« L’exigence culturelle est antilibérale » Forum du Front de Gauche Article et Extraits Laurent (PCF) Picquet (GU) Mélenchon (PG)

samedi 7 mai 2011.
 

Pierre Laurent, Parti communiste français.

« La question culturelle est au centre de l’émancipation. Il faut engager un mouvement de liberté de création sans compromis. Cela implique des choix budgétaires portés par l’ensemble des collectivités.

L’appropriation sociale doit aller de pair avec l’appropriation culturelle. Il faut faire changer le pouvoir de camp. Ce n’est pas seulement une question institutionnelle mais culturelle. Autre point fondamental : il n’y a pas d’ambition publique sans moyens. Nous sommes en train de construire quelque chose de durable, une démarche de mise en mouvement qui doit se faire à égalité avec tous ses acteurs. Il existe un paradoxe : des forces progressistes immenses qui peuvent être noyées par la présidentialisation. Il faut changer le centre de gravité du débat politique. l’année 2012 n’est pas jouée. »

Christian Picquet, Gauche unitaire.

« La contre-révolution libérale a pour corollaire l’éradication de toute pensée critique. il s’agit de tout soumettre à la loi des profits, de lui soumettre les esprits. c’est une tendance historique du capitalisme. L’art n’est pas par essence révolutionnaire. Il est le reflet des affrontements et des contradictions de la société. Lorsqu’il y a crise du projet transformateur, cette loi déferlante du marché veut marginaliser les espaces. Le choix d’une culture soumise à une obligation de résultats figurait déjà dans la lettre de mission à Albanel. L’exigence culturelle ne peut s’accommoder du libéralisme dicté par le FMI depuis Washington. La culture n’est pas un supplément d’âme. »

Jean-Luc Mélenchon, Parti de gauche

« Nous sommes dans la phase de rédaction du programme partagé du Front de gauche avec une pratique particulière, celle d’ateliers législatifs pour proposer du concret. Il ne s’agit pas d’un projet technicien mais d’un projet subversif. Il nous faut préparer les conditions de cette subversion en augmentant le nombre de ceux qui y participent. Notre attelage incomplet, notre cohorte, connaîtra des jours glorieux et des petits matins plus moroses. J’appelle les créateurs à y prendre pied. Cette force rebelle, révolutionnaire, qui ne pense pas que la fin de l’histoire est arrivée sera-t-elle rayée de la carte ou franchira-t-elle ce terrible ressac. Que chacun s’y mette dans son art ! »

La culture, premier grand chantier du Front de gauche (article L’Humanité du 4 mai 2011)

Beaucoup de monde lundi soir au Grand Parquet à Paris pour parler culture, art et création. Interventions, interrogations, action : la culture au coeur des enjeux de la présidentielle. Premier acte qui précède de futurs « ateliers législatifs ».

L’ambiance était à la réflexion et à la convivialité. La mise en scène de ce premier chantier lancé par le Front de gauche afin d’« élaborer ensemble un nouveau projet culturel de gauche » évitait les face-à-face de courtoisie, dessinant les contours d’un débat interactif entre prises de parole annoncées et d’autres plus spontanées qui ont permis aux idées de s’enrichir des réflexions des uns et des autres. Parmi l’assistance, Pierre Laurent, Christian Picquet, Jean-Luc Mélenchon. Aucun des trois n’a fait de la figuration. Chacun s’est singularisé dans une même volonté de faire front sur le sujet qui, pour les trois, sera un enjeu majeur des campagnes à venir. Une nouvelle utopie

Alors, « un Front de gauche pour l’art et la culture », selon les mots d’Alain Hayot, ça pourrait être quoi ? Une nouvelle dynamique. Une nouvelle utopie. Une nouvelle attention aux créateurs. Une nouvelle façon d’être spectateur, spect’acteur pour ne plus être consommateur. « Être joyeux. Ne pas être incantatoire, savant, jeune ou vieux, dogmatique. Être actif », affirme Nicolas Frize. « 

Retrouver le plaisir de la lutte, partager des idées, faire des tours complets, une révolution, quoi », lui rétorque du tac-au-tac, dans un numéro de duettiste improvisé, Gérard Paris-Clavel. « Toute politique culturelle aujourd’hui est pensée en fonction du chiffre », dit la réalisatrice Mariana Otéro.

Au cinéma, au théâtre, au musée. « Il existe une politique culturelle de droite : celle du marché », poursuit Leïla Cukierman. « Le capitalisme fonctionne comme une religion et l’argent est son nouveau dieu », précise un autre. « Je n’ai rien à demander. Je n’ai pas envie de témoigner. J’ai envie de crier, de partager, de rêver, de réfléchir », dit un architecte venu d’Auxerre.

Le constat est partagé. Que ce soit sur le sort réservé aux compagnies de spectacle vivant (Judith Depaule), la précarisation des artistes plasticiens (Gilles Fromenteil), la déroute annoncée des enseignements artistiques (Edgard Garcia), le démantèlement systématique des services du ministère de la Culture au nom de la RGPP (Nicolas Monquaut). Alors, si tout le monde s’accorde sur la faillite du capitalisme, « pourquoi une alternative politique est-elle aussi difficile à construire ? » lance Fabien Barontini, directeur du festival Sons d’hiver. C’est bien là la question. Pierre Laurent s’y colle. « La culture est partie prenante de ce que nous avons à construire avec le Front de gauche. Il s’agit de refonder un projet à gauche. Il y a dans le pays une disponibilité à agir qui cohabite avec beaucoup d’impuissance. » Dont acte. Prendre le taureau par les cornes. Retrousser les manches. Et parce que écouter ne suffit plus, entendre, mesurer les aspirations, les propositions qui viennent des créateurs, des acteurs culturels. Les attentes sont grandes. Et les désillusions n’ont pas manqué de marquer les esprits ces dernières années. Le Parti socialiste, jamais cité lundi soir, ne s’est guère illustré dans son nouveau futur programme sur des propositions offensives en ce domaine. Tout n’est pas à réinventer, à recommencer. Tout est à inventer. Les interventions étaient pragmatiques, sérieuses, parfois techniques mais toutes mues par une même volonté de créer une véritable alternative à gauche.

Réconciliation humaine

Ce premier chantier qui s’inscrit dans la mise en place d’ateliers législatifs témoigne d’un échange vrai, de propositions encore à trouver, à ajuster, pour éviter la démagogie ou l’évidence trompeuse.

Le Front de gauche sera culturel ou ne sera pas. Ainsi Mélenchon parle-t-il de ce chantier d’avenir qui aura pour « tâche la réconciliation humaine qui permettrait à tous de se regarder comme des semblables. Ce serait la matrice d’une politique culturelle de gauche ». En matière d’aide à la création, de soutien sans faille aux créateurs, d’ambition culturelle, de revitalisation d’un grand service public de la culture, d’enseignement artistique, de mutualisation des aides, des structures, d’éducation populaire, bref, comme dirait l’ami Bernard Lubat, « ce n’est qu’un débat, continuons le début ».

Marie-José Sirach


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message