La Libye en débat au parlement européen

mercredi 16 mars 2011.
 

Nous avions à nous prononcer sur une motion commune à tous les groupes en tant que tels. Sauf le groupe GUE, celui où je siège. En effet il n’est pas parvenu à un accord interne sur la ligne à suivre. Mais notre président de groupe, Lothar Byski, de "Die Linke", l’a signé. Cette résolution commune comportait un paragraphe, numéro 10 qui fit débat. Il propose en effet de se « tenir prêts » à l’application d’une « mesure d’exclusion de l’espace aérien libyen ». Ce point 10 faisait largement problème entre nous au groupe. Mais aussi dans les rangs de nos partis respectifs compte tenu de la gravité du sujet. Comme souvent dans ce genre de débat, les arguments respectifs sont très pointus et souvent contradictoirement convaincants. Il faut donc une solide boussole de principe pour répondre à la question posée. Pour ma part j’ai bien compris qu’il ne pouvait être question de décider tout seul.

J’ai donc beaucoup consulté, par téléphone. Au dernier moment. Car rien n’avait été prévu ni organisé en amont. J’ai fixé mon vote en accord avec la direction du PCF, celle de la Gauche Unitaire, et naturellement celle du Parti de gauche, notamment du bureau de sa Commission des relations internationales. Autant dire qu’il y a eu une intense activité de sms et de coups de téléphone. Pour faire comprendre notre position, je donne d’abord le texte exact du paragraphe concerné par cette affaire d’espace d’exclusion. Mieux vaut en effet débattre à partir de textes précis plutôt que par ouïe dire. Le voici dans la version officielle en langue française.

Le parlement européen " invite la haute représentante et les États membres à se tenir prêts pour une décision du Conseil de sécurité concernant d’autres mesures, y compris la possibilité d’instaurer une zone d’exclusion aérienne pour empêcher le régime de prendre pour cible la population civile ; souligne que toute mesure émanant de l’Union et de ses États membres devrait être conforme à un mandat des Nations unies et se fonder sur une coordination avec la Ligue arabe et l’Union africaine, en encourageant ces deux organisations à guider les efforts internationaux".

Il résulte de ceci que la décision d’exclusion de l’espace aérien ne sera pas prise par l’Union Européenne. Mais qu’elle s’y tient prête. A plus forte raison ne peut-elle l’être à l’initiative d’un de ses membres comme le propose monsieur Sarkozy. Si elle doit l’être ce sera par l’ONU en lien avec la Ligue Arabe et l’Organisation de l’Unité Africaine. C’est-à-dire par les organes institutionnels de la seule « communauté internationale » légitime. Avant de trancher sur ce point j’ai été vérifier auprès d’anglophones que l’utilisation du mot « should » était bien impérative comme je le comprenais et donc nullement conditionnel comme le serait « would ». Détail ? Non puisque c’est de là qu’est traduit dans la version française que les décisions « devrait » être conforme à un mandat de l’ONU. Dans ces conditions j’ai voté pour la résolution et le passage concerné, avec l’explication de vote que voici.

« J’ai voté pour le texte et les mesures proposées concernant l’espace aérien dans le but d’aider le peuple en action contre le tyran qui le bombarde. Mon vote s’entend dans le strict cadre suivant : tout acte de guerre comme la création d’une zone d’exclusion aérienne ne peut être décidée que par l’ONU et exclusivement par elle. Cette action doit être placée sous l’autorité du commandement militaire de l’ONU et lui seulement. Toute décision doit être prise en concertation avec l’organisation de l’Union Africaine et de la Ligue arabe. Je m’oppose formellement à l’idée états-unienne de bombardement préventif et à l’intervention de l’OTAN. Tout autre développement nécessiterait un autre texte et d’autres dispositions. » Mes deux dernières phrases sont des réserves que je voulais marquer contre une exploitation de ce vote pour justifier des actes d’escalade militaire dont je connais parfaitement le risque.

Mon vote a ses objectifs. Le premier est d’aider concrètement la révolution libyenne. Pour cela il faut aussi compter sur l’effet de pression pour un départ qui s’exerce sur Kadhafi et ses sbires à mesure que son isolement international s’accroit et que cet isolement prend la forme d’une menace. Deuxièmement, et c’est tout aussi important, parce que ce texte fait de l’ONU et des organisations internationales légitimes les protagonistes directs de l’action. Tous mes votes précédents, dans le passé, contre les guerres avaient le même motif. Ils furent émis par opposition à ce fait que rien ne fut jamais décidé par l’ONU mais par l’OTAN. L’ONU est représentative de toutes les nations du monde. L’OTAN est une alliance politico militaire autour des Etats Unis d’Amérique qui la dirige d’après leurs intérêts d’empire. J’ai toujours dit que, dans ce cas, quand la décision était prise par l’OTAN, le remède serait pire que le mal. Cela ne s’est démenti nulle part. Que ce soit en Irak, dans le Kosovo serbe ou en Afghanistan. Voyez le bilan.

L’ordre international établi dans ces conditions est d’abord l’ordre des américains. Tel fut le cas de la première guerre du Golfe dont le secrétaire général de l’ONU à l’époque déclara qu’elle n’était pas « légale ». Tel fut le cas de l’intervention en Serbie. Absolument contraire au droit international puisque faite sans mandat de l’ONU dans un pays membre de l’assemblée et pour le scissionner. Quand à l’invasion de l’Afghanistan elle fut faite à l’initiative de l’OTAN, de nouveau. Certes, l’ONU reconnu aux USA un « droit de légitime défense ». Mais rien ne prouva jamais que ce fut à bon escient. En effet les USA n’ont jamais donné, ni cherché à donner la preuve, que c’était bien d’Afghanistan qu’était partie l’organisation de l’attentat du onze septembre. Il est vrai que sur dix neuf personnes arrêtées, onze étaient saoudiennes !


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