« Liliane Bettencourt doit être entendue en garde à vue... L’autonomie du procureur Courroye, c’est une fadaise... une obstruction à la justice » (interview dans Le Parisien)

mercredi 21 juillet 2010.
 

Maître Antoine Gillot est l’avocat de la comptable Claire Thibout et du majordome Pascal Bonnefoy, deux personnages clés de l’affaire Bettencourt. Il réclame le placement de la milliardaire en garde à vue.

LE PARISIEN : Quatre proches de Liliane Bettencourt ont été entendus, plus de 35 heures, par les enquêteurs de la brigade financière. Qu’en retenez-vous ?

ANTOINE GILLOT : Au risque de choquer, la question fondamentale me semble être celle-ci : pourquoi le parquet de Nanterre n’a-t-il toujours pas entendu Mme Liliane Bettencourt sous le régime de la garde à vue ? Son avocat, Maître Georges Kiejman, passe son temps à dire qu’elle est en pleine forme et qu’elle a toute sa raison. Le parquet a rejeté la plainte pour « abus de faiblesse » déposée par sa fille. Mme Bettencourt elle-même reconnaît qu’elle a commis une fraude fiscale et a annoncé qu’elle rapatrierait ses fonds en Suisse. Et on ne l’interroge pas ? Et on ne la met pas en garde à vue ?

Pourquoi, selon vous ?

Je vois deux raisons. La première, c’est que Liliane Bettencourt fait partie, en raison de ses liens avec le président de la République, de la caste des intouchables. Comme l’a révélé ma cliente Claire Thibout, l’héritière de L’Oréal est un des principaux bailleurs de fonds de l’Etat UMP. Elle a été reçue à l’Elysée alors que la procédure engagée par sa fille était toujours en cours. Les liens qu’elle entretient avec le plus haut sommet de l’Etat expliquent la mansuétude dont elle fait l’objet.

Et la deuxième raison ?

Le procureur Philippe Courroye est, au fond, convaincu que cette vieille dame de 87 ans est affaiblie. Il sait que, face aux enquêteurs de la brigade financière, sa fragilité risque d’éclater au grand jour. En limitant ses auditions aux quatre collaborateurs de la milliardaire, il reconnaît implicitement qu’elle est vulnérable. Et si d’aventure il se contentait d’entendre Liliane Bettencourt chez elle, sans la soumettre au régime de la garde à vue, ce serait bien la preuve qu’il entend la ménager.

Vous ne croyez pas à l’autonomie du procureur Philippe Courroye ?

C’est une fadaise ! Dans cette affaire, le parquet se décrédibilise chaque jour un peu plus. Les écoutes pirates ont été révélées il y a un mois. Immédiatement, Philippe Courroye a placé en garde à vue le majordome, qui les a réalisées. La comptable, Claire Thibout, a également subi le même sort. En revanche, le procureur a attendu jeudi dernier pour entendre les principaux protagonistes de ces enregistrements. Cela a laissé beaucoup de temps à ces personnes pour mettre les documents les plus compromettants à l’abri !

Que souhaitez-vous ?

Il est urgent qu’une instruction indépendante soit enfin confiée à un juge. Il y a tellement d’investigations à mener.

En ce cas, pourquoi ne déposez-vous pas une requête en suspicion légitime contre Philippe Courroye ?

Pour l’instant, aucun de mes clients n’est poursuivi. Ils ont tous été entendus comme témoins. Ce n’est donc pas à moi de faire une telle démarche.

Qui doit la faire ?

Il faudrait poser la question à Maître Olivier Metzner, l’avocat de la fille de Liliane Bettencourt. De mon côté, je demande solennellement à Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, d’intervenir. Il doit être mis fin à ce déni de justice. Dans cette affaire, le procureur Philippe Courroye a choisi son camp. Ce n’est pas celui de la vérité. Vendredi dernier, il s’est encore illustré en refusant de transmettre la transcription des écoutes à la juge Isabelle Prévost-Desprez. Ce que fait ce procureur porte un nom, c’est une obstruction à la justice.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message