2012 : J.-L. Mélenchon propose sa candidature (article de L’Humanité, interview de Mélenchon et Pierre Laurent)

dimanche 30 janvier 2011.
 

Le fondateur du Parti de gauche a officialisé sa candidature pour représenter le Front de gauche à l’élection présidentielle, après celle du député PCF André Chassaigne, annoncée à la Fête de l’Humanité.

On savait déjà qu’il se sentait « capable » de porter les couleurs du Front de gauche à l’élection présidentielle de 2012. L’annonce faite par Jean-Luc Mélenchon sur RMC et sur BFM TV n’était donc pas vraiment un scoop. Hier, le député européen a pourtant décidé de sauter le pas en officialisant sa candidature à la candidature, dans le cadre du rassemblement fondé par le PCF, le Parti de gauche dont il est le coprésident, et la Gauche unitaire de Christian Picquet. « On a bien réfléchi et je propose ma candidature (...). Je la propose d’abord ce week-end à mes amis (du Parti de gauche, qui tient son Conseil national – NDLR), et puis elle va faire son chemin », a déclaré Jean-Luc Mélenchon. Une candidature adressée aux formations du Front de gauche mais « aussi à d’autres » comme le NPA pour « rassembler cette autre gauche », a-t-il expliqué. Le coprésident du PG a inscrit sa proposition de candidature dans une démarche « à construire » dans laquelle le PCF aurait « sa place, qui est évidemment éminente ».

Vote des adhérents du PCF en juin

Jean-Luc Mélenchon est ainsi le deuxième prétendant, après André Chassaigne, à représenter le Front de gauche à l’élection présidentielle (André Gerin est candidat pour représenter le PCF). À la Fête de l’Humanité, le député PCF du Puy-de-Dôme s’était dit disponible pour l’incarner. Hier, il a salué comme une « excellente chose » pour la « diversité » du Front de gauche, la décision de Jean-Luc Mélenchon et souligné l’importance à ses yeux de préserver la « démarche collective » du Front de gauche dans laquelle lui-même se situe. Le député communiste a rappelé qu’il n’était pour sa part en aucun cas engagé « dans une aventure personnelle ou de gloriole ». « Les choses sont claires, a-t-il réaffirmé, je m’alignerai derrière la décision prise par les délégués à la conférence nationale » du Parti communiste, convoquée les 4 et 5 juin prochains, pour faire une proposition de candidature qui sera soumise au vote des adhérents du PCF, les 16, 17 et 18 juin.

D’ici là, reste l’essentiel à débattre entre les formations du Front de gauche, à savoir les « termes du contrat » à passer entre les partenaires, fixant les « conditions politiques, le programme, le dispositif collectif dans lequel devra nécessairement s’inscrire la candidature à la présidentielle », a rappelé le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Le 11 janvier, le PCF a d’ailleurs proposé à ses partenaires de travailler à « un texte d’orientation » du Front de gauche pour 2012 et de mettre en place un « dispositif collectif » de campagne qui « récuse la personnalisation présidentialiste » ainsi qu’un « cadre commun pour les élections législatives, qui doivent être menées de pair » avec la présidentielle. Hier, Christian Picquet a lui aussi insisté sur la nécessité d’accélérer le travail sur « le programme, l’ambition stratégique et à la méthode pour conduire collectivement une campagne respectueuse du pluralisme » du Front de gauche.

Sébastien Crépel

2) Entretien avec Jean-Luc Mélenchon

Le coprésident du Parti de gauche, officiellement candidat à la candidature de la coalition, entend mener une campagne qui allie élections présidentielle et législatives.

La direction de votre parti propose que vous portiez les couleurs du Front de gauche à la présidentielle. Quelle est l’originalité de votre candidature ?

Jean-Luc Mélenchon. La première de mes originalités tient à la démarche : je propose ma candidature. Elle n’est donc pas réglée mais mise en débat. Et puis, par rapport aux autres candidatures de gauche, en particulier socialistes, je ne me situe pas dans le cadre de l’alternance «  à la papa », mais dans le cadre d’un objectif de rupture profonde avec l’ordre établi, que j’ai nommée révolution citoyenne. Celle-ci repose sur un croquis de programme en cinq points, exposés dans mon livre (1) : refondation des institutions, avec une constituante ; partage des richesses en récupérant les 195 milliards confisqués par le capital au travail ; la planification écologique ; la sortie du traité de Lisbonne et enfin la construction d’une autre paix se traduisant notamment par la sortie de la France de l’Otan et son départ d’Afghanistan. À la fin, j’ai bien évidemment l’intention de m’identifier au programme partagé du Front de gauche. L’originalité de ma candidature porte à la fois sur le contenu du programme mais aussi sur la méthode pour l’appliquer, car un tel programme n’est pas applicable d’en haut. Il nécessite une implication populaire permanente à sa réalisation, l’action populaire devenant directement protagoniste du programme lui-même.

Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter si tôt ?

Jean-Luc Mélenchon. Précisément parce que j’estime que nous, nous avons besoin d’une campagne longue pour pouvoir construire une opinion et une adhésion populaire de masse. Ce n’est pas un coup de marketing qui se règle en deux mois sur la base de bonnes images à la télévision. Je suis donc en campagne dans le sens où, pour moi, le processus qui va conduire les partis du Front de gauche à désigner un candidat commun ne peut être administratif. C’est un processus qui va se nouer sous la forme d’une campagne populaire.

Vous auriez souhaité que les directions des trois composantes du Front de gauche « assument leurs responsabilités » en proposant un candidat commun, avant le vote des adhérents. Or tel n’est pas le cas. Quel est, dès lors, le processus envisagé pour obtenir une candidature commune ?

Jean-Luc Mélenchon. Je ne suis effectivement pas dans le scénario auquel j’avais pensé. Mon idée, comme celle d’André Chassaigne, était que les trois directions du Front de gauche formulent une proposition en commun à leurs militants. Dans mon esprit, le PCF avait l’initiative, car il est le parti principal de la coalition et rien ne peut se faire ni sans lui et, à plus forte raison, contre lui. Je m’inscris à présent dans le nouveau paysage. Le PCF fait appel à candidatures pour le Front de gauche, non seulement à ses militants, mais à ceux qui n’en sont pas. Par respect de cette procédure, j’ai proposé ma candidature. Mais cela ne peut pas être un bordereau de candidature que je dépose place du Colonel-Fabien. Au contraire, il faut que ce soit une démarche mobilisatrice.

Mon parti s’est prononcé ce week-end. Le congrès de la Gauche unitaire, début février, adoptera sans doute une position. Chemin faisant, des personnalités, des associations ou des élus peuvent décider d’apporter leur appui à ma démarche.

Vous dites respecter la procédure du PCF dans l’optique qu’il n’y ait qu’un seul candidat du Front de gauche ?

Jean-Luc Mélenchon. Absolument. Et, comme nous allons être présents dans les trois prochaines élections, il faut que la diversité s’exprime. C’est une nécessité : notre union est notre force ! Ce n’est pas une concession que les uns se feraient aux autres par politesses mutuelles. Cette diversité ne peut se manifester autrement que par une pluralité des candidatures. Les 70 % des candidats aux législatives seront proposés par le PCF. Ce sera le cas des 80 % des candidats aux cantonales. Je ne ferai pas de différence dans la campagne entre les candidats, je les soutiendrai tous, quel que soit le parti dont ils viennent. Je souhaite que nous ayons le plus beau des succès aux cantonales, avec un score à deux chiffres, de manière que le Front de gauche entre dans la campagne présidentielle et législative le plus fort possible.

Si le choix se porte sur votre candidature, comment le PCF et la Gauche unitaire peuvent-ils être visibles dans la campagne ?

Jean-Luc Mélenchon. Ils le sont d’abord par leurs idées, car ce n’est pas le sigle qui définit un parti mais ses idées. Par ailleurs, dans le dispositif de campagne, je propose, pour ma part, que le Front de gauche soit coordonné par un communiste. Mais dans mon esprit, la campagne doit s’appuyer sur des comités d’action par circonscription, qui doivent être menés par les candidats aux législatives.

Nous devons nous battre à l’échelle à laquelle s’organisera la rencontre avec le suffrage universel et cette échelle, c’est le scrutin législatif.

Certains estiment que vous n’avez pas toute la crédibilité pour porter la radicalité d’un changement à gauche, vous reprochant de n’être qu’un « deuxième candidat socialiste ». Que leur répondez-vous ?

Jean-Luc Mélenchon. Je n’ai pas honte d’être de culture socialiste. Je ne demande pas aux autres de renoncer à leur histoire. Ma crédibilité est d’avoir rompu avec le mouvement socialiste international.

J’ai rompu politiquement en votant contre le traité de Lisbonne, en 2005. J’ai un bilan critique concret, traduit par des actes. On juge une personne sur ses objectifs. Ne suis-je pas un des coanimateurs, un des cofondateurs du Front de gauche ? Et puis, je ne suis pas identique à eux. On ne peut pas à la fois vouloir la diversité et s’en offusquer. La diversité n’est pas un prétexte, c’est une réalité.

Ne pensez-vous pas que vos diatribes antisocialistes peuvent faire fuir des électeurs de gauche vers le vote utile PS au premier tour ?

Jean-Luc Mélenchon. Je récuse le terme de diatribes. Si on ne débat pas avec les candidats socialistes, pourquoi alors ne pas présenter les mêmes candidats ? Nous avons de sérieuses divergences avec les socialistes. Il ne s’agit pas de compétition pour des parts de marché électoral.

Comment voulez-vous tendre vers le moindre progrès social sans affronter les agences de notation et les banques, par exemple ?

Je veux que l’on réfléchisse, que l’on discute, et que les électeurs socialistes entendent, car ils savent que j’ai été trente ans membre du parti. Il ne faudrait pas par convenance que chacun monologue.

(1) Qu’ils s’en aillent tous, vite, la révolution citoyenne. Éditions Flammarion, 10 euros. jean-luc mélenchon

3) Pierre Laurent (PCF) interviewé sur la candidature Mélenchon

Source : La nouvelle République du centre Ouest 22 janvier 2011

La NR : Mélenchon, candidat autoproclamé... Il veut aller vite, c’est gênant ?

Pierre Laurent : « Du tout. Cela résulte de l’appel à candidatures internes lancé depuis des mois déjà. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise. »

Mais cela fait trois candidats désormais, c’est beaucoup et presque trop, non ?

« La période de postulation court jusqu’au 8 avril, date de notre convention nationale. Cela nous laisse le temps d’examiner chaque dossier. D’ores et déjà, celle d’André Gérin, député maire de Vénissieux (Rhône) ne s’inscrit pas dans la même trajectoire puisqu’il refuse la logique du Front de gauche. »

Ce qui le disqualifiera ? Que faire de la candidature de témoignage de l’autre André, André Chassaigne ?

« L’idée d’une candidature commune au Front de gauche est une idée majoritaire au sein du PCF. Par ailleurs, l’initiative d’André Chassaigne, élu du Puy-de-Dôme, ne relève pas du témoignage, je le conteste. Il n’y a rien à gagner à notre effacement. Le Parti, deuxième force d’opposition, demeure le meilleur atout du Front de gauche. »

Et un allié, dans l’hypothèse d’une victoire socialiste en 2012 ?

« Notre fonction ne se cantonne pas à la protestation. Elle est indispensable, nous y participons, mais nous prétendons aller au-delà et sommes prêts, comme souvent dans notre histoire, à prendre toutes nos responsabilités. Y compris au gouvernement. Vingt ans durant, la gauche dans l’opinion se résumait au PS. La donne a changé. Beaucoup le constatent, ils hésitent, attendent un signe. »

Dans l’intervalle, il faut un candidat et un vrai programme.

« Nous les aurons et nous y travaillons. Nous sommes loin encore du printemps 2012, vous savez. Le rythme démocratique n’est pas celui des médias. Je sens une dynamique porteuse mais on ne fera jamais marcher la gauche dans le culte du chef. »

Même en jouant sur les effets d’estrades et le populisme, comme Jean-Luc Mélenchon l’admet luimême  ?

« Je proteste. On est en train de nous fabriquer un épouvantail, celui du prétendu populisme de gauche faisant le pendant à la mise en scène de Marine Le Pen. Comme si le Front national était à 20 %. Or nous en sommes loin ! Nous avons des atouts, notre programme, partagé avec de nombreux partenaires, notre pratique citoyenne, notre lucidité sur les choses. Nous devons rester combatifs, ce qui n’est plus le cas au PS. Remobiliser notre électorat. Je récuse avec la même vigueur le scénario d’une gauche impuissante et celui d’un FN propulsé au sommet. »


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