La lutte des classes n’est pas une "vieille lune" (réponse à Guy Sorman)

mardi 11 janvier 2011.
 

Réponse de Robert Mascarell

Comme vous me paraissez vivre dans un salon feutré, je vais vous expliquer ce qu’est la lutte des classes en 2010, comme le 11 juin 2007, date de l’article que vous avez publié sur votre site sous le titre « Une trop grande victoire », ou comme en 1900, ou comme…. en 2100.

Voyez-vous, quand un salarié cherche à se faire embaucher par un employeur, il n’a qu’une idée en tête : obtenir le salaire le plus élevé possible, pour la durée de travail la moins longue possible et l’intensité de travail la plus douce possible.

De son côté, l’employeur n’a qu’une idée en tête : embaucher le salarié au salaire le moins élevé possible, pour la durée de travail la plus longue possible et la productivité la plus intense possible.

Cet antagonisme d’intérêt s’appelle la lutte des classes.

Cette règle vaut, que le salarié, ou, en face de lui, l’employeur, soient compétents ou incompétents, gentils ou méchants, bons pères ou mauvais pères, bons voisins ou mauvais voisins,….. Bref, en supposant que le salarié soit doté de tous les défauts de la création et que l’employeur soit doté de toutes les qualités du monde, ça ne change rien à l’antagonisme d’intérêt les unissant.

L’employeur qui, par bonté d’âme, voudrait payer son salarié plus cher que son concurrent, ne résisterait pas longtemps.

En fonction du rapport de force, d’un moment donné, l’antagonisme d’intérêt est ressenti plus ou moins collectivement par les salariés. Depuis 1980, environ, les tenants du libéralisme ont, c’est vrai, réussi à faire croire à beaucoup de salariés que la lutte des classes n’existait plus.

Ces salariés ont perdu leur conscience de classe. Ils n’ont qu’une approche individualiste de leur relation avec leur employeur. Pour autant, ça n’efface pas que l’intérêt du salarié, même non conscient, est contraire à celui de son employeur. Le seul intérêt commun que l’un et l’autre ont, c’est la pérennité de l’entreprise. Et encore, ce n’est plus le cas dans les entreprises possédées par des fonds de pension.

Qu’en sera-t-il demain ? Le rapport de force peut basculer dans l’autre sens. Et là, le salarié, jusque-là individualiste, accèdera à une conscience collective de son sort. Il se liera aux autres salariés de son entreprise, et au-delà, de sa branche professionnelle, et au-delà, de sa région, toutes branches professionnelles confondues, et au-delà........ Je vous laisse imaginer la suite.

Une chose est certaine, la lutte des classes est au capitalisme, ce que le gaz carbonique est à la mort. Selon les périodes, elle est plus ou moins aigüe, voilà tout.

Dussé-je gâcher la quiétude de votre bonne conscience, la lutte des classes n’est pas une "vieille lune".

Je suis sidéré que vous puissiez imaginer que l’histoire est finie. C’est à désespérer de faire de hautes études.

Robert Mascarell

croit plus à l’existence de la lutte des classes qu’à celle de dieu.

2) Texte de Guy Sorman

Une trop grande victoire

Nicolas Sarkozy est parvenu à fédérer les différentes sensibilités de la droite comme François Mitterrand avait, en 1981, réussi à fédérer tous les courants de la gauche. Mitterrand avait gagné en étouffant les communistes et Sarkozy en asphyxiant le Front national et le Centre. En France, unis on gagne, désunis on perd. C’est moins la droite qui emporte tous les succès que l’union des droites qui y parvient. Non sans quelque ambiguïté : le projet de Sarkozy est à la fois libéral et étatiste, de même que le programme de Mitterrand fut en même temps social-démocrate et marxiste.

Par-delà la stratégie et la personnalisation du scrutin, la gauche en lambeaux est aussi victime de son incapacité. Le parti socialiste français est seul en Europe à n’avoir toujours pas renoncé aux vieilles lunes de la lutte des classes, à ne pas admettre l’efficacité de l’économie d’entreprise, à refuser toute évolution de l’enseignement. Cette obstination idéologique tient évidemment au recrutement du parti qui représente avant tout la fonction publique, et à la vision singulière du corps enseignant sur notre société.

Nicolas Sarkozy devra négocier les réformes pour que tous les comprennent mais avec qui négocier ? Le péril tient maintenant dans cette atomisation de l’opposition : quand la gauche est faible, la rue et les syndicats prennent le relais pour constituer un front du refus. Il existe des victoires si nettes et des chambres si introuvables que l’on s’en inquiète un peu.

Source :

http://gsorman.typepad.com/guy_sorm...


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