Rudolf Sarközi  : « La situation faite en France aux Roms est une honte »

mercredi 8 septembre 2010.
 

Le porte-parole des Roms d’Autriche est conseiller municipal à Vienne. Il redoute que la campagne lancée par le président de la République française « ne soit le point de départ de nouvelles violences antiroms en Europe ».

Le professeur Rudolf Sarközi est le porte-parole des Roms d’Autriche. Sa quasi-homonymie avec le président français, qui s’est singularisé en lançant une offensive contre les Roms et tous les gens du voyage dont font partie les Tziganes de France, est sans doute anecdotique, mais elle souligne de façon symbolique l’absurdité consistant à vouloir diviser la population et à jeter à la vindicte populaire toute une partie de la société. En Europe centrale, notamment en Hongrie, le patronyme Sarközy ou Sarközi est assez répandu dans les familles roms.

« En Autriche, explique le président des associations culturelles et également conseiller municipal de Vienne sous l’étiquette du Parti social-démocrate (SPÖ), les Roms sont totalement intégrés dans la société. » Ils font partie depuis 1993 des minorités nationales (Croates, Tchèques Slovaques, Roms, Slovènes, Hongrois…) à qui la Constitution garantit le respect de leurs droits de citoyens. Cette notion de minorité nationale, qui n’a pas cours en France, s’explique là-bas par les leçons tirées de l’histoire de l’ancien empire des Habsbourg et d’une période plus récente, celle des persécutions nazies. Elle apparaît comme une garantie dans un pays où l’extrême droite raciste et xénophobe reste très active. Le poids de l’histoire est lourd  : le porte-parole lui-même est né le 11 novembre 1944 dans le camp de concentration de Lackerbach, dans le Burgenland, où sa famille était enfermée. Quelque neuf mille Roms ont été massacrés par les nazis sur les 12 000 vivant en Autriche avant la Seconde Guerre mondiale. Actuellement il y a environ 30 000 Roms largement sédentarisés dans un pays de 8,5 millions d’habitants.

Rudolf Sarközi insiste  : « Les Roms sont des citoyens des pays membres de l’Union européenne à part entière... Chacun de ces pays doit leur garantir l’intégralité du respect de leurs droits et l’Union européenne doit y veiller. Ce n’est donc pas une question strictement européenne, voire même “un problème” qu’une population errante et présentée comme extérieure poserait à l’Europe et auquel l’Europe devrait répondre. La situation sociale d’extrême précarité faite aux Roms en France, la politique d’expulsion sous la contrainte ou sur une base “volontaire” avec le versement d’argent de poche est à proprement parler une honte  », s’indigne Rudolf Sarközi. Cette manière de faire a cours dans d’autres pays européens, notamment en Italie, où des lois répressives et discriminantes se succèdent.

Le bilan dressé par le porte-parole des Roms autrichiens sur la situation actuelle dans son pays est nuancé. Toutefois, grâce aux mobilisations des associations, des acquis ont été obtenus, sur lesquels Rudolf Sarközi est très vigilant  : l’éducation des enfants pour lesquelles les familles doivent être aidées. L’État doit assumer ses responsabilités pour que les jeunes Roms puissent poursuivre leurs études, insiste ce fils de déportés qui commença son activité professionnelle à Vienne comme éboueur. Dans d’autres pays européens, comme la Hongrie et la Roumanie, la presse a beaucoup décrit des conditions déplorables, mais Rudolf Sarközi met en garde contre certaines simplifications mises en avant par les autorités françaises. Si le respect des droits, le recul de la précarité et de la misère est l’affaire des États nations qui ne sauraient se défausser sur les institutions européennes, le professeur Rudolf Sarkösi estime que l’UE doit exercer un contrôle plus sévère sur l’utilisation des fonds européens aux pays concernés.

Rudolf Sarközi redoute que la campagne lancée par Nicolas Sarkozy en France « ne soit le point de départ de nouvelles violences antiroms en Europe centrale. La semaine dernière, six d’entre eux ont été battus à morts à Bratislava, la capitale slovaque toute proche de Vienne », s’inquiète-il. Il est urgent que l’Union européenne obtienne de tous les gouvernements nationaux les respects des droits liés à la citoyenneté. Force est de constater, observe ce militant du SPÖ, que l’utilisation des thèmes racistes et xénophobes est le fait partout de gouvernements conservateurs. Les Roms ne sont pas les seuls à être montrés du doigt. « Ainsi aux Pays-Bas, le compromis politique de la majorité de droite s’est réalisé autour de la stigmatisation des musulmans. Autant dire que les forces de gauche en Europe doivent placer la question des droits de la citoyenneté au cœur de tout projet politique. »

Jean-Paul Piérot, L’Humanité


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