Procès du bitume "Messieurs les nantis du CAC 40, soyez maudits !"

vendredi 3 août 2012.
 

Le 10 mai 2010, le tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass) de Bourg-en-Bresse condamnait Eurovia, filiale du groupe Vinci, pour « faute inexcusable », à la suite du cancer de la peau qui a emporté, à cinquante-six ans, José-Francisco Serrano-Andrade, travailleur de la route depuis 1986.

Un rassemblement s’est tenu devant le Palais de Justice. Frédéric Mau, délégué syndical central CGT d’Eurovia Rennes et responsable de la Fédération CGT de la construction s’est adressé en ces termes aux salariés concernés, aux grands groupes de l’industrie routière et au Medef.

« Aujourd’hui, la justice aura à traiter du devenir des salariés de l’industrie routière, de leur niveau de citoyenneté. En effet, comment comprendre que tous les jours 85 000 hommes et femmes, investis dans les besoins fondamentaux de construction de voies de communication de notre Nation puissent être considérés comme quantité négligeable et jetable sur les problématiques de fond que sont la vie et la mort. Quel décideur peut tolérer que ses salariés soient envoyés à l’abattoir, et ce au quotidien, dans le cadre de leur travail, en maîtrisant dans le même temps la gravité des risques encourus et en pratiquant l’omerta sur ces risques afin d’éviter une image professionnelle peu reluisante et ainsi la fuite partielle de ses actionnaires ?

Nous construisons des routes depuis 130 ans dans ce pays. Nous avons toujours payé un lourd tribu dans cette activité. Ô pas forcément visible puisque nous avons droit soit à une mort violente, soit à une mort lente dans des souffrances indescriptibles, selon nos affinités avec le destin ou la grande faucheuse. La morbidité est telle, qu’elle est complètement assimilée par nos compagnons. C’est notre culture, aussi imprégnée dans nos esprits que peut l’être le bitume sur nos visages et nos mains. Aussi ancrée et forte que peut l’être la fatalité sur la nécessité de répondre en priorité, et ce quel qu’en soit le prix, aux besoins de nos familles. Même le temps d’incubation des différents cancers dont nous sommes victimes font partie intégrantes de nos mécaniques d’esprit : « on verra plus tard », « normalement les enfants devraient être tout juste élevés et la maison finie de payer… »

A ce jour et pour la première fois en France, une famille s’élève et hurle qu’il y en a marre de perdre nos pères, nos maris, nos frères, nos fils… Par son courage sans concession aucune, par sa détermination sans cesse attaquée et néanmoins indéfectible, la famille Andrade-Serrano a décidé de livrer combat. Pour elle, pour ce défunt mari et père, pour tous ! Et en cela, la Fédération nationale des salariés de la construction, bois et ameublement CGT n’avait d’autre choix que de se joindre à elle. Depuis le 10 mai 2010, jour de la condamnation contre la profession, en première instance du Tribunal des Affaires de Sécurité sociale (TASS), notre travail d’investigation nous a amenés à plusieurs découvertes. Toutes sont liées et ne dépendent en fait que d’un seul élément, à savoir les résultats des études épidémiologiques pratiquées depuis les années soixante, tant au champ national et européen que mondial. On nous amuse depuis cinquante ans sur les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et ce diable de Benzo(a)pyrène, molécule hyper cancéreuse, épouvantail par excellence. On nous amuse et surtout on s’emploie à orienter les recherches et autres études, avec l’aval d’une poignée de scientifiques reconnus et très bien rémunérés. Trop ?

Messieurs les nantis du CAC 40, soyez maudits !! Vous, tous ! Qui avez organisé ce mensonge sur des décennies, au nom du sacro-saint profit, en continuant de vous bâfrer sur un monceau de cadavres. Bien sûr que l’on ne trouve rien dans les produits épandus ! Puisque ce type de molécules n’entre pas ou si peu dans leur composition. Par contre, nous avons trouvé une poignée de chercheurs, de médecins du travail et de préventeurs qui ont vu leur carrière bousillée pour avoir eu l’audace de chercher ailleurs. Des combattants, qui n’ont pu poursuivre leurs travaux sur le Thiophène, sur l’analyse globale des constituants des fumées, sur les volumes et les types de recyclage de produits industriels ajoutés aux formules globales des enrobés !

Sur les enrobés fluxés, sur les routes amiantées, sur les enrobés abti-kérosène etc. C’est bien cette partie morbide de « poker-menteur » qui a coûté la vie à José Francisco Andrade Serrano et à bien d’autres, dans des souffrances sans aucune mesure avec ce que peut supporter l’humain. Ô ça n’a pas été fait méchamment ! Depuis toujours les salariés souffrent et meurent en silence pendant que les profits s’accumulent. C’est un long fleuve qui s’étire tranquille dans le confort et l’abondance ! Eh bien aujourd’hui messieurs, la fête est finie et l’heure de payer la note est venue ! Quelle que soit la décision que prendra le tribunal à l’issue des débats, nous allons continuer d’amasser les témoignages, continuer de recenser nos morts, qu’ils soient au beld, au Portugal, ou en France. Afin de vous faire plier, fortement, pour faire autrement, autrement et mieux. Car ceci est possible et nous ne vous en laisserons pas le choix. Comme vous ne nous avez pas donné le choix avec la réforme des retraites, mise en musique par votre représentant qui siège à l’Elysée. Une réforme qui ne signifie qu’une seule et unique chose à nos yeux : l’allongement des durées d’expositions chimiques sans protection, ainsi qu’une multitude d’autres expositions sur un ensemble de risques. Sept salariés sur dix n’atteignent pas l’âge de la retraite (60 ans) en activité, pour raison de santé ou reconversion professionnelle ou décès. Un mort tous les deux jours et une trentaine de mille en invalidité permanente par an dans le BTP ! C’est beaucoup plus que les forces de Gendarmerie, de la Police, des pompiers et de l’armée réunies. Sans aucun ministre aux enterrements ! Et en ce qui nous concerne, cela occuperait un ministre à temps plein ! M%ais nous préférons rester entre nous, avec nos morts ! Sans être à nouveau pollués par l’hypocrisie et afin de conserver notre dignité et notre fierté.

Et pourtant des solutions existent. Les produits de substitution existent. Les équipements de protection collective existent. les compétences et parfois la sagesse de ceux qui œuvrent au quotidien sont là, prêtes à être utilisées à bon escient. Mais c’est bien de vos égos et de votre arrogance en termes de freins, dont il s’agit.

Messieurs les décideurs de la SCREG, de la SACER, d’Eurovia, de la COLAS, de Eiffage TP, de Bouygues, pour les principaux majors, soyez assurés de notre détermination ! Nous irons jusqu’au bout. le serment en a été fait auprès de Mme veuve Serrano-Andrade.

L’article L 4121-1 du Code du travail prévoit et met à la charge de l’employeur, l’obligation de veiller à la santé physique et mentale des salariés. Le tarif quand un patron se fait condamner se situe dans les 30 000 euros environs. Pour le Code pénal et s’agissant d’un homicide par empoissonnement, le tarif est de 30 ans de réclusion ! Le MEDEF ne veut pas convenir de négocier les temps d’exposition et de la pénibilité en général. Nous allons vous démontrer que le choix n’est plus permis. Notre offensive dans la mobilisation est déjà en marche et elle a dépassé les frontières de l’hexagone. Une seule et unique famille est déjà partie en guerre contre cette injustice sans égale. Comptez sur nous, demain, nous serons légion ».

Laurence Mauriaucourt

Francisco José Serrano Andrade : Les dangers du bitume sortent de l’ombre

Le tribunal des affaires sociales de Bourg-en-Bresse a reconnu la faute inexcusable de la société Eurovia (groupe Vinci) à l’encontre d’un ouvrier exposé au bitume et décédé d’un cancer de la peau.

A lors que l’amiante est souvent l’arbre qui cache la forêt des produits cancérogènes, une brèche vient de s’ouvrir dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, avec un premier jugement dans une affaire de bitume. Le tribunal des affaires sociales de Bourg-en-Bresse (Ain) a reconnu hier la « faute inexcusable » de la société Eurovia, filiale du géant Vinci, poursuivie par la famille de l’un de ses ouvriers, décédé en juillet 2008, à cinquante-six ans, d’un cancer de la peau. Embauché en 1986,

UNE TUMEUR AU VISAGE QUI LE CONDUIRA AU décès

Francisco José Serrano Andrade, d’origine portugaise, travaillait comme « vannier » à l’épandage du bitume sur les routes, jusqu’à ce qu’il se découvre en 2006 une tumeur au visage, qui le conduira au décès dans d’atroces souffrances. Le caractère professionnel de la maladie avait été reconnu par la Sécurité sociale en mars 2007, mais la reconnaissance de la faute inexcusable souligne la responsabilité de l’employeur, qui « avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé ce salarié, et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver », et le condamne à verser des dommages et intérêts à sa famille. Pour l’avocat lyonnais de la famille, Me Jean-Jacques Rinck, il s’agit d’une « première nationale professionnelle » qui « va faire jurisprudence » et qui devrait inciter les pouvoirs publics à « légiférer avec les scientifiques pour interdire en France l’usage du bitume et du goudron ». « La plupart des ouvriers sont des étrangers qui meurent au pays, ce sont des gens invisibles », déplore-t-il. Lors de l’audience, le 12 avril, l’avocat avait produit le témoignage d’un collègue de M. Andrade, selon qui les ouvriers travaillaient sans masque pour se protéger de vapeurs dont la dangerosité est pourtant reconnue. Résidu de la distillation du pétrole, le bitume, chauffé à 160 degrés, voire 240 degrés pour être travaillé, dégage « des fumées nocives » pour les ouvriers exposés par inhalation ou par passage percutané, souligne l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Le bitume provoque des irritations des yeux, de la gorge, du nez, de la peau, un état de fatigue, des maux de tête, des atteintes du poumon, mais aussi des cancers puisqu’il contient des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérogènes.

« Un groupe comme Vinci ne pouvait ignorer les risques encourus, les raffineurs eux-mêmes livrent ces produits avec des fiches d’information », explique Me Rinck. De son côté, l’avocat d’Eurovia s’était contenté à l’audience de nier toute exposition de M. Andrade au bitume, imputant le cancer de la peau à la seule exposition au soleil. Hier, l’entreprise a continué dans le registre de la dénégation, en estimant que « ce jugement va à l’encontre des études les plus récentes, qui ont conclu à l’absence de lien entre le bitume et toute forme de cancer ». L’avocat du groupe a qualifié la décision du Tass (tribunal des affaires de Sécurité sociale) de « stupéfiante », et a annoncé que la société faisait appel.

Zanni


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