Sarkozy sur France 2 : un président à terre (article national du PG)

vendredi 16 juillet 2010.
 

Il n’est jamais bon pour un président de parler sous la contrainte. Surtout quand il répète devoir « garder son sang-froid ». Nicolas Sarkozy a dû se plier à l’interview menée par David Pujadas, lundi 12 juillet sur France 2, à cause des développements de l’affaire Bettencourt-Woerth et pressés par des élus de sa majorité de s’exprimer. Il y avait urgence car les fondamentaux du sarkozysme tremblent sur leurs bases, je veux parler du règne de l’argent décomplexé imposé depuis 2007 jusque dans le style présidentiel et de la « réforme » des retraites pilotée par une droite revancharde pour mettre à bas une des grandes conquêtes sociale de la gauche.

Rappelons-nous seulement que le président Sarkozy fraîchement élu avait mis un point d’honneur à supprimer la traditionnelle interview élyséenne du 14 juillet. Voyons comment il vient de supprimer la garden-party et ses fastes qui siéent mal au regard des efforts demandés au peuple. Or le président Sarkozy se trouve convoqué aux postes de télévision un 12 juillet et nous offre des images d’une pelouse vide derrière lui. Avec un président qui a perdu la main, désormais tout devient possible.

L’émission de lundi soir fut certes un exercice convenu mais qui nous livre des enseignements précieux sur l’état de faiblesse de l’exécutif. Observons le dispositif préparé par les communicants : c’est celui classique de l’entretien en face à face avec un journaliste courtisan dont on sait qu’il posera les quelques questions qui fâchent sans jamais entrer dans le détail des arguments. Comme ils paraissaient petits tous les deux, assis au bord d’une immense table, si l’on songent aux soubressauts de l’Histoire qui nous vivons. Le décor choisi pour cet exercice télévisuel est assez improbable : à l’heure où les français qui le peuvent profitent des vacances ou d’un barbecue dans le jardin, le président a cru devoir se mettre au frais sur une terrasse un peu recluse de son château, dos à la pelouse en contrebas cependant que le journaliste est dos au mur. Et comme il fut long aux nerfs du président cet entretien prévu pour durer un heure et déborda d’une dizaine de minutes encore !

Voyons le détail. Quatre parties pour le contenu : l’affaire Bettencourt-Woerth, le dossier des retraites, la défense de ceux qui font entrer de l’argent, les thématiques sécuritaires. Quand à la forme du face à face entre hommes, le match a eu lieu. Il s’est déroulé en deux parties : le président s’est efforcé de paraître calme puis, piqué au vif par la formule de Pujadas « n’apparaissez vous pas comme le président des riches ? », le président s’est montré agressif et n’a plus contrôlé le « timing » de l’entretien.

Paraître calme est un défi permanent pour Sarkozy. Les images de France 2 nous montraient un président qui se fait des cheveux blancs, à la voix anormalement basse, au débit lent, les yeux souvent baissés vers la table, comme las d’être obligé de justifier une politique de classe. A plusieurs reprises il marque une pose présidentielle avant de dire : « Non ». « Non », il ne reviendra pas sur le bouclier fiscal, sur l’effort demandé au plus grand nombre de travailler plus longtemps, sur les mesures de « justice » pour faire cotiser davantage les fonctionnaires, sur les suppressions de postes dans la fonction publique, sur... sur... « Non » il ne laissera pas salir l’honneur d’un homme, Eric Woerth, nouveau « meilleur d’entre nous » de la droite dans ses bottes, « lavé de tout soupçons » par le rapport de l’IGF. « Non » il ne laissera pas salir l’immense fortune de la famille Bettencourt, qui rapporte tant de millions d’impôts et à qui le bouclier rétrocède un chèque de 30 millions d’euros. « Non » les manifestants de septembre ne feront pas reculer le gouvernement, etc. On connaît ces postures de matamore se fracassant sur le mur des événements.

Car la vérité crue, « non pas la sienne » mais celle de tout un peuple dont le génie est plus que froissé par tant de désinvolture, se révèle chaque jour qui passe. David Pujadas commet la formule de lèse-majestée. Oui, Nicolas Sarkozy est « le président des riches ». Oui, le bonimenteur de 2007 qui nous vendait ses heures supplémentaires a fait long feu. Oui, l’avion présidentiel et son four à pizzas ne décollera plus. Le sarkozysme est à terre et la colère gronde !

David Pujadas a fait mouche, car les meilleurs journalistes ne laissent pas d’avoir des sentiments : il n’a pas aimé que le président le contraignent à répondre « non » à la question de savoir si son nom était cité dans les témoignages de l’ex-comptable Claire T. Il attaque donc : « président des riches ». Sarkozy encaisse le coup : « posez des questions et ne vous laisser pas aller à des formules... » Mais le coup est parti et c’est toute la geste présidentielle qui s’égare : buste penché sur la table, machoirés serrés, regards assassins, index pointé, poings menaçants mêmes, rougeur au front. Pujadas poussera l’avantage en parlant du « sarkozysme », un mot qui fait mal désormais aux oreilles des français. Le reste est à l’avenant et les clins d’oeils appuyés à destination de l’electorat traditionnel n’y feront rien.

Entendons tout de même la seule annonce élyséenne de cet entretien : la création d’un fichier pour les jeunes sorti à 16 ans du système scolaire et dont le pouvoir ne sait ce qu’ils deviennent. « Un fichier sera créé et les jeunes seront obligés soit de suivre une formation soit d’avoir un travail » Allons bon ! Formation et travail obligatoire par temps de stages et de chômage de masse. Avec de tels projets, on se dit que le président Sarkozy a perdu les pédales.


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