Sur l’articulation de l’idée républicaine avec les formes nouvelles de la matrice révolutionnaire

samedi 19 février 2011.
 

La révolution est, dans sa forme comme dans son contenu, urbaine. Liée à l’interdépendance du grand nombre concentré sur un territoire. D’autre part, elle est absolument mixte. Cette mixité est d’ailleurs le signal de la profondeur du processus en même temps qu’elle est un révélateur d’une uniformisation des moeurs mille fois plus vive que le discours ou les apparences le laissent croire en temps ordinaire. Ici les bourreurs de cranes découvrent que les arabes ne sont nullement résignés à la tyrannie, ni endormis dans la religion. De même les femmes arabes ne sont nullement de pauvres objets sans conscience civique. Bref, n’en déplaise aux Le pen, ce sont des êtres humains en proie aux exigences universelles de liberté et d’égalité dont la philosophie des Lumières et la grande révolution de 1789 a montré qu’elles formaient le décalogue des temps contemporains.

Ces aspects je les avais analysés du temps où j’étais socialiste, après 1983 et j’en avais fait un texte qui servi de document de fondation à la NES, en 1988, premier groupe constitué avec Julien Dray à l’époque. Je ne le dis pas pour me vanter car le titre du texte est calamiteux : « la social démocratie urbaine ». Nous étions obsédés par l’idée de ne pas paraitre ringard. En 1988, un an avant la chute du mur de Berlin, la social démocratie, ça le faisait encore. Le journal « Politis » de l’époque en publia des bons morceaux. Puis en 1991, dans un livre intitulé « A la conquête du Chaos », je repris et étendis l’analyse. La prémice théorique était que la croissance de la population mondiale, l’extension des villes, l’universalisation du statut salarial et la diminution de la paysannerie, enfin l’uniformisation des modes de vie, donnaient des caractéristiques communes nouvelles à l’humanité comme jamais dans l’histoire. Pour nous, le monde était jeune, urbain, et collectif de fait. Dés lors la révolution serait à cette image. A l’époque n’existait pas internet. Il a donné depuis un support matériel et une réalité matérielle à cette interdépendance généralisée de l’humanité dans une capacité à communiquer instantanément, sans trêve et sans cout. Mais ce fut quand même, cet été 1988, un rude choc intellectuel avec divers camarades qui voyaient dans cette thèse une terrible remise en cause de l’orthodoxie marxiste telle qu’il la pensait. On s’expliqua, notamment en rappelant que le matérialisme historique consistait à étudier les faits davantage que l’idée qu’on s’en fait.

Bien sur, cette vision n’enlève rien à l’analyse de l’exploitation, de l’accumulation du capital, ni au rôle central de la forme de la répartition de la richesse qui se noue dans le travail. Mais cela remettait en cause la forme sous laquelle se constituerait « le mouvement réel qui abolit l’état actuel et sa conscience » selon la formule marxiste. Cette forme est décisive, cela va de soi. La façon avec laquelle les phénomènes se manifestent ne peut être séparée de leur nature. Des années plus tard, ce fut au club « La République Sociale » que nous avons formalisée l’articulation de l’idée républicaine avec cette forme nouvelle de la matrice révolutionnaire. Puis, au Parti de Gauche, nous avons avancé jusqu’à la thèse de la révolution citoyenne dont il a été question ici si souvent. La caractéristique nouvelle est que la question sociale, tout comme la question écologique, se présentent sur la scène comme une demande de démocratie et de souveraineté populaire. Le processus révolutionnaire commence par un fait social ou écologique puis il transcroit en révolution démocratique dont les premières taches sont institutionnelles, civiques, constituantes. La souveraineté populaire est la question numéro un sans laquelle aucune autre ne peut être réglée. Désormais la révolution socialiste est citoyenne dans sa méthode comme dans sa finalité. Cela signifie que la forme du lien social émancipateur nouveau est civique. Dans ce contexte, les évènements de Tunisie et d’Egypte ne confirment ni n’infirment aucune thèse antérieure. Ils les refondent toutes.


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