Le Front de gauche doit proposer la nationalisation du secteur de l’eau

jeudi 3 mars 2011.
 

L’eau n’est pas une marchandise  ! Chacun en conviendra. C’est une ressource naturelle, gratuite dans la nature, indispensable à la vie. Trois jours sans eau et nous sommes morts. Pourtant, l’histoire industrielle de notre pays a conduit, à contre-courant de ce qui se passe dans le monde, à confier l’approvisionnement de nos concitoyens en eau potable à des intérêts privés.

D’année en année, cette gestion a fait l’objet de multiples critiques  : surfacturation, opacité de gestion, faible entretien des réseaux, tarification dégressive selon la consommation au détriment de la protection de la ressource, etc.

Depuis une dizaine d’années, de plus en plus de collectivités retournent en gestion publique. Le coût de revient du service de l’eau baisse toujours d’environ 25% dès que l’on passe du privé au public. La seule suppression de rémunération des actionnaires permet cette économie, tout en réalisant plus d’investissements et avec un meilleur entretien.

Le Front de gauche doit s’emparer de cette thématique pour la porter dans son programme de gouvernement. Nous devons intégrer la gestion de l’eau dans un grand service public. Pourquoi  ? Tout d’abord, il en va de l’égalité d’accès entre tous les citoyens. Que l’on soit de la ville ou de la montagne, près d’un fleuve ou d’une source, nous avons chacun besoin de la même quantité d’eau pour survivre. Pourtant, le traitement de l’eau a un coût différent. Le tarif sur la facture est donc différent. Avec un service public national, nous pourrions homogénéiser le tarif d’accès au service de l’eau afin qu’il soit le même dans toute la France.

Ensuite, nous ne pouvons attendre le bon vouloir des collectivités locales. Certaines préfèrent le partenariat public-privé, nous le savons. Cela laisse toute latitude aux multinationales pour continuer à faire croire que la gestion publique est difficile, risquée, et qu’elle répond à une logique d’économie d’échelle. Ce sont trois arguments facilement réfutables pour qui se penche un tant soit peu sur la question.

Bien sûr, la gestion de l’eau a besoin de structures largement déconcentrées, implantées localement. C’est la condition pour que les représentants d’usagers puissent s’investir dans les outils de gestion. C’est aussi ce que permet une gestion publique par rapport aux majors de l’eau. L’intérêt général guidant la politique qui doit être menée, l’implication citoyenne prend tout son sens et permet de définir les priorités locales en matière d’investissement. La rédaction d’un règlement du service de l’eau pourrait être élaborée dans la concertation avec les usagers.

Enfin, cela permet d’avancer sur un bon nombre de contenus. Lorsque la logique est celle du profit, c’est une autre façon de considérer l’accès à cette ressource naturelle indispensable à la vie. Une véritable politique publique d’intérêt général pourrait alors être mise en place. Si nous considérons que l’eau est indispensable pour vivre, nous devons instaurer la gratuité des premiers mètres cubes d’eau, soit 30 mètres cubes par an et par personne.

Le tarif d’accès à l’eau potable ne peut être le même selon qu’il s’agisse de consommation familiale ou à usage industriel ou commercial. Utiliser l’eau pour la production, c’est se servir d’une ressource naturelle pour faire des profits  : il faut en tenir compte. Ainsi, ce peut être l’usage professionnel de l’eau qui paie la gratuité des mètres cubes indispensables à l’usage familial.

Une politique d’installation de fontaines publiques peut également être prévue.

La progressivité du tarif du service de l’eau doit être la règle. Plus on consomme, plus on s’éloigne d’une consommation d’eau nécessaire pour entrer dans le superflu  : au-delà de 30 mètres cubes par personne, la facture doit prendre en compte ces usages de conforts.

Tout ceci est possible  : dans bon nombre de communes, ces projets sont déjà à l’ordre du jour. Il est temps de s’appuyer sur ces exemples pour les généraliser à tout notre pays et en faire bénéficier chaque usager.

En France, la réponse à la constitution d’un grand service public porteur de ces valeurs et de ce projet de société passera par la nationalisation ou renationalisation des entreprises dont les actionnaires ont confisqué les savoir-faire. La mutualisation du coût de gestion de l’eau potable et du service d’assainissement ne pourra se faire qu’à l’échelle nationale avec une gestion décentralisée au niveau des communes ou intercommunalités.

Enfin, une autre coopération internationale autour de l’eau doit être pensée lorsque 884 millions d’individus dans le monde n’ont toujours pas d’accès à l’eau potable et 2,6 milliards n’ont pas accès à des services d’assainissement de base comme des toilettes ou des latrines.

L’argent dégagé sert aujourd’hui essentiellement à l’expansion des multinationales dans les pays du Sud. Alors que le retour en régie gagne du terrain, les majors de l’eau tentent de s’implanter à l’étranger. Or, dans le monde, c’est dans 80% des cas le secteur public qui gère l’eau. Si la France doit aider les pays dont les populations souffrent du manque d’eau potable, la puissance publique n’a pas à aider à la marchandisation de l’eau.

Dans les domaines de l’eau et de l’assainissement, nous ne sommes pas confrontés à des choix techniques mais bien aux choix politiques de redonner aux élus et à la population la gestion des services.

(*) Auteur du livre l’Eau n’a pas de prix, vive la régie publique.

Gabriel AMARD

Gérard Piel


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