Tunisie 27 février 2011 : le jour où Ghannouchi a dégagé

vendredi 4 mars 2011.
 

Aujourd’hui, j’avais prévu de vous parler du travail intérimaire en Tunisie. Je reporte le sujet à demain. Enfin pas tout-à-fait, car la raison de ce report c’est la « fin de mission » d’un super travailleur temporaire : Mohamed Ghannouchi s’est fait jeter à la rue par la rue.

Deux jours à peine après la gigantesque manifestation de ce vendredi (25/2) le Premier Ministre inoxydable (en place depuis 1999 sous Ben Ali), est donc dégagé. C’est un nouveau coup d’accélérateur donné par le processus révolutionnaire en Tunisie. Peu avant la démission de M. Ghannouchi, L’UGTT a indiqué, dans un communiqué rendu public à l’issue de la réunion de son Bureau exécutif, « que le gouvernement actuel doit »démissionner immédiatement« et être remplacé par un gouvernement composé de technocrates dont la mission prendra fin avec l’élection d’une Assemblée constituante ».

Un nouveau pion saute, mais il ne faudrait pas oublier que derrière ce bonhomme un peu fade, tous les restes du régime Ben Ali sont toujours en place.

Petit retour 40 jours en arrière : le mandat de Premier Ministre de Ghannouchi n’a été interrompu que quelques heures du 14 au 15 janvier 2011 pour prendre alors le poste de Président de la République après la fuite de Ben Ali (préalablement les deux hommes s’étaient mis d’accord sur ce scénario). A cette date du 15 Janvier, et après le passage de poste de Président à Foued Mbazaa, ce dernier demande à Ghannouchi de former un gouvernement provisoire. Il forme un gouvernement puis le remanie ( le 27 janvier) après le premier sit-in à la casbah. Friaa, Morjane et autres ministres de l’ancien régime ont alors laissé place à des soi-disant indépendants.

Fin janvier, après une semaine de « siège », lorsque des milliers de Tunisiens avaient campé sous ses fenêtres, le Premier ministre avait transféré son cabinet au palais présidentiel de Carthage, dans la banlieue sud de Tunis.

Outre la mobilisation croissante de la population tunisienne (avec un sit-in permanent depuis une semaine devant la kasbah, des actions partout dans le pays, et la grande manifestation de vendredi), ces derniers jours ont été marqués par une série de faits entre lesquels il est difficile de ne pas tenter de faire des rapprochements : d’abord un grand silence du gouvernement sur la question libyenne, pas un mot de soutien à cette révolution qui emboîte le pas à celle du peuple tunisien. Ensuite, une répression larvée contre les occupants de la casbah, des bandes de provocateurs et voyous qui semblent bien épargnés par les forces de l’ordre, alors que les manifestants pacifiques subissent les tirs de sommation et les gaz lacrymogènes.

Des morts ces vendredi et samedi soir au cours d’incidents sur lesquels beaucoup de questions se posent. Le suicide suspect d’un haut responsable de la police le samedi. Parallèlement, une série de mises en scène autour de la découverte de la cache dans le palais de la famille Ben Ali à Sidi Bou Saïd, de la découverte d’un où l’autre ancien « corrompu », la publication d’une liste de 110 personnes dont les biens seront saisis,… On semble tout centrer sur Ben Ali & Co pour mieux occulter l’immense responsabilité des milieux d’affaires (et particulièrement européens) et de leurs valets politiques dans la persistance de cette double dictature (celle du capital et celle de Ben Ali).

Pendant ce temps-là, les Chicago-Boys du gouvernement, les PDG nouvellement promus dans une série de boîtes stratégiques, les bureaux de consultants, les « experts » en tous genres, s’empressent de remettre de l’ordre dans les « affaires », spéculant sur les restes du gâteau du clan Ben Ali/Trabelsi à se partager. Le « Grand Casino » doit rouvrir au plus vite, on a déjà accroché la banderole « Nouvelle Direction ».

Il ne reste plus qu’à faire taire la rue. Mais la rue est tenace.

Je ne sais pas ce qui se passera demain. Une chose est sure : par leurs mobilisations quotidiennes, la population tunisienne et sa jeunesse sont à la base d’un large mouvement de décantation de la société tunisienne.

Un verrou saute, d’autres suivront.

Freddy Matthieu


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