Sus aux banquiers ! (par Christine Clerc, Valeurs actuelles)

jeudi 16 décembre 2010.
 

Banques : « Tonnez contre ! », aurait écrit Flaubert. Quand je le faisais, il y a deux ans, on me disait : «  Mais vous devenez gauchiste ! » J’observe donc aujourd’hui avec amusement que ce genre est très bien porté.

Jean-Luc Mélenchon et Olivier Besancenot n’en ont plus le monopole. Samedi, devant ses partisans, Dominique de Villepin, mettant une sourdine à ses attaques personnelles contre Nicolas Sarkozy (n’a-t- il pas atteint son but : « l’énerver », comme il sut « énerver » en 2002 Lionel Jospin ?), se lâche contre les banques : « Sauvées par l’argent public, elles spéculent contre les États !  » Dimanche, Martine Aubry, sortie de son silence pour annoncer qu’elle parlera en juin, accuse « le système bancaire qui nous a menés dans le mur » et cite des chiffres faramineux : 4 900 milliards d’euros prêtés par les États de l’Union européenne aux banques, « sans contrepartie » !

Mais c’est Giscard le meilleur. Invité de Bibliothèque Médicis (Public Sénat) pour parler de son dernier livre, la Victoire de la Grande Armée, l’ancien président, en pull-over, fustige à son tour « les banques qui se sont livrées à une spéculation effrénée. Et maintenant, s’offusque-t-il, on demande que le contribuable paie » ! Et voici sa conclusion, peaufinée à l’avance comme d’habitude (bien que l’auteur nie avoir préparé ses fameux « l’exercice solitaire du pouvoir » contre de Gaulle et « vous n’avez pas le monopole du coeur » contre Mitterrand) : « La spéculation ne mérite pas qu’on la finance. » Dommage que Jean-Pierre Elkabbach, trop impatient de savoir si VGE souhaite voir Sarkozy réélu, l’interrompe : on aimerait connaître la recette de l’ancien président pour ramener nos banquiers à la raison.

Après cela, on peut bien rire d’Éric Cantona, qui nous appelle à « faire la révolution » en retirant notre argent des banques. Les Guignols ne s’en privent pas, qui nous montrent 30 000 « amis Facebook » faisant la queue sur le trottoir... pour vider leur compte déjà « en rouge » ! On peut aussi traiter «  l’immense footballeur » avec une pointe de condescendance, comme Christine Lagarde, ou un franc mépris, comme Alain Minc (« Et si je prétendais composer l’équipe de France de foot ? Vous diriez : c’est un imbécile ! »). N’empêche : la brute milliardaire Cantona touche un point sensible. Les citoyens de « la France d’en-bas » n’aiment pas qu’on leur dise de ne pas s’occuper des choses importantes et de rester plutôt devant leur téléviseur à regarder la France perdre un match de foot ou de tennis.

DSK et Sarkozy eux-mêmes n’ont-ils pas attisé nos mauvais sentiments ? Il y a presque un an déjà, le directeur général du FMI lançait, à la Chambre de commerce franco-américaine, cet avertissement : « Les Parlements seront pour le moins réticents à redonner de l’argent au secteur financier quand ils verront comment celui-ci s’est comporté après la crise ! » Quant au président français il s’indignait : « Comment admettre que tant d’opérateurs se soient enrichis en menant le système à la faillite ? » Tous deux ont fini par donner des idées à Cantona.

Rendons justice à Ségolène Royal : si elle reprend maintenant à son compte la croisade cantonesque, elle fut la première, en 2006, à dénoncer les manquements des banques envers les PME et leur tarification illisible. Comme le dit son ex-ministre de tutelle, Claude Allègre, qui n’avait pas de mots assez durs pour la candidate socialiste : « Ségolène a la niaque ! »

Mais trop, à la fin, c’est trop. Quand une profession entière - qui emploie tout de même 350 000 personnes en France et qui rend bien des services indispensables - devient un bouc émissaire, il faut se méfier. Et d’abord de soi-même et de ses propres réactions « primaires ». Attention à ne pas attiser la haine ! J’en suis là de mes réflexions, lorsqu’un lecteur m’envoie copie d’une lettre adressée à son fils de 20 ans par la Société générale : « Votre compte présente un solde négatif de 23,32 euros. [...]Ce rejet peut entraîner une inscription aux fichiers de la Banque de France. »

Coïncidence fâcheuse, le jour même, je reçois un appel de ma banque, HSBC : l’employée d’un call center, mandatée par un ordinateur central, me convoque à un rendez-vous avec ma « nouvelle conseillère ». Or, je n’ai jamais demandé à changer de conseillère.

Celle-ci, d’ailleurs, n’a pas été informée du changement décidé par un robot de la direction. Mais qu’importe : la malheureuse téléphoniste est « programmée » pour me rappeler le lendemain, le surlendemain, etc. Au lieu de dépenser des sommes énormes en mailings et en publicités télévisées où l’on nous montre, dans un nouveau « meilleur des mondes », Alphas et Bêtas sympathisant en musique à travers les continents, les patrons de banque ne devraient-ils pas faire un effort pour se rendre plus proches... et plus sympathiques ?


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