Les multinationales choyées par les niches fiscales de Sarkozy Fillon : 172 milliards d’euros ! (article de Libération)

samedi 13 novembre 2010.
 

Intégration fiscale, crédit d’impôt… Les aides publiques ont coûté 172 milliards d’euros à l’Etat en 2009.

Le chiffre est colossal. Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) paru le 6 octobre 2010, les niches fiscales et sociales des entreprises représentent un manque à gagner de 172 milliards d’euros par an pour l’Etat !

Mais comme pour les particuliers, les entreprises ne sont pas du tout égales devant ces niches. Le président de la Cour des Comptes et du CPO, Didier Migaud, l’a souligné lors de la présentation de ce rapport explosif en période de disette budgétaire : plus la taille et le poids économique des entreprises augmentent, plus le recours à ces centaines de dispositifs d’exonérations s’avère bénéfique.

Comme l’écrit le CPO, l’optimisation fiscale ou sociale relève d’une « simple question de gestion opérationnelle lorsqu’il s’agit de sociétés mondialisées du CAC40 ». Un jeu d’enfant en somme…

Très détaillé, le rapport consacre plusieurs pages à quelques dispositifs aussi complexes qu’« attractifs » pour les grands groupes présents dans de nombreux pays et disposant de nombreuses filiales, comme dans le cas des entreprises du CAC 40. Ils permettent de réduire spectaculairement le montant du bénéfice assujetti à l’impôt sur les sociétés (IS).

Comme l’avait déjà montré le CPO dans une étude, il y a un an, les entreprises du CAC paient ainsi en moyenne 2,3 fois moins d’impôts sur les bénéfices que les PME. Alors que le taux de l’IS est théoriquement de 33% dans l’Hexagone, il tombe à 20% pour les entreprises de moins de 500 salariés, à 13% pour celles de plus de 2 000 salariés et seulement à 8% pour le CAC 40.

Régime mère-fille

Au hit-parade des dispositifs les plus onéreux pour l’Etat, c’est le régime mère-fille (exonération de taxation pour une société-mère sur les dividendes de ses filiales, afin d’éviter la double-imposition) qui remporte la palme. Cette « modalité particulière de calcul de l’impôt » exclue de la nomenclature des niches depuis 2006 aura coûté la bagatelle de 34,9 milliards d’euros en 2009.

Autre niche à laquelle ont recours les grands groupes : l’intégration fiscale. Ce type de montages permet de consolider les bénéfices et les pertes des filiales en jouant sur le caractère plus ou moins avantageux de la fiscalité dans les pays d’implantation de ces multinationales. Un régime à géométrie aussi libre que variable dont la facture est estimée à 19,5 milliards d’euros en 2008.

Survivance du passé - il a été institué en 1965 -, le régime mondial consolidé dont bénéficient encore cinq groupes (dont Renault, Total et Vivendi) permet pour sa part de retirer de son bénéfice imposable les coûts liés aux investissements réalisés à l’étranger : 302 millions d’euros en 2010.

Plus récentes, d’autres niches instituées par la majorité actuelle se sont révélées là aussi très bénéfiques pour les grands groupes. C’est le cas de la niche dite « Copé », adoptée du temps où l’actuel chef du groupe UMP à l’Assemblée nationale était ministre du Budget, en 2004, et qui permet aux sociétés de ne pas payer d’impôt sur les plus-values lors de la vente de leurs filiales au motif que nos voisins européens font de même.

Une mesure à 18,5 milliards d’euros sur trois ans (contre 0,9 milliard estimé initialement) utilisée notamment par de grands groupes comme Danone ou Suez et de nombreux fonds de LBO (acquisition par emprunt) lors d’opérations de sessions et destinée à attirer les établissements de holdings en France.

Epargne salariale

Autre avantage fiscal dans le collimateur, le très dynamique crédit impôt recherche (CIR). Il permet notamment à la vingtaine de groupes qui en sont les plus gros consommateurs - avec des investissements annuels supérieurs à 100 millions d’euros - d’optimiser fiscalement leurs dépenses de recherche et développement en jouant là aussi sur le nombre de leurs filiales afin de ne jamais dépasser les plafonds autorisés.

« Un petit paradis fiscal à la française », dit Vincent Drezet, du syndicat national unifié des impôts. Pour lui, le CIR mériterait au minimum d’être réformé dans un sens plus restrictif pour les grands groupes, aujourd’hui logés à la même enseigne que les PME.

Last but not least, le rapport met en lumière la manière dont la fiscalité sur l’épargne salariale est à l’origine « d’effets d’aubaine » pour les grandes entreprises et les salariés les plus aisés en se substituant à des hausses de salaires. Alors que la masse salariale n’a crû en moyenne que de 4% depuis 2000, les fonds versés au titre de la participation et de l’intéressement, bien moins taxés, ont progressé de 8 à 10% par an depuis 2000.

Allègement

Le CPO est en revanche moins critique sur la première des niches sociales, l’allégement de charges sur les bas salaires dont le coût est estimé à 22,1 milliards en 2010. A la différence des mesures précédemment citées, cette mesure a proportionnellement plus profité aux PME qu’aux grands groupes et aurait permis, selon le chiffrage du CPO, de créer - ou de sauvegarder - 800 000 emplois.

Au total, le Conseil des prélèvements obligatoires juge qu’il est possible de réaliser de 15 à 29 milliards d’économies sur ces innombrables niches qui se sont rajoutées au rythme de 12 par an depuis 2002.

Dans ses propositions, il insiste sur la nécessité de différencier les aides en fonction de la taille des entreprises. « Ce rapport a un objectif de rendement », met en garde Marie-Christine Coisne-Roquette, présidente de la commission fiscalité des entreprises du Medef, qui recommande la « vigilance » et fait valoir que le niveau des prélèvements obligatoires des entreprises françaises est déjà l’un des plus élevés de l’Union européenne et de l’OCDE.

Ce que le Medef se garde bien de dire en revanche, c’est que l’impôt sur les bénéfices des entreprises a, au total, été réduit de 7,4 milliards d’euros sur la période 2007-2009. Un allégement jamais vu à un tel niveau et en si un court laps de temps.


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