Les sondages surnaturels de Dominique Strauss-Kahn

mardi 1er mars 2011.
 

Cette fin de semaine, Strauss-Kahn était à Paris. Donc sa machine de propagande s’est mise en mouvement. L’armée de communiquants qui l’entoure et influence divers médias frappe tout azimut. Je suis dans les cibles. L’artillerie m’a pilonné préventivement. Valls et Huchon en première ligne comme d’habitude. Non pour me faire taire, ils savent que c’est impossible. Mais pour intimider les concurrents internes dans le PS. Et la machine à bétonner l’espace médiatique s’est mise en route. Une batterie de sondages est tombée, plus aberrante que jamais, à couper le souffle ! Un succès total. Pas une voix pour contester les résultats de ces étranges « enquêtes ». Mais d’abondants commentaires ont été produits pour discuter les cas de figure annoncés et en « tirer les enseignements ». La palme au journal “Marianne”, dont la satisfaction fait plaisir à lire ! “Après quinze jours de tabassage par l’extrême gauche, la gauche et la droite, quinze jours aussi de tintamarre sondagier d’où il ressortait un chuintement de chute, voilà Dominique Strauss-Kahn encore plébiscité comme champion de la gauche et, plus largement, des oppositions à Nicolas Sarkozy. Ah, certes, reconnaissons-le sans fard, il dégringole… d’un point au premier tour, et de 3 au second par rapport à la précédente enquête de l’institut CSA du 20 janvier dernier. Mais le patron du FMI demeure à des hauteurs himalayennes, autrement dit surréalistes, en tout cas dans l’hypothèse… hypothétique du duel final où il écrabouillerait le président sortant : 61 % à 39 %. Vingt-deux, v’là l’écart abyssal entre le tenant du titre et le challenger socialiste ! » Tout y est ! Le « tabassage d’extrême gauche », la brèche colmatée de la chute annoncée quelques jours auparavant, l’écart avec les autres socialistes, la négation de la fragilité structurelle du candidat. Tout ça parce qu’il est là, et qu’il va aller sur France 2 dimanche soir. Et parce qu’il faut enrayer la montée des concurrents socialistes. Ça passe ou ça casse ! Pourtant, la seule lecture attentive devrait faire réfléchir. La gonflette pour Strauss-Kahn oblige à procéder à un véritable cul par dessus tête de la carte politique. Comment cette carte peut elle avoir évolué au point de placer l’extrême droite au seuil de remplacer aussi bien le candidat de droite que celui de la gauche si le roi des sondages nous fait l’honneur de nous illuminer par sa candidature ?

Pour nous au Parti de gauche, cette opération est la manipulation de trop. Il est temps de réagir si nous ne voulons pas nous faire voler cette élection par une bande de trafiquants professionnels. Nous engageons donc une campagne sur le thème. Note-brochure, affiches, tracts. Il faut briser l’autorité de ces rebouteux. Car ils s’apprêtent à nous faire sauter à la corde pendant toute l’élection ! Sans oublier les règlements de compte annexes que cela permet. Ainsi sur radio Arlette Chabot, Europe 1, un zélé nommé Ludovic Vigogne a déjà annoncé que j’allais hurler à la manipulation à cause de mon « mauvais classement » qui me mettrai à la peine. Une grande cervelle de cette sorte ne peut imaginer que j’ai d’autres raisons d’agir que mon intérêt personnel. Ni que je puisse me moquer de ces sortes de consultations de rebouteux de la politique. Mais il a tort de sous estimer mon orgueil. Je suis très fier de ma position unique et singulière dans ces nobles enquêtes scientifiques. Je suis un prodige. Surtout quand je me compare à mon camarade Olivier Besancenot. Je suis estimé à un niveau inférieur au résultat électoral du Front de Gauche et à mon propre résultat dans les urnes. Olivier lui, par contre est estimé au double du résultat de son parti et au sien propre ! C’est pas beau ça ? En regardant le détail je vois que son choix en faveur de femmes voilées est le bon puisqu’il a le double de femmes que d’hommes dans ses électeurs et le double de mon cas, cela va de soi. Sans oublier que je n’ai aucun électeur parmi les 18/24 ans. Un fait frappant aussi est que dans cette enquête aucun électeur communiste de Marie-George Buffet ne voterait pour moi, pas davantage l’une quelconque des personnes proches politiquement du NPA ou de LO. La science des sondages permet des découvertes stupéfiantes.

Donc, et pour faire bref, je ne prends rien au sérieux dans ce genre d’élucubrations ! Sinon leur impact sur ceux qui les découvrent et les croient. Car elles sont payées pour produire l’effet « push » comme disent les américains qui ont inventé cet art. Ça c’est pour le client qui paye directement ou par l’intermédiaire de ses amis. Quant à l’officine, cet exercice téléphoné est exclusivement destiné à faire vendre du papier et à recueillir de nouvelles commandes. Mais ces enquêtes font du mal à la démocratie qu’elle nient et ridiculisent. Elles provoquent une accoutumance du public à des classements ubuesques qui semblent obéir à des règles mystérieuses. Elles ont un effet démoralisant sur les militants et les citoyens engagés qui se paie cher à la sortie, en abstention. Le soir du vote, les instituts de sondage sont tous démentis. Il ne leur en coute qu’un jour où deux de honte. Puis la vie et les bonnes affaires repartent. Comme disait Ben Ali : « pourquoi ca ne durerait pas toujours ».

Mais si une question innocente pouvait posée ce serait la suivante : « pourquoi faites vous des sondages sur une élection présidentielle qui aura lieu dans quinze mois et pas sur les cantonales qui vont avoir lieu dans un mois ? » Evidement je connais la réponse : un sondage sur les cantonales avec ces scores sera démenti par les urnes. Le Front national à 20% aux élections cantonales ça n’existe pas. Tout simplement. Je ne nomme personne d’autres pour ne pas faire trop de peine. De même un résultat aux présidentielles annoncé quinze mois avant n’a pas davantage de signification. Donc ce trafic ne veut rien dire. C’est un bobard. Il faut le faire payer aux intéressés. D’où notre colère. Pouvons-nous agir ? Oui. D’abord en faisant campagne pour discréditer ces boites à bidonnage. Dans les réunions, les meetings il faut les faire huer comme nous l’avons fait pour d’autres jusqu’a ce que devienne un lieu commun des plaisanteries populaires de dire « menteur comme un sondeur », « acheté comme un sondage » et ainsi de suite. Il faut retourner l’arme de la disqualification contre ceux qui la manient. Dans le court terme nous avons un excellent argument.

Une proposition de loi a été adoptée par le Sénat pour règlementer l’activité des instituts de sondages. Elle émane d’un sénateur socialiste, Jean Pierre Sueur, et d’un sénateur UMP, Portelli. Elle a été adoptée à l’unanimité. Ce texte prévoit notamment d’obliger les entreprises de sondages à publier les chiffres bruts qu’ils recueillent. Car ce sont ces chiffres qui sont ensuite bidouillés pour produire des prédictions d’intention de votes conformes à ce que le consensus médiatique juge plausible. Ou qu’elles tripotent pour produire des scoops qui feront parler d’elles. Ce texte a été adopté malgré l’opposition du gouvernement. L’Assemblée nationale ne semble pas pressée de l’examiner. Nous pouvons la faire connaitre car la lire c’est comprendre aussi de quoi sont capables les entreprises concernées. Evidemment nous devons réclamer son application. D’ores et déjà nous mettons au défi ces instituts de publier les résultats bruts de cette vague d’enquête comme si la loi était déjà votée !

De notre côté nous diffusons une note d’étude dans tout notre parti et parmi les médias pour rappeler un peu d’histoire sur le sujet des sondages. Nous allons éditer une affiche et faire un tract de grande diffusion. Est-ce disproportionné ? Non. Ce n’est même pas au niveau de ce qu’il faudrait faire contre ce hold-up de la démocratie que sont ce type de fabrication de l’opinion. Evidemment cela ne marchera que sur le mode de la gouaille et moquerie. Faites nous confiance.


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