A Paris, Toulouse ou Lyon, des jeunes rêvent d’un " printemps européen "

jeudi 9 juin 2011.
 

Après avoir franchi la Méditerranée, le souffle démocratique tente de remonter vers le Nord. Alors que les Espagnols du mouvement Democracia Real Ya ! (" Une démocratie réelle, maintenant ! ") commencent leur deuxième semaine de mobilisation en occupant la place Puerta del Sol, à Madrid, des internautes français tentent d’allumer la mèche de la contestation de ce côté-ci des Pyrénées.

Lundi 23 mai, cette " véritable mobilisation citoyenne totalement indépendante et autogérée ", selon les termes du manifeste voté dimanche lors d’une assemblée générale organisée au débotté sur les marches de l’Opéra Bastille, à Paris, en était déjà à sa troisième journée de protestation. Le démarrage est cependant poussif. On est encore loin de la masse attirée Puerta del Sol.

A Toulouse, Lyon ou Nantes, les " attroupements " - comme dit la police - ont capté, lundi, des dizaines de personnes à chaque fois. A Paris, dimanche soir et lundi soir, elles étaient de 100 à 200. Mais à Bordeaux, nul ne s’est rendu au rendez-vous fixé à 19 heures, place de la Comédie.

Reste que les protestataires, mobilisés grâce aux réseaux sociaux Facebook ou Twitter, sont déterminés. Et pour certains aguerris. Ils sont parfois membres de collectifs politiques se réclamant des " Anonymous ", ces " sans-nom " de l’Internet qui se mobilisent au nom de la liberté d’expression ou qui sont proches de partis d’extrême gauche.

A l’origine du mouvement lyonnais, les étudiants espagnols Erasmus du collectif lyonnais Democracia Real Ya !, rejoints par des jeunes Français. Déterminés, plusieurs dizaines d’entre eux ont dormi sur place dans la nuit de samedi à dimanche. " Yes, we camp ! ", ont-ils clamé. Et, comme à Madrid, ils ont promis de se retrouver de jour en jour. A la Bastille, à Paris, ils tiendront jusqu’à dimanche 29, où un " grand rassemblement populaire en solidarité avec la révolte en Espagne " est prévu à 14 heures.

Tous espèrent que, d’ici là, le mouvement aura pris en France. Selon une méthode éprouvée à Tunis, au Caire ou à Madrid, ils s’activent sur Internet. Un site est né (Reelledemocratie.com) ; des pages Facebook ont éclos ; Twitter crépite.

L’appel à la mobilisation s’appuie, comme à Madrid, sur deux revendications principales, reprises dans le manifeste adopté par les 150 Français et Espagnols de Bastille : " Régénération démocratique " et " défense d’une politique sociale ". " Les démocraties européennes ont été séquestrées par les marchés financiers internationaux, déplore le texte. Nous sommes pris à la gorge par les plans d’austérité " et " le chômage a explosé ". Le " Indignez-vous ! " de Stéphane Hessel fait florès. Concrètement, ils demandent " une loi de responsabilité politique pour lutter contre la corruption ", " des mécanismes de démocratie directe " ou " une taxe sur les transactions financières internationales ".

A Nantes, la fronde se veut apolitique et pacifiste. Elle cloue au pilori " le capitalisme financier ", " le règne de l’argent-roi " et " le monde politique tel qu’il existe ". " Le système actuel est fondé sur l’accumulation d’argent aux dépens de questions fondamentales telles que l’égalité, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être ou le bonheur ", énonce Anna, professeur d’espagnol, présente place Royale, lundi. L’assemblée est plutôt jeune, mais elle compte aussi des quadragénaires actifs et des retraités. Place Bellecour, à Lyon, des kilos de cerises circulent parmi la centaine de jeunes rassemblés en sitin, mais ce sont tentes, draps, tables, vaisselle jetable et sacs de couchage qui sont réclamés pour les jours suivants.

Les tentes dressées au début du week-end sur la place du Capitole, à Toulouse, avaient disparu lundi. " Pour ne pas être délogés par la police ", explique une organisatrice. De nombreuses pancartes sont posées à même le sol. Plusieurs d’entre elles invitent, en français et en castillan, à ne pas " avoir peur ". " Ce n’est pas au peuple d’avoir peur du gouvernement, mais au gouvernement du peuple ", proclament deux banderoles manuscrites. Viena, 26 ans, distribue des tracts qui appellent à " prendre la place " au nom des " indigné-e-s ", " tous les soirs à 19 heures ". " Ça m’a fait frissonner, ce qui arrive là-bas ", dit-elle en évoquant, avec un fort accent espagnol, le mouvement madrilène.

Eric Labuske, 22 ans, fait partie des contestataires de la Bastille. Espagnol, le jeune homme étudie en France. " L’idée, explique-t-il, est que le mouvement se propage ici avec les revendications des Français, puis en Europe. Ce que nous visons, c’est une révolution mondiale. " En attendant, " ça commence à essaimer dans toutes les villes de France, veut croire Sacha Tognolli, " étudiant salarié ", lui aussi habitué de la Bastille. On est sur la bonne voie. Nous ne sommes pas encore des dizaines de milliers, mais ça va venir. "

En tout cas, Viena espère " du changement " à l’élection " présidentielle de 2012 ". En France ? Non, en Espagne.

Benoît Floc’h avec Jacques Boucaud (Lyon), Yan Gauchard (Nantes) et Stéphane Thépot (Toulouse)


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