La difficile lutte de l’UMP contre les 35 heures

mardi 5 décembre 2006.
 

La difficile lutte de l’UMP contre les 35 heures Tenue de se justifier sur une croissance en berne, l’UMP contre-attaque et pointe le responsable : les 35 heures. Problème : derrière le slogan "travailler plus pour gagner plus" cher à Nicolas Sarkozy se cache une stratégie qui ne satisfait ni les syndicats... ni le Medef. Explication.

A l’approche des élections, c’est l’heure du bilan pour l’UMP. Et les chiffres sont mauvais : au troisième trimestre 2006, on annonce une croissance à zéro. Tenu de se justifier, Thierry Breton réplique en s’en prenant aux 35 heures, source de tous les maux économiques. Mais, ce faisant, il doit aussi expliquer pourquoi elles n’ont pas été supprimées par son gouvernement...

Le ministre de l’Economie assure que "des assouplissements substantiels" ont été réalisés et qu’il "faudra continuer" dans ce sens. Une antienne reprise par François Fillon et Luc Chatel, porte-parole de l’UMP, qui déclinent le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy : "travailler plus pour gagner plus". "Nous pensons qu’il faut créer de la richesse avant de la partager", martèle Luc Chatel pour Marianne2007.info. "Ce que nous proposons, c’est de lever le verrou des heures supplémentaires. Cela présente un double intérêt : d’une part cela permettra aux salariés d’augmenter leur pouvoir d’achat de 15% s’ils travaillent 4 heures de plus par semaine, d’autre part cela permettra aux entreprises d’augmenter leur compétitivité par la défiscalisation de ces heures supplémentaires. " L’idée est d’étendre la réforme Fillon de 2003 - qui exclue déjà les entreprises de moins de 20 salariés de la loi sur les 35 heures - pour décloisonner la durée légale du travail dans toutes les structures, à coups de petites mesures qui ne s’attaquent pas de front à la législation de Martine Aubry. Aucune réforme globale n’est à prévoir. Pourquoi ? La réponse est à chercher dans le bras de fer qui oppose pour le moment deux alliés traditionnels : le Medef et l’UMP.

35, 39 ou... 48 heures ? La position du syndicat patronal permet d’éclairer, entre autres, les passes d’armes discrètes qui ont émaillé la campagne au mois d’octobre entre le ministre de l’Economie et Laurence Parisot. Thierry Breton reprochait au Medef sa passivité face au projet du Parti socialiste de généraliser les 35 heures à l’ensemble des salariés.

Mais le Medef ne souhaite pas, contrairement à ce que l’UMP voudrait lui faire dire, remettre en cause les 35 heures. Les négociations qui ont conduit à leur application ont été trop longues et trop complexes pour revenir en arrière. En revanche, le syndicat patronal milite fermement pour une réforme bien plus profonde, que l’UMP se refuse pour le moment d’envisager : l’abrogation pure et simple de la durée du travail. Il prône des négociations par branche pour fixer des durées au cas par cas, avec pour plafond la norme européenne : 48 heures hebdomadaires. Questionné la semaine dernière sur ce sujet sur France Inter, François Fillon a répondu que les partenaires sociaux n’étaient pas prêts et qu’il faudrait " plus d’une mandature " pour mettre en place une telle réforme. Pour le sénateur de la Sarthe, il faut d’abord largement réformer le dialogue social avant d’envisager cette réforme. En un mot : dans l’immédiat, c’est non.

48, 65 ou... plus ? " Si l’on traduit, ça veut dire que l’UMP n’a pas la CFDT avec elle sur ce coup-là ", analyse Gérard Filoche, inspecteur du travail, membre du Conseil national du Parti socialiste et militant de longue date à la CGT.

A l’argument de Luc Chatel selon lequel " la France est le pays où la durée du travail est la plus courte ", il oppose les heures supplémentaires impayées et non comptabilisées qui seraient légion dans tous les secteurs. Selon Gérard Filoche, quelque 6 millions de salariés travaillent déjà plus de 50 heures par semaine, sans rémunération supplémentaire. Et le militant de mettre en garde contre les conséquences des desiderata du Medef : " Si, pour le moment, la norme européenne fixe la durée maximale à 48 heures, il y a déjà des dérogations possibles pour l’augmenter.

Et une autre directive circule actuellement à la commission, qui projette de porter cette durée légale à 65 heures. L’Angleterre a déjà obtenu une clause particulière qui permet de faire signer au salarié un contrat l’autorisant à travailler plus de 48 heures, sans limite. " Pour lui, la position de François Fillon est raisonnable au sens où porter politiquement les désirs du Medef serait " aller au clash " avec les syndicats. Interrogés, la CGC, la CGT et FO se sont prononcés résolument contre. Sur le terrain du temps de travail, l’UMP s’engage donc dans la campagne avec une marge de man¦uvre très limitée, sous les feux croisés du patronat et des syndicats. Et se prépare à des lendemains qui chantent l’internationale...

Anna Borrel


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