Georges Charpak, sciences et conscience

samedi 2 octobre 2010.
 

Militant antifasciste à 15 ans, il refuse avec toute sa famille de porter l’étoile jaune en 1941, se procure de faux papiers au nom de Charpentier. Il rejoint la Résistance, avant d’être arrêté et envoyé à Dachau. Il reçoit le Nobel de physique en 1992.

Le prix Nobel de physique français et ancien résistant , qui s’est éteint mercredi à l’âge de 86 ans, militait pour le désarmement nucléaire et voulait diffuser plus largement les sciences grâce à une approche basée sur l’expérience concrète. "On n’a pas le droit des faire des études sans avoir été confronté aux sciences" : telle était la devise de ce passionné, né le 8 mars 1924 dans un ghetto juif de l’est de la Pologne et arrivé en France à l’âge de sept ans. Après la guerre et une formation d’ingénieur à l’école des Mines, Georges Charpak se destine à la recherche scientifique en France et à l’Organisation européenne de la recherche nucléaire (CERN) à Genève.

Il acquiert une formation théorique du plus haut niveau et met au point des machines de plus en plus complexes pour traquer la structure fondamentale de la matière. En 1992, l’Académie des sciences de Suède le récompense pour "son invention et le développement de détecteurs de particules, en particulier la chambre proportionnelle multifils" réalisée en 1968. "Quand j’ai reçu le prix Nobel, on m’a proposé de faire partie du jury de Miss France. J’avais dit non parce que je suis un petit bourgeois", déclarait-il en octobre 2008, les yeux bleus pétillants, dans son appartement de la rue Pierre-et-Marie Curie à Paris. Ce père de trois enfants à la carrure athlétique se demandait s’il n’avait pas "raté sa vie d’homme parce que j’étais un fanatique de la science et que je consacrais tout mon temps à ça", depuis l’époque où il intègre le laboratoire de Frédéric Joliot. Adhérent du PCF dans les années d’avant-guerre, il le quitte en 1956 "à partir du moment où j’ai perdu totalement confiance dans l’URSS qui n’était pas du tout la société idéale qu’on disait et où j’estimais que le PCF lui restait étroitement lié".

La passion pour la recherche ne l’a jamais quitté. A 84 ans, il travaillait encore à la mise au point d’un appareil de radiologie permettant de recevoir 10 à 50 fois moins de rayons X, pour les enfants qui ont des problèmes de rachis (colonne vertébrale) et doivent souvent faire des radios. Inspiré par son collègue Leon Lederman du Fermilab de Chicago, il lance en 1996 l’opération La main à la pâte, pour rénover l’enseignement des sciences en le fondant sur le questionnement, en transformant les enfants en expérimentateurs. "C’est ça ma vraie profession, et j’ai réussi. On a démarré à l’Académie des Sciences avec 23 enfants de l’ambassade de France à Bogota et maintenant la Colombie va être couverte d’écoles de notre type", se réjouissait-il. En France, où il a publié huit livres entre 1993 et 2008, ses efforts ont été moins bien récompensés, car "il y a les rois des cons dans les ministères qui n’ont pas compris que ça avait un intérêt".

Le désarmement nucléaire était l’autre engagement de sa vie. La guerre froide, "c’était vraiment un jeu de fadas, mais on a eu du pot, il n’y a pas eu l’hiver nucléaire. Aujourd’hui, tout a changé. Il y des armes qui font la taille d’un pamplemousse, faciles à transporter. La connaissance est disséminée un peu partout par le Pakistan". Pour lui, il faut placer tous les armements nucléaires du monde sous contrôle international pour que des Etats comme l’Iran acceptent de jouer le jeu. De plus, quand "les Etats ont des têtes nucléaires en réserve, ils sont obligés d’en fabriquer tout le temps, parce que la vie moyenne du tritium est de 12 ans". Si ces mesures ne sont pas prises, les terroristes auront bientôt "tout ce qu’il faut pour faire un très beau coup et faire chanter les grandes puissances". L’usage civil du nucléaire paraissait en revanche "incontournable" à Georges Charpak, face aux besoins d’énergie de l’humanité.


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