Assurance tout fric pour assistés du CAC (dossier de L’Humanité)

samedi 25 juin 2011.
 

Rémunérations 2010 déclarées des patrons du CAC 40 :

- F. Riboud (Danone) : 5 895 058 euros

- A. Belloni (LVMH) : 5 572 738 euros

- M. Rollier (Michelin) : 4 500 000 euros

- B. Arnault (LVMH) : 4 046 863 euros

- J-P Agon (L’Oréal) : 3 835 000 euros

- C. Viehbacher (Sanofi Aventis) : 3 605 727 euros

- M. Lévy (Publicis) : 3 600 000 euros

- G. Mestrallet (GDF Suez) : 3 322 568 euros

- P. Varin (PSA) : 3 253 800 euros

- C. de Margerie : 3 015 030 euros

1) Assurance tout fric pour assistés du CAC

Alors que s’organise une campagne de la droite contre les allocataires du RSA et d’autres aides sociales, les grands patrons s’attribuent des revenus pharamineux. Une quarantaine d’entre eux ont empoché en 2010 l’équivalent de ce que touchent 18 300 personnes victimes du chômage et de l’exclusion.

Un scandale qui soulève l’indignation

La chasse aux pauvres engagée par l’UMP, la stigmatisation des hommes et des femmes contraints de survivre avec leur RSA, cela les fait rire probablement. Eux, la quarantaine de dirigeants des grands groupes français cotés au CAC 40, se sont fait verser par leur société plus de 100 millions d’euros de rémunérations en 2010.

En tête du hit-parade des assistés du sarkozysme caracole Franck Riboud, PDG du géant mondial du yaourt et de l’eau en bouteilles. L’héritier d’Antoine Riboud a touché plus d’un million d’euros de rémunération fixe brute annuelle, auquel il faut ajouter 1,8 million de rémunération variable brut et 3 millions de rémunération pluriannuelle. Si on y inclut divers avantages en nature, dont les voitures de fonction et autres commodités, on atteint la somme pharamineuse de 5,9 millions d’euros par an.

Dans le tiercé gagnant, Franck Riboud est talonné par Antonio Belloni, le directeur délégué général de Louis Vuitton-Moët-Hennessy, et par Michel Rollier, patron de Michelin.

Le comble est peut-être atteint chez Accor

Mais il y a ce qui saute aux yeux et l’argent plus discret. Examinons le cas du patron de Carrefour, Lars Olofsson. En apparence, il n’a touché que 2,6 millions d’euros de rémunération en 2010 mais il faut ajouter 900 000 euros de stock-options et 1,7million d’euros d’actions gratuites qui lui seront acquises s’il réussit à développer encore le groupe. Ça fait tout de même un pactole de 5,2 millions d’euros. Il faut par ailleurs tout prendre en compte  : les indemnités de départ, celles pour la retraite ou celles en cas de décès pour les ayants droit.

Autre exemple  : deux dirigeants du Crédit agricole se font payer le loyer de leur appartement. Lars Olofsson, de Carrefour, perçoit une indemnité de logement de 100 000 euros par an. Le comble est peut-être atteint chez Accor, le groupe qui contrôle les hôtels Ibis et Novotel. L’entreprise a contracté une assurance privée au profit du PDG qui lui assurera sur une période de 24 mois une indemnité en cas de chômage qui pourra s’élever jusqu’à 111 000 euros par an. C’est sûr, il n’aura pas besoin lui d’aller à Pôle emploi  !

Si les ministres prenaient le temps de calculer

La quarantaine de grands patrons du CAC 40 a perçu en 2010 un total de 102,5 millions d’euros de rémunérations directes. Si les ministres de Nicolas Sarkozy et les dirigeants de l’UMP prenaient le temps de calculer, ils pourraient s’apercevoir que cela représente l’équivalent de l’allocation annuelle perçue par 18 300 personnes bénéficiant du revenu de solidarité active (RSA). Mais pour les cracks du CAC, il ne s’agit là que de leur smic. Il faut ajouter tout ce qu’il est impossible d’évaluer  : les stock-options, les actions qui leur sont généreusement attribuées.

Le scandale en l’affaire ne tient cependant pas seulement à l’importance des sommes en jeu mais aussi à l’impact social du mode de rémunération. Depuis quelques années, celui-ci est de plus en plus calé sur la rentabilité financière.

Ainsi, chez Axa, l’indicateur retenu pour déterminer le nombre d’actions attribuées aux principaux dirigeants est désormais le résultat opérationnel et le résultat net du groupe par action. Chez Suez Environnement et dans plusieurs autres groupes, l’évolution du cours de l’action est intégrée au calcul.

Quel est le sens de cette dérive  ? Pour obtenir du bonus, les cracks du CAC sont incités à augmenter les profits de leur groupe en réduisant les coûts, et particulièrement ceux du travail. C’est dire qu’ils doivent tout faire pour comprimer la masse salariale et l’emploi  : freiner les salaires, réduire les effectifs, restructurer, délocaliser. Bref, notamment mettre des gens au chômage, des hommes et des femmes qui peut-être, faute de retrouver un emploi, se retrouveront au RSA.

La droite les bichonne

Les cracks du CAC sont aussi choyés par la droite. 
Pour preuve, le bouclier fiscal s’avérant impossible à maintenir, 
les parlementaires de l’UMP ont décidé de le supprimer après 2012 et, en contrepartie, ont exonéré de l’ISF les contribuables les moins fortunés et baissé les taux des autres. La symétrie n’est qu’apparente. Si la suppression du bouclier fiscal privera l’État 
de 700 millions d’euros annuellement, la réforme de l’ISF amputera ses recettes de 1,6milliard. Depuis 2007, on ne 
compte plus les mesures en faveur du capital. Pourtant, 
une étude de l’Insee publiée en 2010 montre qu’«  entre 2004 
et 2007, les revenus moyens des très hauts revenus ont augmenté plus rapidement que ceux de l’ensemble de la population (…), 
d’où une augmentation notable des inégalités par le haut ».

Pierre Ivorra

2) Cumulards peinards : les patrons du CAC 40 collectionnent les mandats

Les administrateurs en France sont les champions d’Europe en matière de casquettes multiples, ce qui leur permet de multiplier les jetons de présence pour toucher toujours plus.

Salaire annuel de plusieurs millions d’euros, stock-options à foison et retraites chapeau indécentes. Pour les patrons des quarante fleurons de l’économie française, cela ne suffit pas. Ce qui explique qu’ils soient engagés dans une véritable course aux jetons de présence avec des conseils d’administration du CAC 40 qui offrent un petit pécule de 55 000 euros par an, en moyenne, à ses membres assidus. Et les administrateurs en France sont les champions d’Europe en la matière. Toutes les sociétés du CAC sont reliées entre elles par ces dirigeants aux multiples casquettes. Total, GDF-Suez et BNP Paribas sont les plus connectées avec chacune 19 liens avec d’autres entreprises du CAC 40, révélait une enquête d’Alternatives économiques en 2010.

Concernant les dirigeants, la palme revient à Michel Pébereau, PDG de BNP Paribas, qui occupe une colonne entière dans le Who’s Who in France, l’annuaire des sommités de l’Hexagone. S’occuper d’un groupe présent dans 81 pays et employant 204 600 salariés lui laisse aussi le temps d’être administrateur chez AXA, Saint-Gobain, Lafarge, Total, EADS (Pays-Bas) ou Pargesa Holding (Suisse) et censeur pour les Galeries Lafayette. Il a pu ainsi récolter plus de 295 000 euros de jetons de présence en 2010. Une bagatelle qu’il pourra ajouter à son revenu annuel évalué à plus de 1,2 million d’euros. Mais il est loin d’être le seul cumulard  : Gérard Mestrallet, dirigeant de GDF-Suez, Franck Riboud, directeur du groupe Danone, ou encore François-Henri Pinault, patron de PPR (Pinault Printemps Redoute), en sont les dignes représentants.

Le cumul des mandats fait consensus au sein du patronat. Dans sa dernière charte sur les politiques de rémunération des dirigeants (code AFPE-Medef, 2008), élaborée pour éviter de voir le gouvernement légiférer dans ce domaine, le Medef élude le sujet. Pourtant, cette concentration des pouvoirs dans les mains de quelques personnes est sujette à de nombreuses dérives. Une petite centaine de personnes, soit 22 % des administrateurs, détiennent 43 % des droits de vote des 40 plus grosses capitalisations boursières de la place de Paris. Le CAC est décrit comme le « réseau le plus puissant » d’Europe par le cabinet Ernst & Young, en raison des liens endogames qui existent entre les sociétés. Véritable caste de dirigeants où les épouses sont parfois conviées à siéger en conseil d’administration sans rééquilibrer leur part qui stagne à 10 %. Mais le CAC c’est aussi plus de 1,5 million de salariés qui dépendent directement des choix de gestion de ce petit microcosme.

En cette période d’austérité, la cure est difficilement supportable pour les plus corpulents qui doivent maintenir leur train de vie. Ainsi, la rémunération des administrateurs a augmenté en France de 15% entre 2008 et 2010 alors qu’elle a diminué de 4% en Europe, a indiqué le cabinet d’études Heidrick & Struggles.

Choix quelque peu cornélien  : une personne au smic devrait travailler plus de 11 000 heures par semaine pour côtoyer la rémunération des PDG les mieux payés du CAC 40 ou prolonger sa vie active de 273 ans pour juste rattraper leur rémunération de 2010.

Ronan Kerneur

3) Les assistés ne sont pas ceux que l’on croit

Commençons par rétablir une vérité simple. Une personne seule, sans emploi, bénéficiaire du RSA, perçoit 467 euros par mois. Cette somme, modique, lui laisse environ 15 euros par jour pour vivre, payer son loyer, se déplacer... C’est pourtant déjà trop aux yeux de la bienséance libérale, en campagne contre le chômeur « assisté ». Philippe Varin, lui, émarge selon la CGT, à « 9 000 euros par jour ». Cette coquette somme fait du patron de PSA un entrepreneur méritant, récompensé des « risques » qu’il prend pour élaborer en cachette un plan secret qui conduit à la fermeture de deux usines en France.

La situation est totalement indécente. Elle l’est d’autant plus que PSA, comme beaucoup de champions du CAC 40, vit sous assistance des deniers publics. Au nom de quoi, il faudrait considérer comme normal d’accorder une aide de 3 milliards d’euros au constructeur automobile quand la crise vient faucher son carnet de commandes, et aberrant de porter assistance au salarié qui perd son emploi. L’assurance chômage a précisément été créée pour continuer de subvenir à ses besoins quand un coup dur arrive. Elle n’est pas parfaite, mais repose sur une idée généreuse, celle d’une société solidaire, où la force du collectif permet à chacun d’avoir les moyens de relever la tête.

Le fardeau pour les finances publiques, ce n’est ni le chômeur qui touche le RSA, ni le malade dont les soins sont remboursés à 100 % par la Sécu, ni le retraité qui a bossé toute sa vie pour pouvoir vieillir en paix... Le boulet du déficit public est plutôt à chercher du côté des « assistés patronaux ». Les seules exonérations de cotisations patronales représentent un trou de plus de 21 milliards d’euros dans les caisses de l’État en 2011. Prévert aurait pu écrire un poème avec l’inventaire des aides financières accordées aux entreprises. Mais il aurait peiné à coucher sur le papier la somme des contreparties exigées en échange, en termes d’emploi, d’investissement, de recherche ou de salaire...

Les patrons du CAC 40 ont finalement beaucoup de droits. Et peu de devoirs. Les chômeurs, les petites gens, eux, n’auront bientôt plus que des devoirs... Or le droit a été inventé pour protéger les plus faibles de la domination des puissants. Quand l’UMP lance une campagne sur « les droits et les devoirs », la droite lance la roue à contre-courant de la démocratie.

Paule Masson


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