Une journée dans le Rhône "La braise... marchera en tête des évènements formidables qui se lèvent. J’en suis certain comme un Tunisien"

mardi 8 février 2011.
 

Vendredi j’étais dans le Rhône. On dit « j’étais à Lyon pour faire court mais c’est assez réducteur. Là on se trouvait à Vaulx-en-Velin. J’ai fait la visite au bras de Maurice Charrier l’ancien maire de la commune, bien connu des Français pour son action dans le domaine de ce qu’il est convenu la « politique de la ville ». On a d’ailleurs plaisanté avec son successeur, Bernard Genin, sur l’inconvénient qu’il y a à succéder à une star. De fait, si sur le terrain tout le monde vient serrer la main du maire, dès qu’il s’agit de « Maurice », on voit autre chose. Les uns le prennent dans leur bras, les autres bousculent tout le monde pour lui dire un mot d’affection. Lui garde un air tranquille en toutes circonstances. J’envie cette sorte de sérénité.

Quant à moi, je marchais, fier comme Artaban, aux côtés du candidat aux élections cantonales que présente le Front de gauche. C’est le directeur de l’école du quartier. Un homme jeune, grand et tranquille. Je le vois bâti à chaux et à sable, le sourire vissé sur les lèvres. Le cœur semble simple et droit. C’est Nacer Denfir.

Je suis ainsi fait qu’un instituteur ou une institutrice m’a toujours semblé appartenir à une sorte d’élite humaine. Sans doute parce que ma mère était institutrice. Puis maintes personnes dans la parentèle de ma fille. Ma mère commença sa carrière à l’école d’un bidonville en lisière de Tanger, puis parmi les petits cauchois d’Yvetot que limitaient d’autres obstacles bien plus cruels encore, tel cet alcoolisme ambiant qui révulsait les expatriés d’Afrique du nord que nous étions alors et qui n’avaient pas idée d’un tel fléau. Et, quelles que soient les circonstances, toute discussion avec un instituteur ragaillardit. Il ne traite jamais d’un enfant autrement que comme d’une personne perfectible. Le métier est bâti sur un humanisme en béton armé et une confiance dans l’humanité qui est un réconfort. Si vous doutez de tout allez discuter avec un « instit » pour reprendre pied dans le gout du futur. La suppléante de Nacer Denfir est Michèle Tortonese. Elle est infirmière. Voici donc un tandem d’humanistes professionnels. Une fois ce tableau mis en place, est-ce que l’on ne se sent pas capables de vider la mer avec ses mains ? Rien ne me rend plus fort dans ma tâche que de me savoir le porte parole de telles personnes. Il s’agit juste d’amener le drapeau à bon port électoral. Notre culture politique ne mourra pas. La relève est disponible. Elle entre en scène. Il faut souffler délicatement sur la braise. Elle marchera en tête des évènements formidables qui se lèvent. J’en suis certain comme un Tunisien.

Voici le récit que j’ai lu dans France soir de ma journée passée à Vaulx-en-Velin, Lyon et Villeurbanne. « Mélenchon, épuisé et heureux ». Reportage à Lyon.

« Dans la Renault Mégane qui le conduit au meeting qu’il doit tenir ce vendredi soir à Lyon, Jean-Luc Mélenchon dort : le président du Parti de gauche (PG) est fatigué, éreinté même. Une semaine plus tôt, il a officiellement fait acte de candidature à l’investiture du Front de gauche (PG et PC) pour l’élection présidentielle. Avant, Mélenchon ne s’économisait déjà pas : aujourd’hui, il se donne à fond. Une campagne de terrain qui l’aura conduit la semaine passée à Bordeaux, Lyon puis Grenoble. Une campagne médiatique aussi : invité d’Europe 1 et du Parisien hier matin, le leader d’extrême gauche est omniprésent dans les médias qu’il continue, par ailleurs, de brocarder. Avant de rejoindre les 200 personnes venues l’écouter à l’union locale CGT de Lyon, Mélenchon confie d’une voix douce, les traits tirés et les yeux rouges : « C’est bien que vous soyez venus. Que vous réalisiez l’épreuve physique que représente une campagne… »

« Plus tôt dans la journée, l’ancien sénateur PS de l’Essonne était, comme il dit, « chez lui ». Plus précisément dans une cité de Vaulx-en-Velin, banlieue populaire et communiste près de Lyon. « Chez lui » parce que, désignant le groupe d’une quarantaine de badauds qui l’entoure, essentiellement composé d’immigrés, Mélenchon assure : « Je les connais depuis une demi-heure, et j’ai l’impression de les connaître depuis toujours. » Venu inaugurer une gigantesque fresque murale peinte sur un pan d’immeuble et qui représente les habitants de la cité, le candidat l’observe longuement. Puis il fait « coucou » à une dame qui l’alpague de sa fenêtre et part se réchauffer dans une salle du quartier où l’attend un café. Ils sont quelques-uns à être venus écouter « un homme politique qui les tutoie amicalement et qui parle bien aux gens », pour reprendre l’expression d’Aziza, une mère de famille ravie de voir « en vrai » celui qu’elle ne voyait jusqu’ici « qu’à la télé ». A l’heure du goûter, c’est un Mélenchon vibrionnant qui prend la parole. On a le sentiment qu’il s’adresse à ces quelques sympathisants comme il parlerait sur la scène d’un Zénith. Il s’envole immédiatement : « Nous avons pour point commun une grande déchirure et le goût du bonheur », lance-t-il. Avant d’embrayer sur les dangers de la mondialisation, la nécessité d’un système éducatif plus juste et la leçon de « courage » donnée par les Tunisiens. Pour Mélenchon, il n’y a pas de fatalité face à la domination de ceux qu’il nomme « les belles personnes », les « importants ». C’est pourquoi, ici comme ailleurs, il exhorte son auditoire à « ne pas baisser les yeux ».

Et la fresque ? A la fin, il y revient : « Elle est superbe parce que j’en ai vu de drôlement moches que j’en voudrais pas chez moi (sic), tandis que celle-là, elle est très belle. » Applaudissements. Avant de repartir du quartier, un dernier mot à son hôte, le maire de Vaulx-en-Velin, Bernard Genin. « Bon, on va y arriver ou pas ? » sourit Mélenchon. Genin est communiste, et le PC ne se prononcera qu’en juin sur le choix du candidat qu’il soutiendra. D’ici là, le patron du Parti de gauche doit convaincre les élus communistes réticents qu’il est l’homme de la situation.

« Convaincre aussi les militants. Comme Maurice, par exemple, venu se faire dédicacer « Qu’ils s’en aillent tous ! » (le best-seller de Mélenchon, déjà vendu à 60.000 exemplaires) dans une librairie de Villeurbanne. Maurice a apposé un gros autocollant PCF sur son blouson. Mélenchon ouvre le livre que Maurice lui tend, et dessine un grosse bulle autour de la citation de Jaurès qui ouvre le bouquin : « La nature et l’histoire – malgré leur brutalité, leur férocité – sont un cri d’espoir. ». Et il ajoute sa petite dédicace : « Tu vois, voici notre message fondateur. » Puis Mélenchon se tourne cette fois vers un militant PS, et l’en conjure : « Si t’es socialiste, vas essayer de nous chercher quelqu’un d’autre que Strauss-Kahn ! » « Le VIIIe arrondissement de Lyon, 19 h 40, ce vendredi soir. Le parking de la Maison du peuple. Après une interminable traversée de la ville en voiture, Mélenchon attend dans un froid scandinave le début d’un direct pour la télévision lyonnaise. Une interview expédiée en… deux minutes. Le temps de manger à la main quelques tranches de jambon, le candidat enfile son costume de tribun et, pendant plus d’une heure, sans note et dans un rythme crescendo, fait frissonner la salle. Tour à tour, il invective, il proclame, il récite l’histoire de France et il tape sur le pouvoir. Questions de la salle, réponses de l’orateur. Le courant passe. Sur l’estrade, Mélenchon apparaît à la fois épuisé et dopé. Dopé comme quelqu’un qui, toute la journée, a entendu : « On compte sur toi, Jean-Luc. On a besoin de toi… ».


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