DSK Le spectacle continue mais la vie aussi

samedi 28 mai 2011.
 

Ce n’est pas un évènement banal que celui qui est advenu autour de Strauss-Kahn.

Il est bien probable que l’onde de choc perturbe longuement et durablement les esprits. Des millions de personnes se sont identifiées à la candidature de Strauss-Kahn. Elles avaient commencé le lent et profond processus d’appropriation du candidat qui est le versant affectif de l’engagement à gauche. Processus d’autant plus prégnant que la personnalisation de la politique est dorénavant très avancée. Toutes ces personnes n’ont pas été simplement spectateurs d’un drame. Ils l’ont intériorisé. C’est une affaire intime pour eux. L’enjeu pour la droite est de transformer ce deuil en ressentiment contre ceux qui l’ont provoqué. Le notre est de parvenir à ramener le débat sur les contenus. Le vide nous le permet. Non, la gauche n’est pas orpheline ! Cette situation peut ouvrir un moment nouveau pour nous. Il n’y a plus cette invasion de l’écran par le candidat qui a « gagné d’avance » qui tuait toute discussion par son silence et son éloignement. Au PS, les suivants de liste doivent gagner leurs galons. Ils doivent convaincre. Il leur faudra avoir des arguments. Déjà ils commenceront par s’affronter dans leurs primaires. Et un seul gagnera, selon qu’il aura plus ou moins convaincu. Bien sûr la matraque des sondages va taper sur les cranes comme un marteau piqueur. Mais le nombre des résistants va augmenter, du moins dans la période des primaires socialistes, car le nombre de personnes brutalisées par ces injonctions sera plus grand. Dans cette faille de l’espace politique jusque là sévèrement cadenassée par l’opium du « vote utile », nous avons notre chance de faire avancer les idées et d’installer nos marqueurs programmatiques. Tout se joue dans l’aptitude à installer des débats plutôt qu’une mode.

Bien sûr, on sait aussi que la puissance des images est dorénavant telle que de nouvelles images, sur d’autres sujets chassent les précédentes avec la même vigueur que celles–ci se sont collées sur notre cerveau. De toute façon cette histoire va lasser. Il y a un seuil dans la société du spectacle où tout finit par se valoir et où un méga coup doit chasser un giga coup. Alors dans un mois, peut-être bien moins, on parlera d’autres choses. Et tout ce qui vient de se passer sera comme ailleurs, dans un autre temps, sur une autre planète. Le temps court peut dominer les esprits. Ce n’est pas une découverte pour moi. Mais, pour autant, le temps long n’est pas aboli. Depuis le tremblement de terre au Japon, on parle d’autre chose. Mais l’axe de la terre est quand même déplacé de dix centimètres, la pourriture irradiée a bien engagé son chemin de concentration dans les organismes vivants, sur terre et dans la mer, le Japon s’est déplacé de plusieurs mètres en mer. Voila : on parlera d’autres choses mais les dégâts ne cesseront pas pour autant.

Des premières heures de propagation de l’évènement, il restera ce florilège de déclarations où la stupeur s’est aussitôt accompagnée d’une sorte de solidarité qui mettait mal à l’aise, même si on en comprenait les ressorts affectifs. Nous fûmes une petite poignée, toute petite, avec Marie-George Buffet, à nous soucier du fait qu’à côté du présumé coupable il y avait une présumée victime. Une femme de chambre. Je ne le dis pas pour me rengorger mais seulement pour souligner que j’étais certain, au moment où j’écrivais mes trois lignes de communiqué par sms cette fin de matinée du dimanche, que ce serait aussi la pensée de tous ceux qui s’exprimeraient. Il n’en a rien été. Certain(e)s n’arrivaient pas à dire le mot, cherchant comment on nomme ces personnes qui font le ménage dans les hôtels. D’autres la nommèrent sans s’en rendre compte « la soubrette ». Et cela aussi faisait partie de mes motifs de sidération. Ainsi, tandis que comme tout le monde je tachais de mettre de l’ordre dans mes idées devant l’énormité de l’évènement, je relevais aussi comment chacun abordait le sujet. Là était l’évènement, de bien des façons.

Pour finir, il y avait davantage à apprendre des réactions que des faits, dont finalement on ne sait toujours rien. Par la suite, les commentaires ont réintégré la présumée victime. Sitôt qu’elles ont eu la parole, il y eut des bonnes et belles choses de dites notamment par Clémentine Autain et Caroline de Hass. Les bouches officielles ont aussi commencé à prendre le thème. Jusqu’au point où comme le titre le Monde avec une certaine perfidie « le PS ne sait plus quelle victime il doit défendre » Je note que la présumée victime est revenue dans le paysage au moment où elle fournissait une habile transition pour la mise à distance avec le présumé coupable. Je pense que cette personne va maintenant occuper une place grandissante pour cette même raison. Bientôt il y aura sa photo. C’est là que le présumé coupable va encore descendre d’un cran vers le fond. Sa présumée victime aura un visage, une histoire. Il faudra que cette histoire soit décortiquée par des connaisseurs. J’aimerai beaucoup une enquête sur ce thème. Je crois que Daniel Schneidermann et son équipe « Arrêt sur Images » aurait du pain sur la planche. Mais d’ores et déjà je vous conseille de suivre la série d’articles qu’ACRIMED publie sur ce thème.

La scène médiatique fonctionne à coup de rebondissements. C’est son aliment. Et quand il n’y en a plus de disponible, elle fait d’elle-même son objet. Ce phénomène est récurrent dorénavant. Premier temps la curée, deuxième temps l’introspection et l’auto-absolution, troisième temps l’évaporation du sujet. D’abord donc ce fut le début de la séquence introspection-absolution. « Tout le monde savait » affiche France Soir ! Là, c’est au socialiste que le journal s’en prend. Enorme. Le journal cite, entre guillemet, un proche de DSK qui aurait mis en garde contre les comportements de DSK mais qui ne fut pas entendu. Ce thème, « tout le monde savait » plus ou moins délicatement traité parcourt tous les quotidiens. Il est mortel. Qui est « tout le monde ? ». Pas moi. Et qui savait quoi, s’il vous plait ? C’est une chose d’avoir entendu dire que telle ou telle personne est érotomane mais s’en est une toute autre de lui connaitre un penchant criminel, alors même que celui-ci n’est pas prouvé. On en revient toujours au même point sur le sujet. C’est comme si le viol, puisque telle est l’accusation, était une variante du sexe. J’ai même entendu dans un reportage une personne dire « on savait qu’il aimait les femmes mais pas à ce point ». Je vais rappeler une banalité mais « aimer les femmes » et les violer sont deux attitudes qui n’ont pas de lien. Elles sont même antinomiques. En tous cas ici le coup est destiné aux socialistes. Il s’agit de laisser penser qu’ils « savaient » mais le cachaient parce que, pour eux, ce ne serait pas important. Il s’agit donc de saper la confiance morale qu’on pourrait leur porter. On voit le but recherché.

Donc la séquence introspection-absolution de la sphère médiatique finira dans quelques heures. Les uns vont guerroyer sur le terrain finalement bien balisé de « en a-t-on trop fait ? ». D’autres « mais non, nous ne savions rien de sûr et certain. Et notre éthique nous contraint à ne parler que de ce qui est assuré. » La vraie question concrète restera de côté. La voici. La loi interdit que l’on montre une personne menottée ni aucune image humiliante pour elle. Or, pendant des heures, tous les médias audiovisuels se sont souciés comme d’une guigne de la loi ! Au moment-même où ils montraient ce qu’il en coute de la bafouer ! De la délinquance réelle pour dénoncer de la délinquance supposée. Et quelle suite ? Ici ou là quelques commentaires sur le mode des refrains traditionnels sur le « devoir d’informer avant tout » placé au dessus même du respect de la loi et de la souveraineté qu’elle incarne. Et pour quoi cette désobéissance ? Quelle information aurions-nous pu perdre sans cet héroïque acte de désobéissance civile ? Pour une longue orgie voyeuriste ! Rien de plus. La sortie de Strauss-Khan en direct et sans pause ne nous apprenait rien sur rien.


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