Ibn Al Haytham, mathématicien et physicien arabe du XIe siècle

dimanche 8 janvier 2012.
 

Ce savant, né dans l’actuel Irak à la fin du Xe siècle, a révolutionné, entre autres, la science de la lumière. Il invente la chambre noire et il est le premier à établir que la lumière de la Lune vient du Soleil et à contredire Ptolémée qui affirmait que l’œil émettait de la lumière.

Ibn Al Haytham (Alhazen en latin) est né en 965, dans la ville irakienne de Bassora. Après avoir acquis une formation solide en arabe, il s’est mis à étudier la philosophie et les sciences puis il s’est spécialisé en physique, en mathématiques et en astronomie. Dans ces trois domaines, il a eu à sa disposition les principaux ouvrages grecs, en particulier ceux d’Euclide (IIIe siècle avant J.-C.), de Héron d’Alexandrie (Ier siècle), d’Archimède (mort en 212 avant J.-C.) et de Ptolémée (mort vers 168). Il a également étudié les écrits les plus importants publiés en pays d’islam avant le XIe siècle.

Durant son séjour à Bassora, il aurait occupé un poste officiel important. Mais il semble qu’il se soit vite lassé de cette charge parce qu’elle le détournait de ses activités scientifiques. Quelque temps après cet épisode, il quitte sa ville natale pour aller s’installer au Caire sur invitation du calife fatimide de l’époque, Al Hâkim (996-1021). Ce dernier le charge d’étudier la faisabilité d’un projet ambitieux, celui de la régulation des crues du Nil. Ibn Al Haytham accepte de diriger une mission scientifique qui devait remonter la vallée du fleuve jusqu’aux cataractes. Au retour de cette mission, il informe le calife que les savoirs de l’époque n’étaient pas suffisants pour réaliser le projet. Et, pour échapper à d’éventuelles sanctions, il simule la folie. Assigné à résidence et privé de ses biens, il occupe son temps à recopier des ouvrages mathématiques grecs qui lui étaient achetés à prix d’or. Cette situation aurait duré jusqu’à la mort d’Al Hâkim, date à laquelle notre savant aurait retrouvé tous ses esprits. Quelque temps plus tard, il s’installe près de la grande mosquée Al-Azhar et il poursuit ses différentes activités scientifiques jusqu’à sa mort que l’on situe aux environs de 1040.

L’essentiel des travaux scientifiques d’Ibn Al Haytham concerne la physique, les mathématiques et l’astronomie. Mais un nombre non négligeable concerne d’autres disciplines, comme la philosophie, la théologie spéculative et la médecine. En physique, sur les vingt et un ouvrages qu’il a publiés, seize traitent des différents aspects de l’optique  : théories de la lumière et de la vision, phénomènes astronomiques et miroirs ardents (appareil illustrant la propagation de la chaleur sous forme de rayonnement lumineux, utilisé comme arme par Archimède à Syracuse – NDLR) dans l’infrarouge essentiellement.

Son plus important ouvrage dans ce domaine est le Livre d’optique qui est considéré par les spécialistes de l’histoire de la physique comme la plus importante contribution réalisée sur le sujet avant le XVIIe siècle.

En astronomie, Ibn Al Haytham a publié 28 traités ou articles. Certains sont théoriques, comme ceux qui exposent ses critiques contre les modèles planétaires de Ptolémée. D’autres ont un caractère pratique, comme ceux qui concernent l’observation astronomique, l’étude des gnomons (instrument astronomique pour prendre la hauteur du soleil déterminée par la longueur de son ombre projetée sur une table généralement plane), et la détermination des distances des corps célestes et de leurs diamètres.

En mathématiques, il est l’auteur de 64 écrits plus ou moins volumineux. Seuls 23 d’entre eux nous sont parvenus. Plus des deux tiers traitent de géométrie et le reste est consacré à la science du calcul, à l’algèbre et à la théorie des nombres.

En géométrie plane et solide, ses travaux prolongent les apports d’Euclide avec de nouvelles contributions. En géométrie de la mesure, ses contributions s’inscrivent dans la tradition d’Archimède, en l’enrichissant par de nouvelles méthodes pour le calcul des volumes de la sphère et des paraboloïdes de révolution. Il a également publié des résultats originaux en théorie des nombres et sur les systèmes d’équations.

En plus de la résolution de nombreux problèmes mathématiques et physiques, Ibn Al Haytham a réfléchi sur les méthodes et les outils théoriques qui lui ont permis de résoudre ces problèmes. En physique, il a mis en avant le rôle de l’observation et de l’expérimentation dans l’élaboration de résultats théoriques. En mathématiques, il a analysé les différentes formes de preuves qui interviennent dans l’établissement d’un résultat.

Certains des écrits scientifiques d’Ibn Al Haytham ont été étudiés en Andalus (Espagne) avant de circuler en Europe, grâce aux traductions qui en ont été faites, à partir du XIIe siècle, à Tolède et ailleurs. En astronomie, son Épître sur la structure de l’univers a d’abord été traduite en espagnol, au XIIIe siècle, avant de bénéficier de deux traductions en latin et de deux autres en hébreu. Mais ce sont surtout ses travaux en optique qui l’ont rendu célèbre en Europe. Deux de ses ouvrages ont été traduits en latin  : le Livre des miroirs ardents coniques et le Livre de l’optique. Ce dernier sera étudié et commenté jusqu’au XVIIe siècle. De nombreux savants, parmi lesquels Bacon (mort en 1294), Vitello (mort après 1280), Kepler (mort en 1630) et Fermat (mort en 1665) se sont inspirés de son contenu ou s’y sont référés.

Les Contributions D’Ibn Al Haytham en optique Il a remplacé les explications qualitatives anciennes par des démarches quantitatives mêlant observation, expérimentation et théorisation. Il est le premier à avoir étudié l’œil comme un système optique. Il a analysé la vision comme un phénomène distinct de la lumière. Il est le premier à avoir expérimenté les premiers modèles de chambre noire, à simple et double ouverture, pour confirmer le déplacement rectiligne des rayons lumineux. Il a expliqué le phénomène de la réfraction par la relation entre la vitesse de la lumière et la densité du milieu traversé. Il a établi des résultats nouveaux sur les miroirs ardents. Son étude originale du phénomène de l’arc-en-ciel a permis à Al Farisi (XIIIe siècle) d’en donner une explication scientifique.

Ahmed Djebbar Professeur émérite à l’université Lille-I


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message