Exclusions de lycéens, contrôles judiciaires, condamnations à de la prison ferme... (pas de retraite pour la répression)

jeudi 25 novembre 2010.
 

Le pouvoir tente de faire payer au prix fort l’opposition à sa réforme des retraites

Jérôme Zimmer, cheminot, deux mois de prison pour l’exemple (3 articles)

24 heures de garde à vue pour "port de fumigène"

Exclusions d’élèves, détention provisoire, prison ferme… Un constat s’impose : rarement un pouvoir n’aura affiché, à l’occasion du mouvement contre la réforme des retraites, une volonté aussi claire de museler toute opposition. Alors que le texte de loi est promulgué depuis bientôt dix jours, nombre de syndicalistes et d’avocats dénoncent aujourd’hui la sévérité des décisions de justice contre les manifestants interpellés, ou encore les sanctions disproportionnées prises à l’encontre de lycéens mobilisés. « On sent une volonté de punir, de faire des exemples pour tuer toute velléité de contestation », assure Thomas, vingt-six ans, qui a failli partir en détention provisoire pour un simple « jet de fumigène » qu’il nie farouchement.

Seulement cinq relaxes prononcées

De fait, dans les tribunaux, les procureurs, dépendant hiérarchiquement de la chancellerie, œuvrent parfois avec un zèle stupéfiant. Le 22 octobre, le ministère de l’Intérieur comptabilisait déjà 1 677 gardes à vue dans le cadre des manifestations. Trois jours plus tard, la ministre de la Justice évoquait 350 déferrements devant le tribunal et seulement cinq relaxes de prononcées… À Lyon, le parquet, déplorant la clémence de certains jugements, a été jusqu’à faire appel de toutes les peines prononcées avec sursis alors qu’il suggérait de la prison ferme. « Si on donne un simple sursis, ils ne comprennent pas ! » a claironné le procureur général. Dix-neuf personnes seront ainsi rejugées. La plupart n’ont aucun antécédent judiciaire.

« Il y a évidemment des consignes qui viennent de tout en haut », déplore Me Irène Terrel. Et pour l’avocate, qui assiste une quinzaine de jeunes interpellés, la sévérité s’exprime dès le choix de la procédure. La plupart de ses clients ont ainsi passé quarante-huit heures en garde à vue (GAV) alors qu’aucun n’a commis de violence physique. Pis : au lieu d’être libérés à la sortie du commissariat, avec une convocation au tribunal, ils ont été systématiquement déferrés devant le procureur, après une douzaine d’heures passées dans le dépôt du palais de justice. À la clé : un contrôle judiciaire drastique, quand ce n’est pas une comparution immédiate.

« On choisit la procédure le plus coercitive et impressionnante alors qu’il s’agit de simple accusation d’outrage ou de jet de canette sans conséquence, souligne Me Terrel. C’est démesuré. » Certains contrôles judiciaires vont même jusqu’à interdire aux accusés de paraître dans une manifestation jusqu’à leur procès ! « Du jamais-vu », commente l’avocate.

Dans les lycées, les sanctions pleuvent

Pour beaucoup, le durcissement sécuritaire du gouvernement coïncide avec la montée en puissance des lycéens dans le mouvement. « La journée du 14 octobre a été marquée par une série de provocations et de graves incidents à l’entrée des établissements scolaires, rappelle la Ligue des droits de l’homme. La réponse à la mobilisation des lycéens était apparemment le déclenchement d’opérations “musclées” des forces de police. »

Le mouvement passé, les sanctions pleuvent désormais dans les classes. Ces dernières semaines, l’Union nationale lycéenne (UNL) a comptabilisé « des dizaines » de cas d’exclusions d’élèves coupables principalement d’avoir bloqué un établissement. « Les proviseurs ont reçu des consignes écrites de la part des différents rectorats pour faire preuve d’une sévérité totale », assure Victor Colombani, président de l’UNL. Et, visiblement, certains les appliquent à la lettre. Plusieurs établissements ont dû faire face à des conseils de discipline en rafale. Comme au lycée privé Jean-Baptiste-de-la-Salle, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), où une vingtaine d’élèves en ont fait les frais. Avec même de délicieux soupçons d’appel à la délation. « Nous savons, explique un parent d’élève, qu’il a été dit à des élèves qui passaient en conseil de discipline que s’ils donnaient des renseignements, ils pourraient bénéficier d’une certaine clémence. » Un bel apprentissage de la citoyenneté…

Laurent Mouloud, L’Humanité


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