Immigration : Contrevérités, non-dits et idées reçues à l’index

dimanche 22 mai 2011.
 

Un audit sur la politique d’immigration de la France à l’initiative de parlementaires de toutes sensibilités politiques, rendu public mercredi, apporte un éclairage sur des aspects souvent peu ou mal connus du grand public et lève nombre de contrevérités, d’idées reçues et de non-dits. Paris

Il y a un an, des parlementaires (députés, sénateurs, eurodéputés) lançaient un audit de la politique d’immigration, d’intégration et de co-développement de la France.

Au cours des travaux de cet audit, 35 experts ont été auditionnés (chercheurs, sociologues, démographes, historiens, hauts fonctionnaires, policiers, magistrats, avocats, représentants de syndicats d’employeurs ou de salariés, organisations internationales, etc.). « Il s’agissait alors d’interroger les objectifs du gouvernement, d’évaluer et d’examiner de manière lucide, sereine et concrète tous les termes et tous les fondements de cette politique migratoire. En quelques mots, est-ce l’immigration qui pose problème ou la politique menée depuis des années ? », précisent les initiateurs de l’audit qui estiment que « la politique migratoire souffre d’opacité et de manque de transparence.

Le débat est souvent tronqué par la manipulation constante des objectifs. » Cet audit relève, par exemple, que selon les premiers résultats de l’enquête INSEE-INED « trajectoire et origine », les migrants subsahariens ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur à celui des personnes vivant en France métropolitaine (40% d’entre eux sont diplômés du supérieur). Et aussi qu’« en imposant le terme d’immigration, beaucoup de responsables politiques font sciemment l’impasse sur la réalité des mobilités ». A l’appui de ce constat, les chiffres de l’INSEE présentés par le démographe Hervé Le Bras, 5 ans après leur entrée, relèvent que seuls 60% des titulaires d’un titre de séjour sont encore sur le territoire français. Enquête emploi à l’appui, Hervé Le Bras a montré que le taux d’activité entre des étrangers de 30 à 49 ans et des Français du même âge est sensiblement identique (90% et 95%).

Les migrants sont présents dans tous les secteurs de l’économie avec une complémentarité sur le marché du travail dont les besoins sont divers en qualifications, comme l’a souligné Jean- Pierre Garson, économiste à l’OCDE. « Une politique migratoire ayant pour objectif de ne recruter que des personnes qualifiées relève donc du contresens économique et social ».

Membre du Conseil d’orientation des retraites, Didier Blanchet a mis en lumière le fait que si l’immigration ne peut lutter à elle seule contre le vieillissement, elle compense partiellement le déficit de naissance. Le professeur d’économie Lionel Ragot a souligné que si la France optait pour une « immigration zéro », ce n’est pas 3% du PIB supplémentaire qu’il faudrait trouver à l’horizon 2050 pour financer la protection sociale mais 5%.

En matière de co-développement, le gouvernement français a signé 14 accords de gestion concertée des flux migratoires qui conditionnent des aides sectorielles à la réadmission d’étrangers en situation irrégulière. « Il s’agit, avant tout, de coopération policière et non de développement », relève encore le rapport. Par ailleurs, « la précarisation du séjour se caractérise par la généralisation des titres de séjour de plus en plus courts qui placent les étrangers dans une instabilité économique et sociale », souligne le secrétaire général de la Cimade. « Le durcissement des critères, les lois à répétition, le caractère arbitraire des procédures participent de cette précarisation et installent une insécurité permanente », signale le rapport. « La mécanique administrative actuelle, stricte et rigide, revient à jeter les étrangers dans les systèmes informels du travail au noir », note Pascal Decary, directeur des ressources humaines de Véolia propreté, dont le secteur compte une forte proportion de travailleurs étrangers. « La régularisation des salariés permettrait de lutter contre la concurrence déloyale et d’assécher les sources d’immigration clandestine », indique le rapport.

Pour ce qui est de l’asile, la « générosité » de la France est mise à mal par les chiffres du HCR, dont a fait état l’anthropologue Michel Agier, indiquant 12 millions de réfugiés statutaires dans le monde, 1 million de demandeurs d’asile, 6 millions de personnes dans des camps de réfugiés, 25 à 30 millions de déplacés dans leur propre région et 12 millions de personnes apatrides. Ils montrent l’état des persécutions et des conflits dans le monde, tout en relativisant les 52 762 dossiers déposés auprès de l’OFPRA en 2010.

Les parlementaires présents à la présentation de l’audit à la presse ont regretté le refus des responsables institutionnels de répondre à leurs sollicitations. Ces parlementaires entendent toutefois « peser » sur le sujet ou « interpeller » leurs formations respectives. Martine Billard (parti de gauche) a fait état d’une autre étude selon laquelle si les immigrés « coûtent » annuellement 47,9 milliards d’euros en dépenses de protection sociale, ils rapportent 60,3 milliards en cotisations, soit un solde largement positif.

Nadjia Bouzeghrane


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