Exposition Claude Monet au Musée d’Orsay

dimanche 26 septembre 2010.
 

1) Claude Monet, tel qu’en lui-même et même plus

Après Picasso 
et les maîtres, 
le Musée d’Orsay et la Réunion des musées nationaux présentent la plus grande exposition en France du maître de l’impressionnisme.

Monet tout seul contre Picasso et les maîtres. Près de 800 000 entrées au Grand Palais pour le second, assisté d’Ingres, Vélasquez, Goya et de quelques autres premiers pinceaux. Quel sera le score de Monet, le possédé des nymphéas l’emportera-t-il sur l’aficionado des corridas  ? Réponse le 24 janvier. On cherche généralement une justification à une très grosse exposition. Les anniversaires, de la mort ou de la naissance, au choix, on finit d’ailleurs par les mélanger, y suffisent généralement. Ici, rien de cela. Mais, l’impressionnisme est porteur et Monet en particulier. Il n’en reste pas moins que cela fait plus de trente ans, comme le remarque Guy Cogeval, directeur du Musée d’Orsay et commissaire général de l’expo que l’on n’avait pas vu en France de grande manifestation consacrée à Monet.

Une explosion de couleur et de matière

Voilà donc un ensemble, qu’il faut bien dire tout à fait exceptionnel, de près de deux cents tableaux, venant des collections nationales, mais aussi de nombreux musées étrangers, voire de collections privées et que l’on découvre, parfois médusés. Ainsi de trois tableaux de 1920-1922, d’une même collection privée donc, deux Saule pleureur et un Pont japonais, peints à Giverny, et ce alors que Monet retrouve la lumière après son opération de la cataracte. C’est une explosion de couleur et de matière, un tourbillon de la forme, une euphorie panthéiste. On pense à Titien peignant à la fin de sa vie avec les doigts, aux derniers Picasso dans les séries des Mousquetaires. Étonnant, cet Effet de neige à Giverny, de 1893 et venant de la Nouvelle-Orléans, mais oui. Un tableau tout de blanc, presque minimal. Il y a les tentatives, parfois inabouties, et même des échecs. Dans la lumière du midi, Monet semble accablé par le soleil qu’il ne parvient pas à saisir. À Vétheuil, en 1880, avec La débâcle, temps gris, il s’essaye pour les blocs de glace à une touche puissante, brisée, presque géométrique, quand elle est plus généralement en entrelacs et virgules. Il y a les séries  : Peupliers, meules, cathédrale de Rouen, Vétheuil, Pourville et les falaises de craie de la côte picarde avec une Marée basse d’une beauté sereine quand exactement à la même période (1882) les Falaises de Dieppe suscitent le vertige…

Grand saut dans un inconnu de la peinture

Il y a, bien sûr, Le Déjeuner sur l’herbe, son déjeuner sur l’herbe face à celui de Manet. Une œuvre de jeunesse, de 1865, mais quelle jeunesse  ! Monet a peint peu de personnages, sauf comme éléments dans le paysage et moins encore de portraits. D’où l’intérêt de ce beau tableau intimiste de 1873, La capeline, portrait de Madame Monet qui apparaît derrière une porte fenêtre, ou encore le troublant portrait de la même, Camille, mais sur son lit de mort et comme prise dans un voile de glace et de neige. On sait que la pratique du portrait des gisants était fréquente à l’époque. Il n’empêche, cette rage de peindre qui le conduit à prendre ses pinceaux devant le cadavre de l’aimée renvoie à cet dilemme des plus grands : l’art, ou la vie. Les paysages semblent se répéter, mais quels chocs aussi, quand Monet, tout à ses variations, fait, si l’on ose dire, une sorte de grand saut dans un inconnu de la peinture. À Belle-Île avec l’étonnante horizontale qui barre le tableau de Rochers à Port-Coton, le Lion (1886), dans la Creuse en 1889, avec la Creuse, soleil couchant et les énormes masses sombres des berges de la rivière encaissée. Monet, bien sûr, on connaît ou on croit connaître. Mais, c’est toujours plus que cela.

Maurice Ulrich, L’Humanité


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