Que faire après le NPA ? (par Hendrik DAVI)

mardi 22 février 2011.
 

Le premier congrès du NPA se termine. L’image qu’il donne est celui d’un parti sans boussole, déchiré tant sur la stratégie, sur les questions démocratiques que sur la laïcité. Sur ces trois questions, je suis en désaccord avec la ligne majoritaire qui a été finalement choisie par les militants ; elle n’est pas de nature à dépasser le triple échec du NPA.

Echec sur la construction de l’alternative politique : Je pense qu’il fallait répondre positivement au Front de Gauche pour préparer dans l’unité les luttes et les prochaines échéances électorales. Aller vers l’unité ne voulait pas dire mettre de coté nos divergences, mais enrichir un collectif. Le NPA développe une critique globale du système et pointe à raison les dangers de l’institutionnalisation et de la bureaucratie. Sa présence aurait donc été utile au FdG. En tournant le dos à cette éventualité, le NPA bloque la possibilité d’une alternative crédible à gauche. Or c’est ce dont nous avons le plus cruellement besoin.

Echec sur le mode d’organisation : La gauche connaît aussi une crise de militance. Nous n’avons pas su réinventer une nouvelle forme d’engagement et d’organisation en politique. Le NPA était porteur d’espoir. Il fonctionnait sur un mode fédératif avec une large possibilité d’expérimentation pour des comités de base à forte autonomie. Or très vite le NPA a tourné le dos à ce chaos créateur comme l’appelle P. Corcuff. Dès qu’un comité ne suit pas la ligne (par exemple sur le voile ou sur les cantonales avec le FdG), il subit un harcèlement permanent. De plus, l’organisation horizontale a laissé la place à un centralisme où tout est décidé par une minorité de camarades influents.

Echec sur l’ouverture aux quartiers : Le NPA avait réussi à toucher des militants des quartiers populaires. Il n’a pas su du tout s’adapter en conséquence. Sa direction a fait comme les autres. Certains ont essayé de les instrumentaliser en faisant le coup de tintin dans les quartiers avec ses copains arabes. Mais dès que ces nouveaux amis (Abdel Zahiri par exemple) sont devenus trop indépendants politiquement et surtout trop gênants (à cause du débat compliqué sur la laïcité), la direction du NPA a tout fait pour s’en débarrasser. Le tort du NPA sur l’affaire du voile a d’abord été de refuser d’entamer le débat au sein du parti avant que les médias s’en empare et surtout après de se livrer à une véritable chasse aux sorcières (nous accusant dans les médias d’islamistes). Pour finir, une majorité de militants du NPA ont voté pour une motion qui aboutit à légaliser la discrimination au sein du NPA : une musulmane croyante portant le foulard a le droit d’adhérer mais pas de représenter le Parti.

Je pourrais rallonger cette liste d’échecs en rappelant l’absence de débat réel sur la question syndicale ou l’impossibilité de donner à l’écologie la place centrale qu’elle devrait occuper dans la lutte anticapitaliste malgré les efforts de la commission écologie. Il y a aussi eu des points positifs comme la convivialité, la jeunesse de l’organisation, l’élargissement sociologique de la base militante, ou le travail des commissions.

Je suis rentré à la LCR en 2003. En son sein, je me suis toujours battu pour l’unité au sein de la gauche de gauche (2007, européennes et régionales). Si le NPA avait été un rempart à ce qui nous menace le plus : le racisme et sa variante à la mode, l’islamophobie, j’aurais continué à accepter d’être minoritaire, mais là je préfère quitter définitivement. ce navire à la dérive. De mon point de vue, actuellement construire le NPA est même contre productif pour qu’une alternative émerge à gauche.

Alors que faire ?

Tout d’abord, je pense qu’il faut contribuer à renforcer l’organisation et la défense des salariés car les attaques contre le code du travail sont de plus en plus violentes. S’il n’y avait qu’une chose à faire ce serait celle ci : construire les syndicats ! Il faut absolument les renforcer car sinon nous n’aurons même plus les droits élémentaires qui nous donnent la possibilité de lutter. Donc je vais continuer le travail syndical (je suis à la CGT depuis 5 ans) et y accorder plus de temps.

Ensuite, il faut continuer les différents combats politiques mais sous une forme différente et plus efficace. Une urgence est notamment d’éviter la scission entre les quartiers populaires dont les populations sont largement issues de l’immigration postcoloniale et la classe moyenne française. Le FN se tient en embuscade et c’est in fine le seul qui profitera de ce fossé.

Pour combler ce fossé, il faut que les militants des quartiers est toute leur place à égalité quelque soit l’âge à lequel ils ont quitté l’école ou leur religion. Or ce n’est pas possible tant que la gauche radicale leur niera le droit à l’expression. Puisqu’aucun parti de gauche ne veut de musulmans et que nous ne voulons pas nous résigner à cette discrimination, avec mes anciens membres du comité quartier populaire 84, nous avons donc décidé de fonder une nouvelle force : AJCRVE : Agir pour la justice contre le racisme, la violence et l’exclusion sociale.

Nous nous situerons résolument contre la marchandisation du monde, la misère sociale et le racisme. Mais surtout notre volonté est d’être ceux qui combattront pour que la gauche rassemble largement, y compris ceux qui sont croyants ou issus des cités et plus généralement tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le formatage des partis habituels. Nous essaierons aussi de réinventer un fonctionnement plus démocratique en mettant le militant au cœur de notre démarche. Nous devons dépasser les logiques d’appareil. Ce n’est pas avec des partis sclérosés ne rassemblant que des blancs issus des classes moyennes que nous réinventerons une alternative à cette société. Nous souhaitons apporter une pierre à l’édifice pour sortir de cette impasse.

Personnellement je vois cette nouvelle force, non pas comme une fin mais comme un outil dans un Front social et politique large et plus unifié qu’il ne l’est aujourd’hui (une sorte de FdG élargi). Je ne crois plus au parti guide rassemblant en son sein toutes les contradictions de la classe. Je pense que nous devons aller vers des fédérations larges où différentes associations ou partis se rassemblent pour un objectif commun tout en conservant leur identité. L’alternative politique ne naîtra que de la convergence ces différentes rivières. Nous proposons de jouer un rôle d’aiguillon sur une des questions : celle de l’islamophobie et du racisme.

Ceux qui sont intéressés par cette démarche qui partira d’abord d’Avignon, peuvent nous contacter : contact@ajcrev.org.

Pour les autres, amis et camarades qui font le choix de rester au NPA, je ne doute pas que nos chemins se recroiseront.

Hendrik Davi


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