Justice et violence sociale au Moyen Âge (Nouveautés Histoire)

mardi 25 mai 2010.
 

Le Dernier Duel, Paris, 29 décembre 1386, Un Moyen Âge pour aujourd’hui. Violences souveraines au Moyen Âge, travaux d’une école historique. Ouvrage collectif. PUF, 20 euros ;d’Éric Jager, traduit par Laurent Bury. Éditions Flammarion, 2010, 21 euros ; Mélanges offerts à Claude Gauvard. 
Éditions PUF, 70 euros ; Une histoire pour un royaume 
(XIIe-XVe siècle). Actes du colloque Corpus regis organisé en hommage à Colette Beaune. Éditions Perrin, 35 euros.

Ces quatre volumes différents proposent au lecteur curieux ou en quête d’information et de sujet de réflexion, un beau panorama de ce qu’est la production historique. Le livre d’Éric Jager raconte, avec force détails authentiques, un combat judiciaire : duel entre l’accusateur et l’accusé ; celui qui en triomphe prouve qu’il a dit la vérité. Si l’accusateur est vaincu, il subit alors le châtiment suprême pour avoir menti. C’est une vieille pratique dite du jugement de Dieu, que les magistrats, au cours du Moyen âge, n’employaient plus guère, vu son côté aléatoire et inique. Mais comme elle n’avait pas été supprimée, ce qui aurait conduit à contester que Dieu puisse intervenir directement pour faire triompher la vérité, un seigneur normand, Jean de Carrouges, qui depuis des années se querellait avec un autre seigneur normand, Jacques Le Gris, obtint d’y avoir recours légalement. Sur un fond de vieilles rancunes et de rivalités, il accusait Jean Le Gris d’avoir violé son épouse alors qu’il était absent de son château. Le duel enfin accordé par le Parlement de Paris devint une « affaire » qui passionna la capitale, qui se termina par la mort de l’accusé, lavant ainsi l’honneur de Jean de Carrouges et de son épouse, tous deux ayant risqué la mort infâme si Jean La Gris l’avait emporté. Cette histoire fut ensuite racontée et embellie dans des contes et des récits. Éric Jager, en la retraçant le plus exactement possible, la replonge dans le monde médiéval qui plaît tant aux raconteurs d’histoires d’aujourd’hui mais qui est ici documenté, ce qui n’enlève rien au suspense qu’il a su retrouver et offrir à un large public.

Les trois autres volumes sont constitués d’articles assez courts réunis par un thème que signale le titre et qui sont offerts en hommage à un historien, en l’occurrence, à deux historiennes. Spécialistes de l’histoire de France à la fin du Moyen âge, l’une et l’autre l’éclairent de manière différente mais complémentaire. Colette Beaune a analysé la formation de la nation et les aspects contrastés de l’évolution du pouvoir royal. Claude Gauvard a choisi l’approche par la justice, ses applications concrètes, ce qu’elle révèle sur la société où elle s’exerce. Si ces livres, certes orientés vers les historiens professionnels, peuvent attirer un plus vaste public, c’est que chaque article peut être lu séparément. Notamment les deux volumes offerts à Claude Gauvard apportent toutes sortes de récits à partir d’affaires particulières mais ces faits divers sont expliqués et remis dans leur contexte, ce qui soutient l’intérêt pour un lecteur d’aujourd’hui. Comprendre ainsi comment était vécue la justice à la fin du Moyen Âge, y découvrir les hommes face à la violence et les juges exerçant la répression de la loi n’est peut-être pas inutile aux discussions contemporaines sur ces sujets. En bref, la production historique est assez variée pour répondre aux besoins et aux envies de tous ceux qui ne cherchent pas dans l’histoire des leçons ou des recettes mais qui y trouvent de quoi nourrir leur intelligence et enrichir leur propre réflexion.

Simone Roux, historienne


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