Appel au boycott du Téléthon par des catholiques : analyse d’un échec

dimanche 4 décembre 2011.
 

Lancée depuis le département du Var un mois avant le Téléthon, l’appel au boycott de responsables de l’église catholique a échoué.

Il y a deux causes principales à cet échec. La première, c’est la notoriété du Téléthon qui est devenue une institution avec une image extrêmement positive dans la population, associée à une forte implication des media. La deuxième, c’est que les arguments préparés par les intégristes n’ont pas fait mouche dans l’opinion, ce qui prouve une fois de plus l’isolement grandissant de l’église catholique, arcboutée sur des positions réactionnaires et incapable de contribuer au débat qui accompagne les évolutions scientifiques, médicales, et sociétales.

La première question que nous devons nous poser, c’est de savoir d’où est partie l’attaque ? L’offensive des catholiques a des origines multiples, mais le terrain a été préparé depuis plusieurs années par la mouvance des disciples de Jérôme Lejeune. Il s’agit de catholiques intégristes, tendance Lefebvriste, et très au fait des questions de bioéthique. Les raisons de leurs oppositions au Téléthon sont plus anciennes et plus profondes que ce que nous ont présenté les media. En effet, Jérôme Lejeune, aujourd’hui décédé, est le découvreur en 1959 de l’origine génétique de la trisomie 21. Or l’Association Française contre les Myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, a concentré ses investissements sur les maladies géniques. Les maladies qui ont pour origine notre patrimoine génétique (schématiquement composé d’ADN, organisé en gènes, eux-mêmes regroupés en chromosomes), peuvent se classer en maladies chromosomiques (comme la trisomie 21), qui concernent des chromosomes dans leur entièreté, et en maladies génétiques, qui concernent un ou plusieurs gènes, c’est à dire une infime partie de chromosome. L’AFM ne se sentant pas concerné par les maladies chromosomiques, elle n’a pas développé d’investissements dans la recherche ou l’accompagnement des malades de maladie chromosomique, et la Fondation Jérôme Lejeune est devenue un de ses principaux détracteur. Ainsi, depuis plusieurs années, elle communique à la veille de chaque Téléthon pour essayer de le déstabiliser, mais sans écho jusqu’à cette année.

Ce n’est pas sur cette question, pourtant fondamentale à leurs yeux, que les intégristes ont porté leurs attaques. C’est à propos des recherches sur l’embryon et le diagnostic pré-implantatoire (DPI). Grace à la découverte du professeur Lejeune, le DPI permet, au cours d’une fécondation in vitro, de sélectionner un embryon indemne d’une maladie génétique que ses parents risquaient de lui transmettre. Cela évite donc soit la naissance d’enfants aujourd’hui incurables, avec tout ce que cela implique pour l’enfant et ses parents, soit un avortement décidé après que la maladie a été découverte lors d’un dépistage prénatal, c’est à dire en cours de grossesse à l’occasion d’une amniocentèse.

Cela montre que le radicalisme qui consiste à considérer que quelques cellules indifférenciées issues de la rencontre provoquée entre un spermatozoïde et un ovule dans un laboratoire sont un être humain au même titre qu’un foetus de plusieurs mois ou qu’un nouveau né. Cela montre surtout le mépris total pour les femmes et leur corps, pour les souffrances que représente d’avoir un enfant atteint de maladie génétique pour les familles et leurs enfants.

Comment expliquer que cette année, le travail de sape des intégriste a été repris par une partie de la hiérarchie catholique, et a pu ainsi créer une polémique et faire croire à un risque pour la réussite du Téléthon ?

D’une part, la révision de la loi de bioéthique en août 2004 a permis la recherche sur les cellules souches embryonnaires, et les premières autorisations ont été données cette année. La Fondation Jérôme Lejeune a largement distribué un document intitulé "Information éthique sur le Téléthon " dans lequel elle s’en prend nommément au professeur Peschanski, dont l’équipe est à la pointe de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires en France, et qui est financée en partie par l’argent du Téléthon. Marc Peschanski se plaint régulièrement du retard qu’accumule la France du fait de sa législation restrictive. D’autre part, le nouveau pape est peut être encore plus réactionnaire que l’ancien sur les questions de bioéthique. C’est ainsi lui qui a rédigé l’instruction "Le don de la vie" qui sert toujours de référence pour s’opposer au DPI, au grand dam de catholiques moins réactionnaires, qui font eux la différence ente la non implantation d’un embryon porteur d’une anomalie génétique, et l’avortement d’une femme enceinte de plusieurs mois. Il faut bien évidemment rappeler le rapprochement récent entre la mouvance intégriste Lefebvriste et le Vatican, à l’initiative de ce dernier. Elle s’est jusqu’à présent traduite par un accord avec des dissidents de la Fraternité Saint Pie X emmenés par l’abbé Laguérie, qui a obtenu sa réintégration sans dépendre de la hiérarchie catholique nationale. Le retour au bercail avec moult privilèges d’une partie des Lefebvrites a probablement permis de rétablir des passerelles et de faire sauter des verrous entre catholiques traditionnalistes restés fidèles à Rome et anciens schismatiques.

Autre fait notable, la révision de la loi de bioéthique s’est en partie déroulée sous le ministère de Jean-François Mattéi, professeur de médecine en génétique, ancien élève du professeur Jérôme Lejeune. Peu après son largage post-caniculaire, il a déclaré : "Je veux dire mon admiration et ma gratitude pour un maître auquel je dois tant. (...) Avec l’arrivée de la banalisation du diagnostic prénatal, il avait senti qu’une course allait commencer".

La course s’est accélérée, les catholiques l’ont fini dans le mur.

par Christian Gaudray


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