Réponse à Christian Saint Etienne sur le déficit de la Sécurité Sociale

vendredi 22 novembre 2019.
 

1) Lettre de Robert Mascarell adressée à Christian Saint-Etienne, économiste

Monsieur,

Entre autres propositions pour lutter contre les déficits, vous proposez d’éliminer celui de la Sécurité Sociale. Ce serait fort bien, si le déficit de la Sécurité Sociale existait vraiment. Mais son déficit, de 11 milliards cette année, a été délibérément fabriqué par nos gouvernants. En fait le budget de la SS serait excédentaire si lui était reversées les sommes qu’elle devrait légalement percevoir :

- une partie des taxes sur le tabac : 7,8 milliards,

- une partie des taxes sur l’alcool : 3,5 milliards,

- une partie des primes d’assurances automobiles : 1,6 milliard,

- la taxe sur les industries polluantes : 1,2 milliard,

- la part de TVA : 2 milliards,

- retard de paiement à la Sécu pour les contrats aidés : 2,1 milliards,

- retard de paiement par les entreprises 1,9 milliard,

En faisant une bête addition, on arrive ainsi au chiffre de 20 milliards d’Euro.

Conclusion, si les responsables de la Sécu et nos gouvernants avaient fait leur boulot efficacement et surtout honnêtement, les prétendus 11 milliards de trou seraient aujourd’hui 9 milliards d’excédent.

Ces chiffres sont issus du rapport des comptes de la Sécu.

Mon hypothèse c’est que vous êtes parfaitement au courant de cette réalité, mais elle ne colle pas avec votre conception de l’économie.

Robert Mascarell

2) Texte de Christian Saint-Etienne

Le gouvernement a annoncé fin septembre un projet de loi de Finances pour 2011 qui prévoit une baisse significative du déficit du budget de l’Etat qui passerait de 152 à 92 milliards d’euros. Mais la baisse du déficit est beaucoup moins impressionnante si l’on observe que les déficits des collectivités locales et de la Sécurité sociale vont se maintenir à un niveau historiquement élevé. Au total, le déficit de l’ensemble des administrations publiques baissera de 30 milliards d’euros – et même de moins hors grand emprunt dont le coût a été imputé sur le budget 2010 -. On est loin de la purge annoncée ! Faut-il se féliciter d’un ajustement aussi limité ? A la suite de l’annonce du budget, la prime de risque sur les emprunts d’Etat français, par rapport aux allemands, a augmenté et les observateurs internationaux ont regretté la faiblesse de l’ajustement budgétaire français.

Rappelons que la France détient le record du monde de la dépense publique au sein des pays de l’OCDE, avec une dépense de 56% du PIB, et que la dette publique a dérapé de 19 points de PIB de 2007 à 2010 pour atteindre 83% du PIB. Surtout, la qualité de cette dépense est mauvaise : la Recherche et Développement publique reçoit un point de PIB, tout comme l’Enseignement supérieur, tandis que la part des investissements publics sous forme d’investissements structurants favorisant la croissance est également d’environ un point de PIB. Ainsi, la France ne dépense que trois points de PIB pour préparer l’avenir, tandis qu’elle déverse 34% du PIB sur la protection sociale, dont 23% du PIB pour financer les retraites et la santé, cette dernière bénéficiant pour plus de la moitié aux plus de soixante ans. Nous dépensons donc onze fois plus en protection sociale que pour toutes les dépenses d’avenir et six fois plus uniquement pour financer les retraites et la santé des retraités. Il ne faut pas chercher ailleurs la cause de l’effondrement de notre taux de croissance, tombé à 1% l’an au cours des années 2000 alors que nous avons besoin de croître du double simplement pour tenir la tête hors de l’eau. Dans ce contexte, notre dynamisme démographique, qui est une chance exceptionnelle dans l’absolu, se transforme en handicap car nos jeunes n’arrivent pas à s’insérer sur le marché du travail et les meilleurs d’entre eux partent travailler à l’étranger.

Il est donc urgent d’éliminer le déficit de la Sécurité sociale qui atteindra encore 1,5% du PIB en 2011, en sorte que l’on finance des dépenses ordinaires de fonctionnement par l’emprunt, ce qui est suicidaire car l’on emprunte sans création d’un potentiel de croissance permettant de rembourser ces dettes demain. Mais il faudrait éliminer le déficit des collectivités locales en les associant à l’objectif de rétablissement des équilibres publics selon le même mécanisme mis en place en Allemagne qui assigne à l’Etat fédéral et aux Länder leurs parts respectives dans le retour à l’équilibre des comptes. Pour ne pas casser l’investissement local, il faut créer une CSG départementale au taux de 1% pour financer leur dépense sociale, soit un gain de 10 milliards d’euros, tout en réduisant la dotation des collectivités locales de 5 milliards d’euros et en obligeant les collectivités locales, par une loi organique, à autofinancer non seulement les dépenses de fonctionnement mais les deux tiers de l’investissement en sorte que l’emprunt ne couvre que l’investissement net.

Afin de contribuer à la réduction du déficit de l’assurance maladie, il faut augmenter la CSG de 1%. Cette augmentation de 2% de la CSG, moitié pour les collectivités locales et moitié pour l’assurance-maladie, permettrait de réduire le déficit public de 1% du PIB supplémentaire et de garder des taux d’intérêt aussi bas que possible sur la dette publique. Rappelons qu’une hausse de seulement 1% du taux d’intérêt moyen sur la dette publique coûterait 15 milliards d’euros de plus. Relever à temps la CSG permettrait simultanément de réduire le déficit et d’éviter une hausse brutale des taux d’intérêt sur la dette qui est aujourd’hui financée aux deux tiers par les investisseurs étrangers.

Doit-on craindre un effet récessif de cette hausse limitée de la CSG ? Utiliser la dette publique pour limiter les effets du désendettement privé dans un pays ayant un gros déficit de la balance courante est contreproductif car l’on freine l’ajustement extérieur qui conduirait à réduire le coût de l’ajustement intérieur. Il est essentiel de comprendre que le choix n’est pas entre maintenir le niveau actuel du déficit et le réduire de 20 milliards d’euros, mais entre réduire le déficit de 20 milliards d’euros aujourd’hui ou de 40 milliards d’euros au printemps prochain. La dette publique ne doit pas remplacer la dette privée, surtout si elle ne conduit pas à une hausse des capacités de production compétitive. Cette hausse de la CSG serait-elle équitable ? Oui, à condition de sortir la CSG et la CRDS du bouclier fiscal. Mais l’on sait que le gouvernement ne voudra ni relever la CSG, pour réduire le déficit et se prémunir contre une hausse des taux inévitable sans cette action préventive, ni modifier le bouclier fiscal. La France va donc persévérer dans une erreur stratégique qui aura des conséquences graves à bref délai.


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