Pour une grande réforme démocratique de l’école (appel de 50 chercheurs aux partis de gauche)

mercredi 3 novembre 2010.
 

De nombreux citoyens sont aujourd’hui convaincus que le changement politique fort auquel ils aspirent n’aura lieu que si la victoire électorale éventuelle de l’opposition se joue sur des perspectives économiques et sociales explicites, cohérentes, novatrices et ambitieuses. L’heure est aux élaborations programmatiques.

Nous souhaitons que l’école y tienne la place qu’elle mérite, celle d’une question politique de premier plan, qui vient régulièrement en tête des préoccupations des Français, sondage après sondage. Or il ne nous semble pas que jusqu’à présent les partis de gauche aient avancé en la matière des propositions à la hauteur de la situation.

Chercheurs intéressés aux questions scolaires, nous sommes confrontés par nos investigations dans ce domaine à l’anxiété, au mal-vivre, à la souffrance des élèves, des parents et des enseignants. Nous mesurons le coût social et humain de l’échec scolaire de masse et des inégalités devant l’école.

La scolarisation des jeunes générations a connu de très grands progrès depuis un demi-siècle. Mais malgré le dévouement et l’investissement professionnel considérables de ses enseignants et personnels, notre école peine toujours à corriger les inégalités culturelles et à satisfaire aux attentes d’aujourd’hui. L’ampleur des inégalités scolaires n’a pas varié depuis les années 1960. Pire, les écarts culturels et cognitifs sont multipliés par deux entre le CP et le CM2, au détriment des élèves d’origine populaire. Une proportion importante d’élèves entrant en 6e n’ont pas les acquis nécessaires pour tirer normalement profit de leur scolarité secondaire. Et du collège à l’université les inégalités se maintiennent, voire se creusent.

De la réforme Berthoin de 1959 qui en jette les fondements à la politique actuelle du « socle commun » et des 50% à la licence, les promoteurs de notre actuelle « école unique » ont toujours admis le principe de parcours tôt différenciés et d’une progression des scolarités qui maintienne les écarts sociaux, assurant une employabilité minimale à un pôle, et une qualification compétitive à l’autre.

C’est cette logique ségrégative qui craque de toutes parts aujourd’hui. Aucune visée démocratique ne saurait de toute façon s’en satisfaire, le monde de demain, sauf à précipiter sa perte, ayant besoin d’un très grand nombre de citoyens instruits, et de salariés dotés d’une qualification élevée leur permettant de concevoir et d’assurer de nouveaux modes de développement économique et de maitriser les technologies les plus prometteuses, mais aussi les plus dangereuses.

La gauche devra hisser le financement de l’école au niveau nécessaire, s’appuyer sur la contrainte de la carte scolaire, mais il lui faudra sortir des bricolages passés et présents (diversification des voies, revalorisation de l’enseignement professionnel, mesures d’accompagnement, par exemple). Car l’urgence est radicalement autre : elle est à la conception et à la mise en chantier d’une grande réforme scolaire, retrouvant l’ambition du plan Langevin-Wallon de 1947, en franche rupture avec la logique ségrégative qui domine aujourd’hui notre système éducatif.

Une telle rupture suppose à notre sens trois conditions :

- La mise en cause de la structuration concurrentielle du système éducatif, où la compétition entre établissements amplifie la compétition, sévère et précoce, entre élèves et catégories sociales, et où l’évaluation est moins formative que classificatoire.

- Le réexamen des dispositifs pédagogiques hérités de la modernisation des années 1970/80, qui semblent aujourd’hui avoir épuisé leur force propulsive ; et l’ouverture d’un grand chantier associant enseignants et chercheurs et visant à déterminer les moyens d’une amélioration massive des apprentissages, de l’école élémentaire à l’enseignement supérieur.

- La participation motrice à ce réexamen d’enseignants qui, mieux formés et dotés d’une capacité d’expérimentation autonome, pourraient collectivement reprendre la main sur leur métier.


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