Canal Saint Martin : Une première action collective avec les SDF

lundi 25 décembre 2006.
 

Ce 2 décembre 2006, l’association "Les enfants de Don Quichotte" essaie d’apporter une aide aux SDF et d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur leur sort. Empêchés d’apparaître publiquement par la police, baladés et trompés par divers "responsables", ils décident une action surprise pour le 16 décembre.

Pour information, voici le texte publié par l’association à ce moment-là :

" Après la bérézina du 2 décembre, nous sommes en pleine réorganisation. Tous ceux qui étaient là ont pu constater que nous avons été muselés, que l’on nous a interdit de manifester notre indignation. On nous a trimbalés de Concorde à Bastille, on nous a mentis, on nous a empêché de sortir les tentes... alors que nous en avions le droit. Comment expliquer que l’on nous dise qu’il est interdit de camper à Paris alors que 3000 tentes sont dépliées un peu partout par les SDF ?

Nous ne voulons pas la guerre avec la police, nous voulons juste ouvrir les yeux des médias, des politiques, des téléspectateurs, des citoyens !

Ils nous forcent à nous organiser, alors nous allons nous organiser !

Nous camperons le 16 décembre, dans un endroit que nous vous communiquerons le moment venu. Nous sommes en contact en ce moment avec la préfecture de police de Paris pour que ce prochain rassemblement soit autorisé. Dans le cas contraire, nous serons contraints de dissoudre l’association et de tous être responsables solidairement de cette action. D’après Me Henri Leclerc, avocat, ancien Président de la Ligue Française des Droits de l’Homme, nous ne risquons rien, sauf d’être délogés par les forces de l’ordre. Dans ce cas, il faudrait absolument rester pacifique et ne résister que passivement.

Nous nous organiserions comme suit : Nous vous communiquerons le lieu du campement au tout dernier moment. Nous vous dirons comment recevoir l’info, soit en appelant une hotline, soit en recevant un sms... on verra. Il faudra être prèts à 11H00 précises à venir le plus vite possible au rendez-vous fixé, avec vos tentes, duvets, cartons (...). Nous serons évidemment non-violent, sans bannière ni drapeau. Inscrivez seulement sur vos tentes "SDF" ou "HOMELESS". Nous ne serons que des citoyens qui, un jour, ont décidé d’être SDF.

Certains SDF viendront camper avec nous, et si les forces de l’ordre n’évacuent pas le campement, une équipe d’enfants de don quichotte et la presse appeleront les autres SDF, qui seront prévenus, à venir nous rejoindre.

En province, les actions s’organisent aussi..."

Le 16 décembre donc, l’association installe des tentes le long du canal Saint Martin. Malgré des menaces d’intervention policière, des SDF de plus en plus nombreux rejoignent le campement.

Lundi 19 décembre, la température chute soudain et menace de mort tous les SDF parisiens. Beaucoup se sont regroupés dans un secteur un peu protégé du vent, près de la gare d’Austerlitz. Réaction de Nicolas Sarkozy et du gouvernement : la police les "déloge".

Les médias commencent à rendre compte de l’action du canal Saint Martin.

Le mouvement est bien plus grand que France 2 l’en a fait paraitre : le nombre de tentes deployé est de plus d’une centaine ; il y a bien plus de 30 SDF qui participent au mouvement, et le nombre de benevoles bien logés depasse largement la centaine.

A partir de ce lundi 25 décembre 16 heures, appel a été lancé à créer des points d’"accueil" du même type dans toutes les grandes villes.

La charte de l’association est la suivante :

" Seront appelés Enfants de Don Quichotte tous les hommes et femmes décidés à se mettre en danger pour combattre l’injustice sociale et restaurer la dignité des personnes, décidés à se mettre en danger pour sauver les principes fondateurs de notre démocratie et faire respecter les droits humains élémentaires, décidés à se mettre en danger pour promouvoir une société fraternelle et faire entendre la voix de ceux qui n’en ont plus. "

" Seront appelés Amis des Enfants de Don Quichotte tous les citoyens et citoyennes qui, par quelques moyens que ce soit (actions, dons, encouragements, présences, protection, etc...) aideront ou soutiendront un enfant de Don Quichotte à réaliser son action citoyenne. "

NB "Se mettre en danger" ne signifie en aucun cas une prise de risque physique ou corporel. L’intégrité de la personne physique est une valeur fondamentale que nous ne saurons remettre en cause. La mise en danger en question est de nature sociale, notamment par rapport au regard et au jugement d’autrui.

Dix jours après l’installation à Paris d’un campement de tentes pour alerter l’opinion sur le drame des mal-logés et des SDF, l’association Les Enfants de Don Quichotte maintient la pression et en appelle à Jacques Chirac.

L’association a contribué à relancer le débat sur l’exclusion en installant récemment près de 200 tentes le long du canal Saint-Martin pour inviter la population à y passer la nuit par solidarité avec les sans-abri.

"Nous attendons maintenant la réponse du président de la République à notre Charte", a déclaré un des membres de l’association, qui se fait appeler François, joint par téléphone.

Les Enfants de Don Quichotte ont rédigé la "Charte du canal Saint-Martin" pour "permettre l’accès de tous à un logement" selon ses promoteurs. Elle demande notamment l’ouverture de structures d’hébergement "24 heures sur 24 et 365 jours par an" et une vraie politique du logement, avec la création de "plus de logements sociaux".

"C’est un aspect très important, ce ne sont pas des mesures qui peuvent se dissocier les unes des autres, on ne peut pas agir sur un seul levier", fait valoir François.

Auparavant, une délégation de cinq "campeurs" du Canal, dont deux véritables SDF, avait été reçue pendant plus d’une heure par la ministre déléguée à la Cohésion sociale Catherine Vautrin.

Aucune annonce précise n’a été faite à l’issue de cette rencontre alors qu’un sans-abri de 58 ans a été trouvé mort mardi dans le centre-ville de Belfort (Territoire de Belfort).

Selon Les Enfants de Don Quichotte, la ministre est d’accord sur le bien-fondé de leur Charte, "mais le gouvernement ne veut pas débloquer les moyens pour mettre en oeuvre ces mesures."

Malgré l’absence de réponse concrète des pouvoirs publics, Les Enfants de Don Quichotte n’entendent pas baisser les bras, même si deux de ses responsables qui avaient entamé une grève de la faim le jour de Noël ont cessé leur jeûne mardi.

L’association a reçu mardi le soutien du Secours Catholique qui estime "essentiels" les articles 1 et de 2 de la Charte qui demandent l’ouverture permanente des centre d’hébergement. Droit au logement avait accordé le sien dès le 18 décembre.

La CGT a également apporté mardi son soutien à "l’initiative spectaculaire lancée à Paris le long du Canal Saint-Martin".

La Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés disait étudier la Charte mercredi après-midi avant de prendre éventuellement la décision de la signer. Son délégué général Patrick Doutreligne a qualifié l’initiative des Enfants de Don Quichotte d’"intéressante" dans la mesure où elle remet le problème "sur le devant de la scène politique et médiatique."

En revanche, la Fondation se dit "un peu plus réservée" sur l’appel à la population à venir dormir sur le canal Saint-Martin par solidarité. "Si les gens ont besoin de ça pour toucher la problématique des sans-abri, pourquoi pas", a toutefois ajouté Patrick Doutreligne.


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