AFFAIRE WOERTH - Le "gendarme des écoutes" refuse de couvrir les services secrets.

samedi 18 septembre 2010.
 

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) refuse de couvrir les recherches effectuées sur le téléphone portable de David Sénat, le conseiller de Michèle Alliot-Marie.

En juillet dernier, Frédéric Péchenard, directeur général de la police et accessoirement ami d’enfance du Président, donne l’ordre à Bernard Squarcini, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur, (DCRI) d’identifier l’auteur des fuites dans la presse sur l’affaire Woerth.

Dans le collimateur de l’Intérieur : un article du Monde daté du 18-19 juillet qui reprend presque in extenso le procès-verbal d’audition de Patrice de Maistre. Un PV dans lequel le conseiller de Liliane Bettencourt révèle aux enquêteurs de la brigade financière avoir embauché l’épouse d’Éric Woerth à la demande de ce dernier. Un coup dur pour le ministre du Travail, en pleine négociation sur la réforme des retraites.

Très vite, David Sénat, le conseiller pénal du ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, se retrouve ciblé grâce à un "tuyau", comme on l’indique à la DCRI. Les appels entrants et sortants de son téléphone portable - les "fadettes", comme on les appelle dans le jargon policier - sont passés au peigne fin. On est alors dans le cadre d’une enquête administrative, c’est-à-dire non judiciaire.

Les contacts téléphoniques de David Sénat sont tous identifiés. Un nom, qui revient plusieurs fois, saute aux yeux de la DCRI : celui de Gérard Davet, le journaliste du Monde dont l’article a contrarié l’Élysée.

Secret défense.

La DCRI tient la preuve que David Sénat est bien l’auteur des fuites. Sauf que, d’après nos informations, les services de renseignement n’auraient pas respecté la procédure.

En effet, pour récupérer la fadette et identifier les numéros de téléphone, la DCRI, qui indique avoir agi dans le cadre d’"une atteinte à la sécurité nationale", devait solliciter l’avis de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Or, interrogé par Le Point, son délégué général, Rémi Risio, affirme que "si tel avait été le cas, la commission aurait donné un avis défavorable".

À chaque fois, la commission transmet les demandes qu’elle reçoit à Matignon. Au cabinet du Premier ministre de donner ou non le feu vert.

Matignon a-t-il vu passer la demande concernant le conseiller de MAM, et, si oui, la rue de Varenne aurait passé outre l’avis négatif ?

Contacté par Le Point, le service de presse du cabinet de François Fillon a refusé de répondre, invoquant le "secret défense" qui couvre les écoutes et les données de connexions - comme les fadettes - récupérées hors judiciaire.

Même refus Place Beauvau, qu’il s’agisse du cabinet de Brice Hortefeux, du patron de la police, ou de celui du renseignement.

En fait, selon nos informations, le ministère de l’Intérieur n’aurait jamais transmis à Matignon la moindre demande concernant le téléphone portable de David Sénat. La DCRI aurait donc travaillé en dehors des clous, en violant la loi de 1991 qui régit toutes les interceptions "administratives".

De son côté, le parquet de Paris ne mettra son nez dans l’affaire que le 4 août, en ouvrant une enquête préliminaire, suite à la plainte pour "violation du secret professionnel" déposée par Fabrice Goguel, l’ancien avocat fiscaliste de Liliane Bettancourt.

Et c’est le 7 septembre que le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, reçoit du patron de la police, Frédéric Péchenard, une note de la DCRI désignant le conseiller de MAM comme l’auteur des fuites.

Trois jours plus tard, Jean-Claude Marin se fendait d’une lettre pour demander à la DCRI des précisions sur la nature "des vérifications techniques" effectuées. Il attend toujours la réponse...


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