La Grande Régression ( ce nouveau livre de Jacques Généreux est paru)

mercredi 24 novembre 2010.
 

1) Le capitalisme financier de notre temps déploie une dynamique qui mène le monde à la ruine de l’écosystème et à la catastrophe politique

par Jean-Luc Mélenchon

Comme vous ne pouvez l’ignorer, compte tenu du barouf, mon livre « qu’ils s’en aillent tous, vite la révolution citoyenne », est en librairie et grands points de vente depuis le 13 octobre. En même temps est paru le 15 octobre, aux Éditions du Seuil, celui de Jacques Généreux, « La grande régression » (277 pages, 18 €). Jacques Généreux a déjà publié plus d’une vingtaine d’ouvrages. Longtemps militant au Parti socialiste, il a participé en novembre 2008 à la fondation du Parti de Gauche., Il était tête de liste du « Front de gauche » aux dernières élections européennes. Il est aujourd’hui Secrétaire national à l’économie de notre parti. Ceux qui veulent mieux comprendre la cohérence de l’orientation de l’équipe nationale des animateurs du Parti de gauche doivent savoir que les deux livres se lisent à l’intérieur d’une seule argumentation. En résumé, très sommaire : le capitalisme financier de notre temps déploie une dynamique qui mène le monde à la ruine de l’écosystème et à la catastrophe politique. Il faut en finir avec lui. Nos deux livres expliquent. L’un (le sien) dit pourquoi, l’autre (le mien) dit comment. Voici comment Jacques Généreux présente son travail. « Durant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents ; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la « Grande Régression « qu’il est temps de nommer et de se représenter pour pouvoir la combattre. »

Sous le nom de « Grande Régression », Jacques Généreux caractérise, un moment charnière de l’histoire moderne, qui s’étend des années 1980 à nos jours. La grande régression c’est « le moment où, à rebours de ce qu’avaient jusqu’alors entrepris toutes les sociétés (primitives, traditionnelles ou modernes), on a commencé d’abolir les limites territoriales, politiques et morales qui limitaient le mobile de l’intérêt personnel et le pouvoir de l’argent. » Cette bifurcation de la civilisation commence avec la victoire des néolibéraux qui livrent le monde à la libre compétition des intérêts et au pouvoir exorbitant des gestionnaires de capitaux. Elle se poursuit par un vaste mouvement réactionnaire qui répond au désordre économique, social et moral engendré par le néolibéralisme. La mondialisation du « modèle » néolibéral était censée diffuser partout les acquis de la modernité occidentale. En réalité elle déconstruit ces acquis dans le monde occidental lui-même. « La promesse du progrès s’évapore dans l’autodestruction du système économique et le saccage des écosystèmes ; la cohésion sociale se dissout dans le culte du chacun pour soi, le communautarisme, l’incivilité, la ghettoïsation ; l’État de droit s’efface devant l’État privatisé au service d’intérêts particuliers ; la démocratie recule au profit d’un soft fascisme mêlant des politiques sécuritaires liberticides, le mépris du suffrage populaire, la manipulation de l’opinion, le gouvernement par la peur, etc. ; pour finir, l’obscurantisme, l’addiction aux marchandises ou encore la soumission des travailleurs progressent plus sûrement que l’autonomie des individus. » Jacques Généreux montre comment ces aspects si divers d’une crise de civilisation « font système ». « Après la Grande Régression, pourrait donc advenir une « Nouvelle Renaissance ». La seule question est de savoir si, pour cela, il nous faudra d’abord aller au bout de la régression, jusqu’à l’effondrement, ou « si des forces politiques authentiquement progressistes pourront opérer à temps la bifurcation démocratique qui nous sortira de la « dissociété de marché » pour renouer avec le progrès humain ».

Source : http://www.jean-luc-melenchon.fr/20...

2) Premières pages de mon prochain livre

par Jacques Généreux

Durant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents ; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la « Grande Régression » qu’il est temps de nommer et de se représenter pour pouvoir la combattre.

Car la première force des malades et des prédateurs qui orchestrent cette tragédie est leur capacité à présenter celle-ci comme le nouveau visage du progrès. Et leur première alliée, c’est la perméabilité des esprits stressés, trop heureux de s’accrocher à n’importe quelle fable qui fasse baisser d’un cran la pression et l’angoisse. À l’âge de la démocratie d’opinion, les réactionnaires ne peuvent se contenter de démolir l’acquis des luttes passées en faveur d’une vie meilleure pour tous ; il leur faut aussi anesthésier les résistances, susciter l’adhésion ou la résignation de leurs victimes ; ils doivent remporter une bataille culturelle dont l’enjeu est de nous faire aimer la décadence.

Ainsi espère-t-on, par exemple, nous persuader que la nécessité de « travailler plus pour gagner plus » est une avancée sociale, que le droit de renoncer volontairement à nos droits sociaux étend notre liberté, que la construction de prisons d’enfants améliore la sécurité, que l’expansion des biocarburants contribue au « développement durable », etc. Mais la substance réelle de ces soi-disant « progrès », c’est l’intensification du travail, la servitude volontaire, l’impuissance à éduquer mieux nos enfants et la destruction des forêts vierges ! Si nous laissons s’installer cette ultime perversion du discours politique, alors, à chaque fois qu’on nous annonce une « nouvelle liberté », il faut redouter une aliénation supplémentaire de nos droits, et chaque « réforme pour aller de l’avant » peut masquer un grand bond en arrière.

Il est aussi tant de régressions qui désormais avancent sans masque : les « démocraties libérales » laminent les libertés publiques, emprisonnent les enfants et les fous, envahissent des pays qui ne leur ont rien fait ; les travailleurs se tuent au travail littéralement et non plus seulement métaphoriquement ; le fondamentalisme religieux et l’obscurantisme prospèrent ; l’incivilité envahit les cours de récréation et les rues ; l’obscène cupidité des riches détruit les systèmes financiers et affame les pays pauvres, etc. Où que l’on porte le regard, on a toutes les chances de constater comme une inversion du mouvement, à rebours de ce que nous avions jusqu’alors appelé « le progrès ».

... à suivre


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