Japon : L’intérêt général humain explose à la conscience de l’esprit le plus buté

dimanche 20 mars 2011.
 

Les tremblements de terre dévastateurs comme celui du Japon sont davantage que des évènements catastrophiques d’un jour particulier. Ce sont des dates dans l’histoire humaine d’ensemble et dans celle des prises de conscience collective. Le moment de notre histoire sollicite notre intelligence alors même que les marchands de sottises font tant de tapage.

Le tremblement de terre de Lisbonne au dix huitième siècle relança d’une façon incroyable la controverse sur la validité des "Lumières". La ville avait été entièrement détruite. Toutes les explications obscurantistes au phénomène firent alors florès. On colporta que c’était la malédiction de la comète, la punition de Dieu. Tant de sottises mirent en scène, parmi les élites, la puissance du raisonnement des philosophes qui tenaient à distance ces interprétations abrutissantes. D’un mal affreux vint, en ce sens, un bien. Une prise de conscience de ce qu’un mode d’explication du monde venait de mourir du fait même de son absurdité. Va-t-il en être de même aujourd’hui. En tous cas, il faut y travailler.

L’unité du genre humain est prouvée par la catastrophe au Japon. Et aussi la domination des forces physiques de la nature quand elles se déploient. Si l’histoire humaine est celle de son effort pour maitriser ces forces, alors ce que nous venons de vivre signale une impasse. Notre modèle de développement fixe au mauvais endroit ses priorités. Au lieu de s’organiser face à l’inéluctable pour le préparer et le maitriser, il se donne des finalités de court terme qui ignorent le futur. Les tremblements de terre sont inéluctables. Les raz de marée qui vont avec le sont tout autant. On ne sait ni quand ils vont intervenir, ni quelle ampleur ils auront. Mais on est certains qu’ils auront lieu. Reconnaissons que les Japonais ont anticipé les évènements. Et nous ? Est-ce que nous faisons de même ?

Nous nous sentons tous solidaires des victimes de cette catastrophe. L’instinct humain parle juste. La maison du pauvre est engloutie comme celle du riche. L’un et l’autre, même s’ils en réchappent, soit l’un soit l’autre, perdent famille, voisins et amis en même temps. A cette heure, l’idée que les êtres humains sont semblables est la plus forte. Et ce sentiment balaie tous les miasmes du racisme et de la morgue sociale. L’intérêt général humain explose à la conscience de l’esprit le plus buté. Ce sentiment est plein de politique. Il nous enseigne qu’il n’y a qu’un écosystème humain. Il nous dit qu’il existe bien un intérêt général humain. Il nous rappelle que les humains sont semblables et égaux en droits face aux malheurs qui les frappent. Et puis chacun voit bien que ce n’est pas le marché qui va permettre de faire face au désastre, mais la solidarité et l’Etat. Devant le défi le plus profond lancé à la condition humaine, la bonne réponse s’appuie sur le raisonnement de gauche.

Nous devons aussi en tirer des leçons pour notre propre pays. D’abord constatons qu’une population collectivement éduquée aux risques y fait face mieux que dans l’imprévoyance et l’impréparation. Les japonais ont été incroyablement disciplinés et pleins de sang froid. Ce n’est pas une disposition génétique ! C’est une qualité acquise par l’éducation et la préparation collective. L’implication populaire dans ce domaine comme dans tous les autres est la clef de tout. A quoi sommes nous préparés ici en France ? Ensuite, ferons-nous cette fois-ci le constat qu’une politique conséquente face aux catastrophes naturelles doit être planifiée de longue date ? La planification écologique ne fait-elle pas la preuve de son absolue nécessité dans cette circonstance ? En premier lieu la démonstration est faite que la sortie du nucléaire est une option du débat concret et non pas seulement une simple doctrine alternative.

N’importe où une telle catastrophe aura lieu, elle sera doublée d’un désastre nucléaire qui impliquera toute la planète, tous les êtres humains. Dans notre écosystème perturbé par le productivisme nous serons tous des japonais un jour où l’autre. Chez nous en France il y a cinquante huit centrales nucléaires contre cinquante quatre au japon. Alors que nous sommes deux fois moins nombreux. Nous sommes le seul pays au monde qui a installé un réacteur nucléaire en amont de la capitale et sur le bord du fleuve dont elle tire son eau d’usage. Je vous informe qu’en cas de problème la solution prévue est d’ouvrir le barrage de l’Aube comme une chasse d’eau pour envoyer toute la pollution dans la Manche et de capter l’eau de la capitale dans la marne ! Chez nous l’industrie nucléaire et concentrée dans la vallée du Rhône où se trouve également l’essentiel de l’industrie chimique du pays. Dois-je évoquer le risque que fait peser la privatisation progressive d’EDF et ses obsessions financières devenues prioritaires ? Ou celui de la privatisation de la sous-traitance notamment dans l’entretien des centrales ? Mon propos n’est pas d’effrayer. Juste de dire que le moment est venu de se rendre compte de la réalité. Juste d’y faire face, les yeux ouverts. La sortie du nucléaire ne se fera pas en un jour. Raison de plus pour s’y mettre dès maintenant sans plus tarder. Peut-être verra-t-on d’une manière moins amusée dans nos milieux le petit film présenté dans la vidéothèque de ce blog à propos de notre visite à la centrale géothermique de Soultz sous forêt.

Japon : Du tsunami à l’alerte nucléaire (7 articles et un dessin)


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