Trichet, le petit génie de l’austérité qui vous tue pour votre bien, et ses rêves inspirés d’Europe autoritaire

vendredi 17 juin 2011.
 

Mauvaise nouvelle encore, l’accélération incroyable des délires autoritaires de « l’Europe qui protège » et de ses griots. Trichet, le petit génie de l’austérité qui vous tue pour votre bien, a gargouillé son insondable mépris de la souveraineté des peuples. Propos inouïs. Mettez ses mots dans la bouche des pestiférés de l’ancienne union soviétique à l’égard des anciens pays de l’Est ! Qu’aurait-on dit ! Et d’ailleurs, « on » a dit. Quand Brejnev évoqua la « souveraineté limitée » des pays du Comecom et du pacte de Varsovie, quelles clameurs ce furent ! Là, silence radio. Au mieux, des comiques médiatiques ont suggéré que la proposition de créer un ministre des finances européen, était le plan de carrière personnel d’un jeune retraité de la banque centrale. Ah ! Quelle hauteur de vue ces médias ! Ne disons rien pour l’instant de notre héros national du sacerdoce médiatique européen, le Savonarole des bidets politiques, l’immense monsieur Quatremer ! Il est tout entier absorbé en ce moment par l’exposé de la doctrine de ses cuistreries inquisitoriales. Il mélange donc à longueur de blog dénonciations moralisantes et confusions entre crime et calembredaines. Selon moi cette confusion nous en apprend davantage sur lui que sur le sujet dont il traite. Alors Trichet, dans ce contexte, c’est de la petite bière qui, si ça se trouve, ne couche même plus.

Et pourtant quelle leçon de chose que ce testament politique de Jean-Claude Trichet ! Il a prononcé jeudi 2 juin un discours d’anthologie à Aix-la-Chapelle où il recevait le "prix Charlemagne". Il a d’abord dressé un tableau idyllique de la politique européenne : "l’Europe a été la pierre angulaire de la prospérité économique fondée sur l’ouverture des marchés et la libre concurrence." "L’UEM a été bénéfique à l’emploi. L’euro a pleinement tenu ses promesses." Et, en pleine hallucination, il a même ajouté : "il n’y a pas de « crise de l’euro" ! Ces choses là sont possibles ? Oui, ce type existe vraiment. Mais depuis quand n’est-il pas descendu de sa soucoupe volante, voila la question.

Puis il s’est tressé quelques lauriers pour vanter son "engagement sans faille en faveur de la stabilité des prix". Un engagement fanatique assumé :"avant et durant la crise, toutes nos décisions relatives aux taux d’intérêt ont eu pour seul objectif de maintenir la stabilité des prix". Les rentiers lui feront une statue. Mais il n’en est pas resté là. Il nous a aussi gratifiés de propositions pour l’avenir. Accrochons nos ceintures.

Dans les rêves inspirés de monsieur Trichet, l’Europe autoritaire passe la vitesse supérieure. "Si un pays n’obtient toujours pas les résultats attendus, je pense qu’une deuxième étape s’impose et qu’elle devra être d’une tout autre nature ». Au secours, on entend un bruit de botte cloutée ! « Serait-ce aller trop loin, se demande faussement ingénu le raminagrobis du fric, que d’envisager de permettre aux autorités de la zone euro d’exercer une influence beaucoup plus forte et plus décisive sur l’élaboration de la politique économique au sein du pays concerné si celle-ci dérape dangereusement ?" Dérape ! Mais comment peut-on parler comme ça ?

Trichet précise sa proposition. Une caricature d’eurocratie. Il souhaite "que les autorités européennes aient le droit d’opposer leur veto à certaines décisions de politique économique nationale. ». Le premier mot qui compte ici c’est « les autorités » ! Foin des institutions et des représentants du peuple ! Et le mot qui tue c’est « veto » ! Ceux qui m’ont trouvé exagéré sur le thème peuvent avoir des remords. Ceux qui ont regretté les accents populistes de ma dénonciation de l’Europe autoritaire (« ne croyez vous pas que vous exagérez ? ») et de la régression de nos libertés jusqu’au point du débat sur le droit de veto du roi (« vous savez bien que ce n’est pas du tout à l’ordre du jour ») voient dorénavant ce qu’il en est dans l’esprit du tout premier responsable européen.

Cette substitution de souveraineté, du peuple vers « les autorités » couvrirait un champ considérable. Que resterait-il après cela de la souveraineté du peuple ? C’est une nouvelle fois l’esprit du traité de Lisbonne et du projet de Constitution européenne qui visait à constitutionnaliser la politique économique libérale. « Cette compétence pourrait en particulier concerner les principaux postes de dépense budgétaires et les facteurs déterminant pour la compétitivité du pays". C’est dans ce contexte qu’il propose "un ministère des finances de l’Union". On voit comme il est superficiel d’en rester à des mauvaises plaisanteries sur un tel sujet. Et comme si cela ne suffisait pas, la conclusion qui se veut lyrique fait froid dans le dos ! Quel grand démocrate : "partout où le nom de Charlemagne a une signification, là est l’Europe". L’Union européenne placée en 2011 sous les auspices de Charlemagne empereur barbare de l’an 800 ! On se pince. Mais voila qui va comme un gant à l’Europe autoritaire que nous avons sous les yeux. Il y a 1 200 ans, ce "père de l’Europe" avait déjà essayé d’unifier l’Europe par la force des armes et l’orthodoxie religieuse. Leur projet est le même aujourd’hui : la force est désormais celle des banques et des marchés et l’orthodoxie celle du libéralisme et du libre échange. Et l’église pour nous exalter nos prétendues racines dans ces âges barbares.

Certes, Trichet va partir. Mais son remplaçant est, lui aussi, un illuminé libéral grand teint. C’est l’actuel gouverneur de la banque d’Italie, Mario Draghi. Ce n’est un italien que d’apparence. En réalité il s’agit d’un zombie. Un mort vivant, ressorti tout droit du cimetière de la grande crise de 2008. Car le monsieur est l’ancien vice-président pour l’Europe de la toute puissante banque américaine Goldman Sachs. Quel merveilleux curriculum ! Un type qui est fier d’être caractérisé de « plus allemand des italiens ». Dans cette spécialité on a déjà donné en Italie. Mais pourquoi changer des équipes aussi performantes ! On peut donc lui faire confiance pour continuer à penser et agir « conforme » pour la zone euro.

Il n’a pas trainé pour entonner l’hymne des dévots de l’euro fort. Adoubé par l’Allemagne, ce dernier a osé dire à Berlin le 25 mai que "le succès de l’union monétaire a dépassé nos attentes les plus optimistes". Nous voila replongés en pleine hallucination. De quels succès parle-t-il ? Le nombre d’emplois détruits ou délocalisés ? Le nombre de chômeurs et de pauvres ? Pauvre fou ! Il a même ajouté que "l’Allemagne montre le chemin" en matière de réformes dans l’Union européenne. Malheureusement les propositions de Trichet, elles non plus, ne restent pas confinées dans le secret médical de l’asile dont elles sont dignes. Son délire du 2 juin à Aix-la-Chapelle a déjà contaminé. Sa proposition d’un "ministre des finances européen" a aussitôt été soutenue par le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier. Ca va mal finir toute ces sottises.


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