Massacre dans une famille surendettée "Le surendettement en France est monstrueux. Il faut un garde-fou"

mardi 18 janvier 2011.
 

Président des associations Cresus (Chambre régionale de surendettement social), Jean-Louis Kiehl réagit après le massacre d’une famille surendettée.

Mardi, dans un quartier pavillonnaire de Pont-de-Metz, près d’Amiens, un artisan-couvreur retraité de 62 ans, endetté, a tué toute sa famille, puis s’est suicidé. Il devait recevoir, quelques heures plus tard, la visite d’un huissier. Le responsable des associations Cresus analyse ce drame du surendettement.

Cette affaire vous 
surprend-elle ?

Jean-Louis Kiehl. Hélas, dans les cas de surendettement, le suicide n’est pas une exception. Le cas le plus récent est celui d’une mère de famille de Moselle. Elle avait contracté 27 crédits, tous accordés avec une facilité déconcertante, à l’insu de son mari. Elle s’est pendue. Et il y en a d’autres... Tant que vous arrivez à rembourser, vous êtes accueillis avec le tapis rouge partout ; dès que vous ne pouvez plus payer, c’est la meute qui vous poursuit. Et parfois, les gens craquent. Quand une personne verse dans le surendettement, elle a l’impression d’être détruite, d’avoir triché, d’avoir trahi… Pour sortir de l’isolement, il lui faut dépasser ce sentiment de honte qui la paralyse.

Comment les accueillez-vous ?

Jean-Louis Kiehl. Nous leur disons qu’ils ne sont pas plus coupables que les autres, et plus seuls. Quand les gens sortent de chez nous, ils respirent à nouveau. Nous les aidons à se reconstruire. Ceux qui n’ont plus rien à perdre, leurs dettes seront effacées. Mais les personnes issues des classes moyennes, de l’ouvrier au professeur de faculté, seront poursuivies jusqu’à la fin de leur vie. C’est aussi parmi cette population que des gens se suicident.

Le nombre de cas de surendettement ne cesse d’augmenter. Comment enrayer cette hausse ?

Jean-Louis Kiehl. Le carnage peut continuer, c’est inadmissible. Le surendettement en France est monstrueux. Voilà dix-huit ans que nous nous battons pour qu’un registre des crédits, un fichier positif, soit mis en place. Nous savons parfaitement aujourd’hui qu’on ne s’endette pas seulement à cause d’un accident de la vie. On pousse les gens à prendre des crédits. Il faut un garde-fou. Si l’État ne sait pas protéger contre ce risque, à quoi sert-il ?

L’État est-il le seul à mettre 
en cause ?

Jean-Louis Kiehl. Non. Les sociétés de crédit, les banques ne veulent pas de cette régulation. Notre proposition n’avance pas. Pourtant, les expériences étrangères démontrent qu’il est possible de contenir le surendettement, sans nuire au crédit. Car celui-ci est utile. Un travailleur qui a besoin d’une voiture ne va pas trouver l’argent sous le sabot d’un âne. Et, hélas, beaucoup de ceux qui en ont besoin en sont privés.

Entretien réalisé par Dany Stive


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