Irak : le prix de la liberté ?

jeudi 23 novembre 2006.
 

Selon le journal médical The Lancet, le nombre de morts en Irak - soit le nombre de personnes tuées depuis 2003 - a atteint les 655 000.

Le plus horrible, c’est que ce type de chiffres est devenu on ne peut plus familier. Voilà le constat de trois années d’invasions, d’occupation et de conflits sectaires liés à l’aventure militaire états-unienne.

Voilà donc le prix humain à payer en échange de la "libération" et du renversement d’une dictature. De tels sacrifices en seulement trois ans font partie des chapitres les plus sombres de l’histoire moderne. Le fait que l’ Humanité autorise encore une telle barbarie au 21e siècle est un véritable crime.

Quand j’ai su tout cela, j’ai pensé à ces nombreuses femmes devenues veuves, à tous ces enfants qui ont perdu leurs parents et tous ceux qu’ils aimaient. Et ce ne sont pas les seules atrocités qui se déroulent en Irak. La population entière, victime de l’occupation, a été réduite à une série de chiffres et de graphiques.

Au cours de ces trois dernières années, des journalistes m’ont demandé de leur communiquer le nombre de femmes tuées, violées et kidnappées afin d’étoffer leurs articles. Mais je me demande parfois d’où nous vient cette manie de réduire l’étendue des souffrances humaines à de simples statistiques. N’est-ce pas assez de savoir que l’Irak est une zone de guerre, déchirée de toutes parts par la rancune des milices islamistes, pourvue d’une force d’occupation coupable d’innombrables crimes contre l’Humanité, laquelle a abusé de nos droits les plus fondamentaux ?

Lorsqu’on apprend les nouvelles quotidiennes sur les attentats-suicides, sur les affrontements religieux, on est comme anesthésié-e-s, et on garde notre calme. C’est ce que l’occupation a donné : la vie du peuple irakien en est réduite à des statistiques publiées dans les journaux.

Nous sommes pourtant témoins du "nettoyage" ethnique et religieux. Des milices islamistes qui tuent les femmes et attaquent quotidiennement les civils, pour faire leur preuve de leur puissance contre l’occupation et contre les groupes islamistes rivaux. Des viols, des enlèvements et des meurtres des personnes qui ne sont tout bêtement pas nées dans la bonne famille, soit Sunnite soit Chiite. C’est l’occupation qui a laissé place à une atmosphère dans laquelle toutes ces atrocités règnent impunément, et pour cela elles ne peuvent être réduites à de simples séries de chiffres.

La raison fondamentale annoncée par les gouvernements des USA et du Royaume Uni au moment de l’invasion de l’Irak, c’était que leur guerre apporterait la liberté. Pourtant, elle a juste donné la liberté aux milices sectaires de terroriser les civils, d’abuser des femmes et de tuer à volonté. Donner aux sociétés américaines la liberté de piller les ressources de l’Irak. Donner la liberté aux troupes occupantes d’apporter à des villes et villages entiers, tels Falluja et Haditha, un arrêt des raids aériens et des sièges. Tout cela n’a non seulement pas permis la liberté, mais cela a donné le contrôle d’un pays à une bande de voleurs, de chefs de guerre et de tribus dont le seul intérêt est de renforcer ou d’étendre leur propre pouvoir.

Aucune étude statistique ne peut réellement nous dire l’ampleur des douleurs humaines que l’occupation a infligées à l’Irak. Pour mettre fin à ces souffrances, il faut en finir avec l’occupation, avec les criminels qui ont engendré ce lot de catastrophes humaines et avec le système qu’ils représentent.

à Londres

Traduction : Charlotte Ricard


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