A Dakar, le FSM au cœur de la poudrière sociale sénégalaise

jeudi 3 février 2011.
 

Le Forum social mondial s’ouvre aujourd’hui à Dakar, gagnée par l’exaspération contre le pouvoir en place. Ce dernier, inquiet des révoltes dans le monde arabe, tente d’éviter la propagation du syndrome Ben Ali. Dakar, envoyée spéciale.

C’est au cœur d’une poudrière sociale que doit s’ouvrir, ce dimanche à Dakar, le 11e Forum social mondial, traditionnel rendez-vous des altermondialistes de la planète. Partout, sur les murs de la capitale sénégalaise, des affiches de la coordination des centrales syndicales reflètent l’exaspération qui règne dans le pays  : « Halte aux délestages  ! », « Nous exigeons la baisse sensible des prix des produits et services de première nécessité ». Depuis plusieurs mois, la flambée des prix des produits de base (farine, sucre, huile, riz) nourrit une colère à l’origine de nombreuses manifestations. Conjugué au vent de révolte qui souffle sur le nord du continent, le malaise social tourmente les autorités. Au point que mercredi, le ministre du Commerce, Amadou Niang, a promis le « blocage » et la « diminution » sans délai des prix de sept produits.

Annonce qui a laissé les Dakarois incrédules et qui restait hier sans effet sur les étals. « Le pouvoir tente d’éviter à Wade le syndrome Ben Ali », grince, à la une, le quotidien le Populaire. Autre source de colère, les délestages électriques, devenus récurrents, qui affectent les foyers, mais aussi tous les étages d’une économie déjà durement frappée par les effets de la crise globale. En guise de réponse, le président Abdoulaye Wade avait confié, en octobre, le portefeuille de l’Énergie à son fils, le très impopulaire Karim Wade, au risque d’alimenter les accusations de népotisme, voire de corruption, dont la presse et l’opposition accablent chaque jour le clan présidentiel. « Wade n’a rien à envier à Moubarak. Lui aussi croit pouvoir imposer une succession dynastique. Lui aussi reste aveugle aux souffrances de son peuple, frappé par des hausses de prix insoutenables. Nous ne sommes pas à l’abri d’une réédition du scénario des émeutes de la faim de 2008 », s’alarme Magatte Thiam, le secrétaire général du Parti de l’indépendance et du travail (PIT, communiste).

Sur le campus de l’université Cheikh-Anta-Diop, qui accueille le FSM, les altermondialistes ont commencé à converger. À l’ombre de tentes dressées pour l’occasion, des étudiants s’affairent aux derniers préparatifs. Membre du comité d’organisation de l’université, Seidou Sankho résume l’insupportable sentiment d’exclusion qui étreint la jeunesse sénégalaise  : « Nos conditions d’études sont déplorables. Malgré nos diplômes, nous savons que nous ne trouverons pas de travail, surtout avec l’explosion actuelle du chômage. La jeunesse est frustrée, sans avenir, elle vit dans l’obscurité. Ses demandes sociales comme son aspiration à l’émancipation politique sont ignorées ou méprisées. » Pour cet étudiant en philosophie, qui suit de près les événements tunisiens et égyptiens, le pays, dans un contexte très différent, « peut connaître la même explosion que les pays arabes ».

Rosa Moussaoui


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