Les serpents sont en voie de disparition dans les pays de l’Union Européenne

samedi 9 septembre 2017.
 

Après les grenouilles et les abeilles, les serpents sont-ils à leur tour menacés de disparaître ? Selon une récente étude, plusieurs espèces communes sont en net déclin dans tous les pays où elles ont été recensées : en France, en Italie, au Royaume-Uni, au Nigeria, en Australie et donc sans doute dans d’autres régions du monde.

« Il est plus difficile de publier des travaux sur ces animaux, mal aimés par tradition académique et culturelle, que sur les mammifères. C’est pourquoi il existe si peu d’études à long terme sur les populations de serpents », affirme Xavier Bonnet, erpétologue au Centre d’études biologiques de Chizé (Deux-Sèvres) et cosignataire des travaux. Si partielles soient-elles, les données publiées dans la revue Biology Letters du 9 juin donnent un exceptionnel aperçu de la situation planétaire de ces reptiles.

En mettant en commun les résultats d’études antérieures sur dix-sept espèces de serpents, les chercheurs ont tout d’abord constaté, pour onze d’entre elles, une diminution continue des populations de 1998 à 2002. Sous la coordination de Christopher Reading, du Centre pour l’écologie et l’hydrologie de Wallingford (Grande-Bretagne), ils ont ensuite prolongé ce travail sur le terrain. Conclusion : le déclin des onze espèces déjà fragilisées s’est confirmé jusqu’en 2009, date des dernières observations.

Ces résultats sont d’autant plus alarmants que les serpents, d’ordinaire, résistent plutôt bien aux coups durs. « En France, par exemple, la canicule de 2003 n’a eu sur eux aucun impact particulier, détaille M. Bonnet. Ce sont des animaux qui vivent relativement longtemps (de dix à quinze ans), qui peuvent encaisser des hivers rigoureux, supporter les polluants comme les changements de régime alimentaire... Si des espèces de ce genre se mettent à perdre leurs effectifs, il y a vraiment de quoi s’inquiéter ! » Notamment pour la qualité de leur habitat, dont la dégradation constitue, pour les chercheurs, la principale responsable.

La preuve ? Pour les quatre espèces étudiées en France, dans la région Poitou-Charentes - la vipère aspic, la couleuvre vert et jaune, la couleuvre à collier et la couleuvre d’Esculape -, on observe un contraste flagrant entre aires protégées et non protégées. Dans les premières, incluses dans la forêt domaniale de Chizé, les populations sont restées stables au fil des ans ; dans les secondes, le déclin est systématique.

Pour se camoufler et se nourrir dans de bonnes conditions, les serpents ont besoin de zones denses en végétation et de proies en abondance : deux éléments qui manquent de plus en plus dans notre paysage rural. Les auteurs soulignent par ailleurs que certaines populations se sont également appauvries dans des zones préservées, ce qui laisse penser que la destruction de l’habitat n’est pas la seule cause de ce déclin.

Les serpents trouveront-ils leurs défenseurs ? Rien n’est moins sûr. Qui se souciera de la vipère aspic, dont les crochets venimeux et mortels peuvent mordre à la vitesse d’un dixième de seconde ? « Et pourtant, si on perd cette espèce, c’est l’horreur ! », insiste M. Bonnet.

Adepte des régions tempérées et méditerranéennes, très commune dans la majeure partie de la France et dans toute l’Italie, Vipera aspis est peu regardante sur son habitat. Haies, broussailles, anciennes carrières ou paysages montagneux : tout lui va, pourvu que la végétation soit buissonnante.

Si les conditions deviennent telles que ses populations se raréfient, cela signifie que des dizaines, peut-être des centaines d’autres espèces, moins adaptables qu’elle, sont aussi menacées. « Les gens ont tendance à se focaliser sur les espèces rares qui disparaissent, mais l’urgence, c’est de s’occuper de la biodiversité commune, dont les serpents sont des éléments typiques ! », poursuit le chercheur. D’autant qu’il est souvent simple, et peu coûteux, de prendre des mesures de sauvegarde. Par exemple ? Replanter des haies dotées d’un talus, afin de susciter leur peuplement par les petits animaux. Veiller à ce que les mares restaurées soient en connexion avec un roncier ou un muret de pierres, afin que les espèces qui détestent se déplacer à découvert puissent aller y boire.

Ou encore mettre en place, de part et d’autres des routes, des sites de ponte pour les serpents, afin que les femelles ne se fassent pas écraser avec leurs oeufs dans le ventre. Une mesure pratiquée depuis 2002 par les chercheurs de Chizé avec le concours de l’Office national des forêts (ONF) et qui, affirme M. Bonnet, « marche remarquablement bien ».

Catherine Vincent


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