« Besancenot et le NPA ont ignoré la question du pouvoir » (Christian Picquet dans Marianne)

mardi 17 mai 2011.
 

Christian Picquet est le « patron » de la Gauche unitaire, la troisième formation qui constitue le Front de gauche aux côtés du PCF et du PG. Ancien de la LCR, il analyse la décision d’Olivier Besancenot de ne pas être le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste en 2012. Surtout, il attribue une bonne part de l’échec du NPA à Besancenot qui, selon lui, a ignoré la question du pouvoir et conduit sa formation dans un isolement mortifère.

Marianne : Olivier Besancenot avait déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait ne plus être porte-parole du Nouveau parti anticapitaliste. Ce qu’il a fini par faire. En revanche, sa décision rendue publique, hier, de ne pas être le candidat de la formation anticapitaliste pour la présidentielle est un petit peu plus inattendue ?

Christian Picquet : C’est une surprise sans l’être vraiment. Je note que dans la lettre qu’il a adressée aux militants du NPA pour leur annoncer sa décision, apparaissent des considérations personnelles qu’il agitait déjà depuis très longtemps.

Au-delà de ces considérations personnelles — que je respecte — cette décision révèle que le NPA n’a absolument pas répondu au projet fondateur qui était le sien. Le NPA s’était fondé, et Besancenot a sa part de responsabilité, sur une idée pernicieuse : il se pensait comme le seul parti fondé à être le représentant des classes populaires et voyait dans son isolement le gage de sa pureté.

Le NPA se voulait pourtant à l’origine ouvert sur la société, sur le « mouvement social » ?

L’idée était effectivement qu’avec le NPA, la LCR voulait dépasser le caractère étriqué, la sphère étroite, que revêt l’extrême gauche. Mais le NPA et Olivier Besancenot ont passé leur temps à taper sur le reste de la gauche et, en particulier, le Front de gauche. Il y a là une répétition d’une très ancienne posture propre à l’extrême gauche.

Mais surtout, Olivier Besancenot et le NPA ont ignoré la question du pouvoir. Comment fait-on pour se débarrasser de Nicolas Sarkozy, comment construit-on une véritable alternative de gauche, si l’on n’accepte pas le pouvoir ? Du coup, c’est une autre question qui s’est imposée : à quoi sert le NPA ? L’inutilité du Nouveau parti anticapitaliste a abouti à la succession d’échecs électoraux que nous connaissons (aux élections européennes et régionales ), à un échec du point de vue des militants (les effectifs du NPA sont à un niveau identique à celui de l’ex-LCR), à un échec enfin interne avec les divisions que l’on a pu voir lors de son dernier congrès. Le retrait de Besancenot met un point final à la conception de son parti fonctionnant sur l’isolement et la dénonciation du reste de la gauche.

« Le NPA doit opérer un virage à 180° et prendre part au Front de gauche »

« Point final » ? Vous estimez que le NPA, dans sa forme actuelle, est mort ?

En politique, on n’est jamais mort. J’ai été de l’aventure quand en 2002, Olivier Besancenot a fait sa percée. Il parlait à une gauche déçue de Jospin et formulait des propositions qui rencontraient alors un écho favorable jusqu’à faire un score de 4,5%. Mais cette conjonction de facteurs favorables ne peut pas se reproduire en 2012 et ne se reproduira pas s’il n’y a pas un bilan du NPA qui est rapidement fait. Le NPA doit prendre acte de cet échec, opérer un virage à 180° et prendre part au Front de gauche. C’est un vrai défi pour lui. J’espère que les dirigeants et les militants vont trouver les ressorts pour le relever.

Il y a donc une absence de leader au NPA depuis le retrait d’Olivier Besancenot. Il y a une autre absence, celle de Daniel Bensaïd, son « théoricien » disparu en 2010. Peut-elle expliquer une partie de l’échec du NPA ?

Ma réponse sera double. D’une part, la disparition de Daniel Bensaïd joue dans cette situation parce qu’il donnait une profondeur intellectuelle et historique, une dimension philosophique au NPA. Il était le seul à avoir une profondeur de champ.

Mais Daniel Bensaïd est aussi de ceux qui ont orienté le NPA dans cette impasse. Ça a été un sujet récurrent de divergence entre lui et moi. Il n’avait pas une vision politique concrète, mais très gauchiste. Il y a eu une liquidation de ce qu’il y avait de plus beau dans l’histoire de la Ligue : la recherche d’unité. Elle a été oubliée, négligée et Daniel Bensaïd y a contribué.

Le principal bénéficiaire du retrait d’Olivier Besancenot de la course à la présidentielle n’est autre aujourd’hui que le Front de gauche et son probable candidat, Jean-Luc Mélenchon ?

Plus que Mélenchon, c’est le Front de gauche qui peut en bénéficier. Un Front de gauche qui a basé sa démarche à l’inverse de celle du NPA car, lui, n’esquive pas la question du pouvoir. Ce sont deux méthodes différentes, deux stratégies. Une de ces stratégies — celle du Front de gauche — a permis d’aller de succès en succès, même s’il faut reconnaître que ces succès sont limités. L’autre stratégie — celle du NPA — a conduit aux échecs que j’évoquais plus tôt. Mais je ne veux pas utiliser la décision d’Olivier Besancenot pour des besoins que l’on pourrait juger « boutiquiers ». Je connais beaucoup de militants du NPA, j’y ai des amis, et aujourd’hui ils doivent être tristes de ce que le NPA est devenu…


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message