire évité soit 0,5 G Euros.

[6] Sauvons le climat, Points de vue de Sauvons le Climat, Documents, Les Sources d’énergie, Eolien et Système de production d’électricité

[7] Sauvons le climat, Points de vue de Sauvons le Climat, Documents, Les Sources d’énergie, Contribution des éoliennes aux émissions de gaz à effet de serre Sauvons Le Climat www.sauvonsleclimat.org


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