La réalité de la « solidarité » de l’Union européenne

vendredi 17 décembre 2010.
 

La « solidarité » européenne se serait manifestée envers la Grèce à la quelle l’Union européenne et le FMI auraient « généreusement » accordé un prêt de 110 milliards d’euros pour la sauver de « la faillite » Elle se serait, ensuite, manifestée envers l’Irlande à laquelle un prêt tout aussi « généreux » de 85 milliards aurait été accordé. A y regarder de plus près, on peut pourtant s’interroger fortement sur cette « solidarité » et sur cette « générosité ».

D’abord, cette « aide » a été accordée bien tardivement. Le plan d’ « aide » à la Grèce dont le principe avait été arrêté le 25 mars n’a été effectif que le 2 mai. Pendant six semaines la population grecque a littéralement été prise en otage. La Commission européenne, les dirigeants des Etas européens avaient, en effet, décidé de faire de la Grèce un exemple à l’usage de tous les salariés européens qui auraient des velléités de ne pas se plier à leurs exigences. Les taux d’intérêt que la Grèce s’était engagée à verser aux spéculateurs pour refinancer sa dette publique avait fini par dépasser 15 %. En novembre 2010, malgré le « plan d’aide » de l’Union européenne et du FMI, ces taux sont remontés à 12 % (contre 2,6 % pour les taux allemands).

Ensuite, cette « aide » consiste surtout à étrangler la croissance économique et le peuple grec auquel 4 plans d’austérité successifs ont été imposés. Et cela n’a pas suffi, il a fallu que le gouvernement grec accepte de livrer ses services publics (eau, électricité, ports, chemin de fer…) aux appétits des multinationales européennes.

Par contre, l’Eglise orthodoxe, le plus important propriétaire foncier, est largement épargnée par la réforme fiscale. Le budget militaire (le plus important de l’UE en pourcentage du PIB) continuera de permettre à l’armée grecque de préparer sa guerre contre la Turquie et de financer les achats de matériel militaire aux marchands de canons français, allemands ou anglais. Quant à l’impôt sur les sociétés, le « courageux » gouvernement grec vient d’annoncer qu’il baisserait de 24 % à 20 % entre 2010 et 2013.

Ces attaques contre le salariat grec se sont déjà heurtées à quatre grèves générales et les salariés grecs n’ont pas renoncé, d’autant que les régressions sociales que veut imposer le gouvernement grec ont toutes les chances d’entraîner une profonde récession de l’économie grecque. Une telle récession rendrait, évidemment, impossible le remboursement de la dette. Mais l’Union européenne n’en a cure et, prisonnière de ces dogmes néolibéraux, essaie comme partout en Europe d’utiliser la crise économique comme bélier pour imposer les « réformes » néolibérales qui n’avaient pu être imposées jusqu’alors.

La seule perspective offerte à la Grèce, comme d’ailleurs aux autres pays européens est de devenir une autre Allemagne. Cette perspective n’a aucun avenir. Si le patronat allemand semble, aujourd’hui du moins, mieux tirer son épingle du jeu que d’autres patronats européens, c’est parce qu’il a réussi à imposer, au cours des dernières années, une baisse considérable de ses acquis sociaux au salariat allemand. Mais si tous les pays européens font de même, c’est la demande globale pour les produits et services européens qui fondra comme neige au soleil, à commencer par la demande pour les produits et services allemands. Car l’Allemagne dépend pour plus des 2/3 de ses exportations de la demande européenne.

Après la Grèce, les spéculateurs (avec à leur tête les agences de notation) se sont attaqués aux dettes publiques du Portugal et de l’Espagne. Là encore, les dirigeants européens ont salué le « courage » de José Socrates et de José Luis Zapatero qui ont décidé, comme Papandréou de faire payer les frais de la crise à ceux qui n’en sont en rien responsables : les salariés, les jeunes, les retraités. Ils font appel aux mêmes expédients néolibéraux : attaques contre les retraites, les salaires, l’emploi public, attaques contre le CDI et la facilitation des licenciements pudiquement baptisées « réforme du marché du travail ». Le 29 septembre, les salariés espagnols se sont massivement mobilisés contre le plan d’austérité du gouvernement Zapatero. La grève générale a été encore plus massive au Portugal, le 24 novembre, contre le plan d’Austérité du gouvernement Socratès.

Le plan d’austérité imposé à l’Irlande confirme la volonté des dirigeants de l’Union européenne et du FMI d’utiliser les dettes publiques comme levier pour enfoncer les acquis sociaux des peuples européens. Les 85 milliards d’euros du « plan d’aide » de l’UE, du FMI, du Royaume Uni et de la Suède est d’abord financé à hauteur de 17,5 milliards d’euro par l’Irlande elle-même ! Le gouvernement de Brian Cowen a prévu, en effet, d’extorquer cette somme au fonds national pour les retraites. Ces 85 milliards représentent les sommes que l’État irlandais a déjà du débourser pour tenter de sauver les banques irlandaises (76 milliards d’euros) et les sommes qu’il sera amené à débourser dans un avenir très proche, toujours pour tenter de sauver les banques. De la poche des retraités et des salariés irlandais directement dans la poche des créanciers des banques irlandaises, c’est-à-dire les spéculateurs, notamment les banques britanniques, suédoises et allemandes.

Jamais, à aucun moment, les dirigeants de l’Union européenne n’ont envisagé d’autres solutions que de céder aux exigences des spéculateurs qu’ils préfèrent appeler « marchés financiers ». La restructuration des dettes publiques, la prise en pension directe (sans passer par l’intermédiaire des banques) d’une partie des titres de la dette publique par la BCE, la prise en pension obligatoire par les banques, à un taux très bas, d’une partie des titres de la dette publique, la levée d’un impôt exceptionnel sur ceux qui ont profité et continuent à bénéficier des intérêts de la dette publique (les rentiers) n’ont surtout jamais été évoqués par les dirigeants européens.

Jean-Jacques Chavigné


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