Capitalisme et Coupe du monde de foot en AFRIQUE (par Foot Solidaire)

samedi 12 juin 2010.
 

1) KEN BATES : « LES JEUNES JOUEURS SONT VENDUS COMME DU BETAIL »

La FIFA vient de frapper du poing sur la table en matière de protection des mineurs et des clubs formateurs en sanctionnant pour la première fois un club convaincu d’avoir utilisé des méthodes illicites pour recruter un jeune joueur.

En effet, le Chelsea FC vient d’être interdit de recrutement jusqu’en 2011 par la fédération internationale pour avoir forcé le jeune Gaël Kakuta à rompre son contrat avec son club formateur, le Racing Club de Lens ! L’association Foot Solidaire se réjouit de cette décision et a adressé un message en ce sens au Président de la FIFA.

Réagissant à cette sanction, Ken Bates, l’ancien président de Chelsea, dans un article paru sur rmc.fr, a affirmé que les « les grands clubs dévalisent les petits clubs de leurs jeunes joueurs. Ils agissent comme des chalutiers de pêche japonais qui ramassent tout avec leurs filets. A l’heure actuelle, certains de ces jeunes sont vendus comme du bétail. »

Une affaire similaire risque de faire du bruit prochainement, celle opposant le Havre Athletic club (L2) au club anglais de Manchester United à propos du jeune Pogba, recruté alors qu’il avait paraphé un contrat de non-sollicitation avec le club normand. Il faut dire que les méthodes de recrutement des grands clubs sont très persuasives : un gros chèque aux parents et des avantages en nature et le tour est joué…au détriment des clubs formateurs et de l’éthique sportive.

Le club londonien a malgré tout décidé de faire appel auprès du Tribunal arbitral du Sport.

2) Que peut cacher l’effet Coupe du monde ? On ne peut laisser se développer le trafic d’enfants par le football

Jean-Claude Mbvoumin, président de l’association Foot solidaire (*)

La Coupe du monde de football débute dans moins d’un mois en Afrique du Sud : la fête du football va tenir en haleine des milliards de passionnés à travers la planète. Pourtant, derrière cet événement que l’on voudrait avant tout festif, ce sont un trafic d’enfants et un exode sans précédent de jeunes footballeurs qui se préparent. Les arnaques aux recrutements dues à « l’effet Coupe du monde » vont ainsi ruiner de nombreuses familles et mettre en danger la vie de milliers d’enfants rêvant d’une carrière de footballeur en Europe. De jeunes joueurs africains, vivant aujourd’hui dans leurs pays, pourraient se retrouver d’ici quelques mois livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris, Marseille, Lyon et d’autres grandes villes européennes.

La Coupe du monde de football 2010 va également consacrer la course au recrutement de jeunes talents en Afrique. Les grandes manœuvres ont commencé depuis quelques années avec la création ici et là d’académies privées bien structurées, le financement de grands projets de développement par le sport, la mise en place de partenariats entre académies africaines et clubs européens, la délocalisation de la formation en Afrique par les clubs européens. Force est de constater que le but de ces projets n’est pas de profiter aux populations locales, aux petits clubs formateurs qui sont dépossédés de leurs meilleurs jeunes joueurs et qui, au final, ne bénéficient d’aucune retombée positive. Négligeant l’immense majorité des pratiquants, cette orientation élitiste est résolument tournée vers la vente de joueurs à l’étranger, alors que les championnats locaux s’appauvrissent et ne permettent pas de stabiliser les jeunes joueurs.

Puisque cette approche prédatrice de la formation ne profite qu’à une minorité, elle détruit systématiquement le tissu sportif local, entraîne une déscolarisation massive des enfants pratiquants et jette les moins doués sur les routes dangereuses de la migration clandestine. Contrôlée par une réglementation réellement appliquée, l’arrivée des jeunes joueurs africains en Europe aurait de nombreux points positifs pour tous : réussite sociale des joueurs africains, retombées économiques et financières pour les clubs formateurs et les populations, amélioration par l’échange mutuel des résultats des sélections africaines, mais aussi des clubs européens. C’est pourquoi l’association Foot Solidaire lance une campagne de prévention, pour échanger en Afrique avec les acteurs du football local sur la nécessaire réorientation des stratégies et des pratiques et pour informer les jeunes et les familles sur les dangers des filières de recrutement non officielles. Il ne s’agit pas de sombrer dans l’alarmisme, à l’aube d’un événement que chacun voudrait bénéfique pour l’image de l’Afrique. Mais la réalité du terrain est là, têtue, et il serait indécent de faire comme si tout allait bien, comme si la seule organisation de la Coupe du monde en Afrique suffisait à résoudre les problèmes. L’avenir de millions d’enfants est en jeu. On ne peut laisser se développer le trafic d’enfants par le football, ou accepter comme une fatalité de voir la vocation éducative et sociale du football dévoyée, la protection des mineurs instrumentalisée ou vidée de sa substance.

Stopper le trafic est aussi de la responsabilité des gouvernements des États d’origine et d’accueil : leur action d’autorités de tutelle est indispensable. Pour ce faire, ils pourront s’appuyer sur une réglementation que les organisations internationales de défense des enfants et de protection de leurs droits n’ont de cesse de promouvoir. Mais c’est seulement ensemble que nous pouvons inverser la tendance, impulser une nouvelle dynamique pour la protection des jeunes footballeurs en Afrique, pour permettre à ceux qui arrivent en Europe, dans nos clubs, de bénéficier d’une meilleure intégration et d’éviter d’être marginalisés lorsqu’ils sont rejetés par l’élitisme du système.

3) « Gagner en Afrique avec l’Afrique »

Tel est le titre donné au programme de développement de la fédération internationale de football association pour l’Afrique, à l’occasion de la coupe du monde sud-africaine ; ce programme lancé en 2006, prévoit entre autre la construction de terrains de football synthétiques dans 52 pays africains et la formation de cadres dirigeants du football. Plus qu’un programme technique et pédagogique, « Gagner en Afrique avec l’Afrique » est un appel à la mobilisation pour le développement du football sur le Grand continent...

Au-delà des formules, comment gagner le pari du développement de l’Afrique en général, de ses footballs en particulier ?... Nelson Mandela, légende vivante, ne dit-il pas un jour que ceux qui travaillent pour l’Afrique sans les Africains travaillent contre l’Afrique ? Les succès à venir ne seront donc durables que si les forces vives du continent y sont effectivement associées, ce qui peut sembler aller de soi.

Gagner en Afrique avec l’Afrique, pour Foot Solidaire suppose stabiliser ses jeunes sportifs, leur offrir localement des opportunités éducatives et professionnelles et les protéger du football miroir aux alouettes, qui laisse chaque année sous les ponts et sur les quais des gares d’Europe, de nombreux apprentis footballeurs attirés par les lumières du football.

Pour sa part, Foot Solidaire s’approprie d’ores et déjà la coupe du monde 2010. L’objectif est d’en faire un outil durable de prévention et de protection des jeunes footballeurs africains, d’éradiquer le trafic et l’exploitation de ces enfants. L’association lance ainsi début 2010 une grande campagne de prévention en direction de plusieurs pays africains, avec création de Bureaux d’information pour les jeunes footballeurs. Toutes les informations sur ce projet vous seront délivrées sur ce site.

Par Jean-Claude MBVOUMIN


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