Corée du Sud : François Delapierre invité au congrès du principal parti de gauche

vendredi 28 janvier 2011.
 

L’internationalisme fait partie des valeurs fondatrices du Parti de Gauche. Depuis sa création le PG tisse des liens avec des organisations politiques de nombreux pays, sur tous les continents.

Présents au Congrès du Parti de Gauche, les membres du KDLP de Corée du sud ont voulu retourner l’invitation au PG. François Delapierre, Secrétaire national du Parti de Gauche publie ainsi sur son blog un récit de cette rencontre. L’occasion de mieux comprendre la situation de la gauche coréenne.

Dans le bain coréen

C’est la première fois que je trouve un instant pour écrire, profitant d’un trajet en voiture de plus d’une heure qui ménage une pause dans mon programme chargé, entamé mardi matin par une longue interview deux heures seulement après un voyage sans sommeil. J’enchaîne rencontres et conférences en Corée du Sud.

J’y suis invité par les militants du KDLP, le principal parti de gauche coréen qui dispose de 5 députés à l’Assemblée (le second parti de gauche, le MPP n’en a qu’un). Ces camarades préparent ce voyage avec beaucoup de soin depuis plusieurs semaines. Car ici aussi un débat a commencé sur le rassemblement de la gauche. Les dirigeants du KDLP coréen voient dans les succès du Front de Gauche un argument de plus pour aller dans ce sens. Leur attention pour les expériences européennes ou latino-américaines est tout à fait remarquable dans un pays peu attentif aux expériences étrangères sinon aux plus consternantes modes états-uniennes (par exemple, en ce moment la Corée vit un déferlement de sectes protestantes néo-conservatrices qui affichent leur proximité avec Bush).

A ce stade je dois une précision à mes lecteurs. Ce que nous appelons en France la gauche et l’autre gauche sont une seule et même chose en Corée. La 15e puissance économique du monde ne compte en effet aucun parti membre de l’Internationale Socialiste, ni même un observateur ou membre associé ! Il est frappant de voir qu’à l’inverse le tout jeune Parti de Gauche y a déjà établi un solide partenariat. Il faut dire qu’être de gauche en Corée demande des dispositions particulières qui ne se rencontrent guère dans les organisations de l’Internationale Socialiste. Il faut résister à une pression terrible. Pas seulement la pression morale et symbolique exercée par les groupes qui structurent la société coréenne (famille, communauté locale, église…) qui rejettent fortement toute remise en cause de l’ordre existant. Mais il faut subir aussi la pression physique exercée par l’Etat. La quasi-totalité des militants que je rencontre ont ainsi fait de la prison. Soit qu’ils aient combattu pour la démocratisation du pays sous les dictatures pro-américaines qui s’y sont succédé jusque dans les années 90. Soit qu’ils aient été réprimés pour leurs activités syndicales. Les lois d’amnistie décidées par le premier président démocrate du pays, Kim Dae-Jung, avaient en effet « oublié » les syndicalistes et aujourd’hui encore plusieurs syndicalistes croupissent en prison pour avoir organisé des grèves illégales. D’autres enfin ont été victimes de la « loi de Sécurité nationale » qui sévit encore et interdit toute activité ou prise de position susceptible de « bénéficier à l’ennemi » nord-coréen ou de démoraliser la nation sud-coréenne.

Je peux donc rassurer mes lecteurs qui s’inquièteraient de mon déplacement en Corée. Je n’ai pas manqué d’aborder la question des violations des droits de l’homme dans ce pays. D’autres l’ont fait avant moi comme les responsables d’Amnesty International. Mais leurs démarches répétées ne sont guère relayées par la presse internationale alors que toute mise en cause de la Corée du Nord est assurée d’une large publicité. Les droits de l’homme sont une chose trop sérieuse pour être instrumentalisée dans la guerre froide qui se poursuit dans le monde et dont ce pays offre sans doute le raccourci le plus saisissant. L’ennemi nord-coréen, baptisé communiste alors même que l’idéologie officielle de ce régime se veut en rupture avec le marxisme, tombe à pic pour justifier une loi de sécurité nationale qui sert à bien d’autres choses qu’à protéger la Corée du Sud d’éventuelles agressions. Des syndicalistes et militants progressistes sont repeints en 5e colonne du communisme nord-coréen et jetés en prison. Juste avant mon départ j’ai ainsi appris que l’un des responsables du KDLP que j’avais rencontré en France à plusieurs reprises ne serait pas du voyage, car il craint d’être arrêté pour ses activités. Il a déjà purgé 7 ans de prison pour son engagement dans le mouvement étudiant et on comprend qu’il n’ait pas envie d’y retourner. Mais ici on n’est pas du genre à montrer ses blessures. Il me le dit donc laconiquement et c’est moi qui cherche à en savoir plus auprès de ses amis. Lesquels me disent qu’il préfère rester libre car il a du travail à faire pour le parti qu’il ne pourrait pas faire en prison. Quand je demande à un de mes camarades si les prisons sud-coréennes sont aussi dures qu’on le dit (Amnesty International par exemple), il me répond sobrement par une formule coréenne « en prison, toutes les saisons sont en hiver ». Mais ajoute que la prison c’est très bien pour étudier. Trouver de la force dans les coups qui s’abattent sur vous : ici c’est une règle de combat et sans doute de vie.


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