Le mediator aurait causé la mort de 500 personnes (revue de presse)

mardi 14 décembre 2010.
 

1) Mediator, le poids du labo Servier Article de Libération

... Commercialisé en France par le laboratoire Servier, le Mediator a été pris par près de 5 millions de patients. Au début à destination des diabétiques en surpoids, il a été largement prescrit par des généralistes, pour de simples problèmes de surpoids.

Aujourd’hui, les deux études de la Cnam et de l’équipe de Brest sont concordantes : la prise de Mediator provoque un surrisque élevé de valvulopathie. On estime que 500 à 1 000 morts sont directement liées à ce produit, qui a provoqué 3 500 hospitalisations. Servier rétorque que les morts annoncées constituent des « hypothèses fondées sur des extrapolations ». Certes. Mais beaucoup estiment que ce n’est que la partie émergée du dossier. Bien souvent, des cardiologues ne pensent pas au Mediator face à des patients fatigués. Un certain nombre a pu décéder sans que le moindre diagnostic n’ait été établi. La situation sanitaire est floue, nullement maîtrisée. Seul un retour actif vers tous ceux qui ont pris ce médicament permettra de donner la mesure de cette affaire.

Deuxième volet, l’attitude de Servier. Créée en 1954 à partir d’un petit laboratoire pharmaceutique à Orléans, la « maison » Servier est devenue une institution, fierté de son fondateur, Jacques Servier, 88 ans, toujours président du groupe. C’est désormais un géant de l’industrie pharmaceutique française, le deuxième en termes de ventes, avec un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros.

Une très belle réussite industrielle, mais Servier a souvent été au centre de polémiques, en raison de sa grande proximité avec le monde politique. Exemple : alors que l’affaire du Mediator s’esquissait, Servier était fait grand croix de la Légion d’honneur, en janvier 2009.

Autre surprise : lors de l’affaire de l’Isoméride, le professeur Luc Abenhaïm, futur directeur général de la santé, qui travaillait sur les effets secondaires de l’Isoméride (lire ci-dessous), a été menacé, recevant à son domicile des cercueils. Parallèlement, des journalistes ont été surveillés.

Faut-il y voir un lien ? « On peut supposer que Servier a eu des comportements limites, voire choquants, lâche un bon connaisseur de ce milieu. Mais en cela, il ne diffère pas des grands labos internationaux. » Mais en France, on ne touche pas à Servier.

Porosité. Et c’est là que l’on arrive au troisième volet. Les autorités de tutelles ont-elles traîné ? Des signes d’alerte sont apparus dès 1999, puis ont été confirmés dans les années 2000. Mais ils n’ont jamais été mis en rapport entre eux. Jamais n’ont été croisées les données de prescriptions du Mediator et les atteintes cardiaques. Le premier cas de valvulopathie reconnu par l’Afssaps date de 2006, il y a quatre ans. Faut-il dès lors évoquer la porosité entre experts et industriels ? « Il n’y a pas de volonté maligne, nous explique le professeur Bernard Begaud, l’un des pharmacologues les plus indépendants. Mais les experts manquent de culture de santé publique, ils restent enfermés avec leurs données. »

Preuve de ces maladresses en série : en juin 2010, le président de la commission d’autorisation de mise sur le marché est agacé. Il écrit un mail à une cinquantaine de personnes, dont des membres de Servier, où il ironise sur le livre de « cette médecin de Brest », évoquant son « narcissisme » pour expliquer son combat. Un qualificatif déplacé…

2) Mediator, la potion qui tue Article de L’Humanité

Prescrit 
à 2 millions de personnes pendant trente-quatre ans, 
ce traitement pour diabétiques utilisé comme coupe-faim 
a provoqué 
la mort de 
500 personnes.

Que les femmes veuillent perdre du poids à coups de coupe-faim a toujours aiguisé l’appétit des laboratoires pharmaceutiques. Ainsi Mediator, un médicament pour diabétiques en surpoids, a été prescrit à deux millions de personnes depuis 1975 jusqu’à son interdiction en novembre 2009. Mais le scandale n’est pas là...

Selon l’Agence des produits de santé (Afssaps), ce médicament aurait provoqué la mort de 500 personnes en un peu plus de trente ans en raison d’un surrisque de valvulopathie (cardiopathie vasculaire). Mais le scandale ne s’arrête pas là. Dès 2006, la revue Prescrire alertait sur les dangers de ce médicament, et en 2007 le docteur Irène Frachon, à Brest, vérifiait qu’une patiente prenant ce médicament avait développé une hypertension artérielle pulmonaire.

Scandale encore. Selon François Autain, sénateur (PG), « la parenté entre Isomeride et Mediator, tous les deux produits par les laboratoires Servier, est évidente. Il s’agit de la même famille de médicaments. Isomeride a été retiré de la vente en France en septembre 1997, après la découverte par l’Agence française du médicament de cas d’hypertension artérielle pulmonaire dès 1995 et d’anomalies des valves cardiaques en juillet 1997. Il est très surprenant que Mediator n’ait pas subi alors le même sort. Mais Servier est un laboratoire français  ; entre protéger l’emploi et les malades, le choix est cornélien ».

L’affaire fait tant de vagues que le ministre de la Santé s’en est emparé. Xavier Bertrand a, hier, recommandé à « tous ceux » qui ont pris du Mediator, « tout particulièrement » ceux qui en ont pris pendant trois mois au cours des quatre dernières années, de consulter un médecin traitant. « Nous allons demander à l’assurance maladie de contacter chacun des patients concernés », a-t-il annoncé. Assurance maladie qui ne pourra toucher tout le monde car les bases de données nominatives des caisses primaires ne sont pas conservées au-delà de vingt-quatre mois. Le ministre n’a eu aucun mot sur le long délai entre les premières alertes et l’interdiction tardive du Mediator.

De son côté, le laboratoire Servier a avancé que « la simple constatation d’une valvulopathie chez un diabétique ne permet pas d’imputer celle-ci à un traitement médicamenteux qui reste une cause très rare, toutes classes thérapeutiques confondues : si on rapporte le nombre de 500 décès au nombre de patients qui ont pris le Mediator sur trente-trois ans, on arrive à un risque de 0,005 % ».

Mediator ne serait pas un cas isolé

C’est-à-dire la bagatelle d’un minimum de 500 morts. Pour François Autain, Mediator n’est pas un cas isolé. « On doit aux médicaments 150 000 hospitalisations par an. Selon l’ancien directeur général de la santé, Lucien Abenhaïm, 18 000 personnes en meurent chaque année (iatrogénie médicamenteuse). Renforcer la pharmacovigilance est indispensable. Aujourd’hui, les autorisations de mise sur le marché (AMM) sont trop rapides, l’évaluation du médicament est insuffisante. Depuis 2004, 120 autorisations ont été délivrées à la condition qu’une étude post-AMM soit menée. 50 % d’entre elles n’ont jamais été engagées. Ce qui n’est pas surprenant quand on sait que ce sont les laboratoires eux-mêmes qui sont sollicités pour financer des recherches susceptibles d’aboutir à une interdiction de leur produit. Il est évident qu’ils traînent les pieds. Mieux vaudrait, bien sûr, que la puissance publique, via l’autorité sanitaire, assure ce travail. »

Dany Stive


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