Quel avenir pour le Front de Gauche ? Lettre de Gauche Unitaire au PCF (copie au PG)

dimanche 6 juin 2010.
 

Le 12 mai, Marie-George Buffet et Pierre Laurent écrivaient une lettre à leurs partenaires du Front de Gauche. Après la réponse du Parti de Gauche, voici celle de Gauche Unitaire.

À Marie-George BUFFET et Pierre LAURENT

À la direction du Parti communiste français

Copie à la direction du Parti de gauche

Chère Marie-George,

Cher Pierre,

Chères et Chers Camarades,

Nous avons bien reçu votre courrier à vos « deux partenaires du Front gauche ». Nous enregistrons positivement son approche générale et remarquons une nouvelle fois à quel point Parti communiste, Parti de gauche et Gauche unitaire formulent des propositions convergentes. Cela nous conforte dans le sentiment que la démarche qui nous rassemble depuis les élections européennes doit non seulement se poursuivre mais s’approfondir.

Comme nous n’avons cessé de le dire, les uns et les autres, la crise du capitalisme n’est nullement achevée. Son rebondissement présent, sous l’impact de l’offensive spéculative frappant l’ensemble de la zone euro et des plans d’austérité saignant les peuples à blanc, est annonciateur de catastrophes et de régressions. Le modèle néolibéral affiche désormais sa faillite, il génère un peu partout convulsions sociales et instabilité politique, sa logique de concurrence effrénée va même jusqu’à menacer maintenant l’Union européenne de désagrégation. Ce qui n’empêche pas les gouvernements du continent, toujours aussi prompts à satisfaire les exigences des marchés financiers, à promettre du sang et des larmes à leurs citoyens.

Cette situation, lourde de dangers pour les peuples et la démocratie, appelle à gauche des réponses radicales. Des réponses qui contestent sur le fond les dogmes de la concurrence généralisée, du libre-échangisme intégral, de la liberté absolue de circulation des capitaux, de la course au rendement maximal pour les actionnaires. Pour répondre aux attentes et à la souffrance sociales, telles qu’elles se sont manifestées à l’occasion des régionales, il ne suffira pas d’infléchir à gauche les discours, de vouloir corriger à la marge les vices internes du capitalisme et de la financiarisation de l’économie. Il ne suffira pas d’en appeler à une « gauche solidaire », en croyant ainsi canaliser l’aspiration unitaire qui a permis la victoire sur la droite en mars dernier. Il faut abandonner totalement le logiciel social-libéral qui a conduit la gauche à toutes ses défaites des trente années écoulées. Il faut refuser de suivre MM. Papandreou, Socrates, Zapatero, Strauss-Kahn dans leur servilité à l’égard des marchés financiers. Il faut sortir de ces ambiguïtés qui voient, encore aujourd’hui, la direction du Parti socialiste refuser le recul de « l’âge légal » de départ à la retraite tout en voulant encourager les salariés à travailler plus longtemps pour avoir la meilleure pension possible. Faute de quoi, à l’image de ce que nous voyons en Grèce, les promesses d’un discours auront tôt fait de laisser place aux plus dramatiques impasses.

La gauche qu’il nous faut ici reconstruire doit oser affronter le dogme libéral dominant, poser la question fondamentale de la redistribution des richesses, afficher sa volonté de reprendre la main sur l’économie grâce à la renationalisation des grandes banques, avancer l’objectif d’une réappropriation publique des secteurs d’activité correspondant à des besoins fondamentaux des populations, rompre avec le présidentialisme à travers l’exigence d’une VI° République, ne pas se dérober à la sortie indispensable du traité de Lisbonne qui menace jusqu’à l’idée européenne elle-même.

Notre Front de gauche peut et doit être l’artisan de l’affirmation d’une telle gauche, qui affiche son ambition de conquête d’une majorité à gauche et dans le pays. Après s’être installé comme un nouvel acteur incontournable du paysage politique français, il lui faut à présent franchir une nouvelle étape de son action.

Pour dépasser une existence rythmée par les seules échéances électorales, il doit devenir un instrument permanent de construction d’une alternative à gauche, un vrai front politique et social. Parce qu’avant 2012, l’issue de l’affrontement avec la droite et le Medef se joue dès à présent sur le terrain social, il lui faut construire sa présence systématique dans les mobilisations. Les occasions ne manqueront pas, dès les prochaines semaines, du combat fondamental pour la défense de la retraite à 60 ans et à l’engagement dans la réussite de la jjournée du 27 mai aux luttes contre les plans de licenciements, de la bataille pour sauvegarder et étendre le service public à la campagne qu’il nous faudrait organiser en commun – cinq ans après la victoire du « non » au traité constitutionnel européen – en faveur d’une refondation sociale et démocratique de l’Europe.

Pour ne pas demeurer un simple cartel de sommet, il lui faut encore s’ouvrir à toutes celles et tous ceux qui partagent sa démarche de construction d’une perspective à vocation majoritaire au cœur de la gauche, en faisant bouger les lignes au sein de cette dernière. Cela requiert notre capacité collective à donner toute leur place aux syndicalistes, militants associatifs, acteurs du combat culturel dont l’expérience sera précieuse à l’élaboration d’un projet neuf et mobilisateur. Cela implique de s’élargir aux composantes politiques qui partagent la démarche du Front de Gauche. Cela passe également par l’enclenchement d’une dynamique militante et populaire de terrain, que pourrait par exemple favoriser la tenue d’assemblées locales régulières de débat, ouvertes à toutes celles et tous ceux qui souhaiteraient s’y impliquer sans nécessairement adhérer à l’une de nos trois composantes.

Pour donner sa pleine cohérence à son action, il doit aussi, selon nous, se doter rapidement d’une plate-forme partagée et porter dans le débat public, en direction du peuple de gauche et de l’électorat populaire, la proposition politique susceptible de répondre aux attentes du plus grand nombre et d’ouvrir le chemin à un total bouleversement des orientations suivies à la tête du pays : ce que nous désignons, pour notre part, sous le terme de « nouveau Front populaire », en rupture franche avec les errements passés du social-libéralisme, s’appuyant en permanence sur la mobilisation du peuple, capable de faire converger les réflexions existantes dans le mouvement social et sur le champ politique.

À cet égard, la « grande campagne de rencontres publiques locales » et les « initiatives de dialogue ciblées avec des syndicalistes, des intellectuels » que vous évoquez pourraient et devraient culminer dans la construction de véritables Assises du Front de gauche d’ici la fin de l’année ou au début de 2011. Nous vous soumettons de nouveau cette idée, comme nous le faisons également auprès de nos camarades du Parti de gauche.

Cette démarche, partant des besoins de dynamisation de notre construction commune, fondée sur l’élaboration de perspectives à la hauteur du défi d’ampleur historique posé aujourd’hui à la gauche soucieuse de redevenir la gauche, doit naturellement se concrétiser à l’occasion des échéances électorales qui vont se succéder d’ici 2012.

Comme vous le suggérez, après avoir affronté conjointement les rendez-vous des européennes et des régionales, il serait difficilement compréhensible que nous ne relevions pas ensemble le défi des élections cantonales, sénatoriales, présidentielle et législatives. La démonstration nous semble désormais faite : séparés, nous ne pouvons, les uns et les autres, peser réellement sur la situation, donner de la force et du rayonnement à nos idées. La méthode pour parvenir à des présentations communes doit, naturellement, prendre en compte les implantations déjà existantes et faire simultanément en sorte que de nouvelles avancées de notre influence collective puissent effectivement bénéficier à chacune de nos formations.

S’agissant précisément de 2012, nous sommes favorables à la « candidature de rassemblement » que vous nous invitez à examiner dans votre courrier, sachant que de notre aptitude à porter un « projet partagé » à l’élection présidentielle découleront non seulement la hauteur de nos ambitions aux législatives, mais la pérennisation même de l’espoir que nous avons éveillé par notre convergence. Examinons donc sans tabou les questions posées, la candidature la mieux à même de représenter la diversité et le souci d’élargissement de notre front, autant que la méthode susceptible de nous amener à des décisions communes dans l’année qui vient.

Voilà, Chère Marie-George, Cher Pierre, Chères et Chers Camarades, les réflexions que nous inspire votre courrier.

Comme nous avons eu l’occasion de le suggérer à plusieurs reprises déjà depuis les régionales, il nous apparaît d’une grande urgence que puisse à présent se tenir une réunion, au plus haut niveau, des représentants de nos formations.

Bien fraternellement à vous.

Pour la Gauche Unitaire,

Christian Picquet

Alain Faradji


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